Quand j’étais gamine, je rêvais de porter un appareil dentaire, mais ma dentition n’avait besoin d’aucune correction. Du coup, j’ai toujours pensé que ces fameux grillz que les rappers et les wiggers arborent étaient une super option de remplacement. En cherchant sur le web, je suis tombée sur cette boutique spécialisée située à Paris, Dr Doll’art. Je m’attendais à ce qu’elle soit tenue par 2 gangsters à la gomme, mais en fait Dr Doll’art est dirigé par deux nanas super mignonnes, Dolly (25 ans) et Merry (24 ans).
Vice : Wow, deux jolies filles ! Comment en êtes-vous arrivées à fabriquer des grillz ?
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Merry : On a commencé il y a 1 an. On est les seules personnes en France, et peut-être même les seules filles dans le monde, à en fabriquer. J’étais rédactrice beauté dans un magazine, maintenant je m’occupe de notre collection. Dolly est « le docteur », elle a un diplôme de technicienne dentaire. C’est elle qui prend les mesures et fabrique les bijoux dans son propre laboratoire.
Dolly : J’ai commencé à fabriquer des grillz pour mes potes, juste pour m’amuser. Merry était mariée à l’un de mes amis, et je leur ai tous les deux fabriqué des grillz pour leur mariage. Puis on est devenus amis. Quand nos relations ont toutes les deux merdé, au même moment, on a décidé d’arrêter de pleurer sur notre sort et de faire des thunes en se lançant à deux dans un truc marrant.
Pour être honnête, je ne m’y connais pas trop en grillz. En fait, je trouve simplement ça joli.
D : On peut en faire plein de différents. Il y a les wallz – c’est comme ça qu’on appelle les dentiers remplis de diamants, ou les dents avec des couronnes en or, c’est le truc le plus demandé – ou les grillz partiels. En général, on utilise de l’or et des cristaux Swarovski à la place des diamants, mais on peut aussi incruster de vraies pierres précieuses. Ça dépend du budget, on peut tout faire avec le moule de votre dentition.
M : On peut aussi incruster des bijoux sur des chaînes en or. Mon ex-mari a perdu son clip en or quand il l’a enlevé pour manger un hamburger. Un vrai cauchemar. C’est pour ça que notre première interrogation lorsqu’on on a lancé notre affaire, ça a été « comment ne pas perdre son grill ? ». Et c’est très joli aussi, porté en pendentif.
Sans doute. C’est quoi exactement, votre vision du grill parfait ?
M : On voudrait les envisager dans un contexte plus large que celui du hip-hop, faire des grillz de luxe que n’importe qui pourrait avoir envie de porter. On en a même vendu à une baronne. On est super motivées. On a fait une pièce Chanel, qu’on a présentée à Karl Lagerfeld. Après l’avoir poursuivi dans tout Paris, on a enfin réussi à l’attraper et il nous a arrangé un rendez-vous au siège de Chanel. Nous sommes de vraies « évangélisatrices » du dentier diamanté. On a un pied dans le monde de la mode et un pied dans l’univers du hip-hop, en plus d’avoir l’avantage d’être des meufs.
À quoi ressemble la concurrence dans le milieu ?
M : En France, les seuls personnes qui nous concurrencent sont ce qu’on appelle « les dents de derrière la mosquée ». En gros, en Afrique – au Mali et au Sénégal plus particulièrement -, les mecs ont pour coutume d’arborer une dentition en or dès l’âge de 15 ans. C’est genre, un rite de passage. Et parfois, des spécialistes africains viennent en France, et montent discrètement leur business en banlieue. Ils font ça pour vraiment pas cher, pas plus de 20 euros pour une dentition intégrale. Malheureusement, l’encastrement est à vie et du coup, tes dents doivent être limées, et en plus de ça, ton haleine en prend un coup pour le reste de ton existence. Notre truc est différent : tu peux enlever ton grill quand tu en as marre. Ils sont peut-être plus chers, mais ils valent le coup. Nos prix commencent à partir de 80 euros.
Vous commencez à vous faire un nom dans le métier.
D : Au début, notre stratégie se résumait à prendre notre scooter jusqu’à la périphérie de Paris et parler de nos bijoux aux cailleras du coin. Se faire un nom dans le milieu était facile ; c’est pas tous les jours que tu vois deux nanas comme nous débouler et te parler de bijoux de gangsters. Se rapprocher de ces mecs nous a permis de rencontrer quelqu’un que l’on adore : Booba. Il nous a acheté 5 pièces d’un coup. Je pense que la scène rap française nous aime bien parce qu’on ne les approche pas que pour se faire de la pub. Quand on prend des photos de gens qui portent nos bijoux, on cache toujours leurs yeux. C’est notre politique.
Vous ne pensez pas que les grillz, c’est un truc typique de notre époque ?
M : Non, regarde, les pirates portaient aussi des dents en or. Pour que personne ne puisse voler leurs richesses.
Ah oui, bien vu.