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Profession : pilote d'avions dans des ouragans

Scott Price est membre de la « division ouragans » d'une agence américaine, et c'est lui qui traverse les tempêtes monstrueuses comme Irma pour récolter des données utiles.
Le commandant Scott Price. Photo de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique

Lors de leur formation, les pilotes sont incités à éviter le plus possible les perturbations atmosphériques afin de mener leurs passagers à leur destination sans danger. En gros, foncer droit sur un ouragan n'est pas vraiment conseillé. Pourtant, il s'agit d'une mission classique pour les pilotes de la « division ouragans », service chargé de surveiller ces phénomènes climatiques extrêmes pour le compte de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique.

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Autant vous dire que les dernières semaines ont été chargées pour ces pilotes de l'extrême, avec les ouragans Irma, Harvey, Jose et maintenant Maria – qui a provoqué le chaos à Porto Rico et dans de nombreuses autres îles du territoire américain, entraînant le décès d'au moins 33 personnes à Porto Rico et à la Dominique.

Pilote depuis neuf ans au sein de la division ouragans, le commandant Scott Price a connu son lot de tempêtes dévastatrices. Aujourd'hui, il est incapable de se souvenir avec précision du nombre d'yeux de cyclones qu'il a traversés – « autour de 140 », avance-t-il. Je lui ai demandé de m'expliquer ce qu'il ressentait à chaque fois qu'il s'approchait de l'un de ces mastodontes.


Les données les plus utiles liées à un ouragan sont contenues dans l'ouragan lui-même – c'est pour cela que nous volons « à travers », afin de libérer des capteurs en tout genre. Ces derniers permettent de mesurer la vitesse du vent, sa direction, la pression atmosphérique, la température, l'humidité. Nous larguons tout ça dans l'ouragan, les données nous parviennent jusque dans l'avion, et nous les transférons dans un centre de contrôle, où des ingénieurs sont chargés de les interpréter. Tout cela permet aux pouvoirs publics de prendre des décisions cruciales : évacuer la population ou non, mettre en place des abris. Notre objectif est de récolter le maximum de données, données servant au bien de tous.

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Bien souvent, nous organisons des rotations pour être les plus efficaces possible. Mon équipe et moi-même volons pendant huit heures, puis nous atterrissons et transmettons l'avion à une autre équipe. En gros, je décolle dans l'après-midi, vers seize heures, et atterris vers minuit. L'équipe suivante décolle autour de quatre heures du matin pour atterrir à midi, et ainsi de suite. On nous prévient généralement 48 heures avant le décollage.

L'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique possède plusieurs avions, que nous appelons « chasseurs d'ouragans ». L'un est un Gulfstream IV, qui vole à haute altitude, entre 12 et 14 kilomètres, ce qui nous permet de recueillir des données sur l'atmosphère entourant un ouragan. Ça nous donne des indices sur la façon dont va évoluer l'ouragan. Parfois, on utilise cet avion pour passer « au-dessus » de l'ouragan, mais il sert surtout à explorer la périphérie de celui-ci. Sinon, nous volons dans des P-3 Orion, qui nous permettent d'accéder à l'œil d'un ouragan.

Cet œil est bien souvent un endroit assez « calme » – sachant qu'il faut tout de même passer par un mur d'orages très violents, la zone la plus dangereuse du cyclone. Si l'on prend le cas d'Irma, en accédant à l'œil nous sommes passés de vents allant à plus de 250 kilomètres par heure à des vents autour de 177 kilomètres par heure. Dans cette zone, nous tentons de trouver l'endroit où la pression est la plus basse, ce qui nous permet de collecter des données nécessaires aux prévisions météorologiques. Nous restons le moins de temps possible dans l'œil, tant celui-ci peut être instable – c'est notamment le cas pour les tempêtes tropicales ou les ouragans de « faible intensité ».

Quoi qu'il en soit, voler à travers un ouragan n'a rien d'une partie de plaisir. Heureusement, les avions que nous utilisons ont la peau dure. Ils ont l'habitude d'être ballottés. Après, même un avion de plus de 60 tonnes peut avoir du mal à encaisser le choc. Lors de l'ouragan Jose, alors que celui-ci n'était que de catégorie 1 – avec des vents allant de 119 à 153 kilomètres par heure – les turbulences étaient incessantes. Nous avons volé pendant deux heures sans jamais détacher nos ceintures. C'était épuisant.

Après, on nous interdit parfois de voler, tant les conditions sont extrêmes. Nos avions ont beau être résistants, il faut les protéger. Lorsque nous atteignons des vents extrêmement violents, nous annulons la mission. Ça m'est arrivé une fois. La vitesse du vent à l'extérieur de l'appareil avait atteint un niveau que nous considérons comme critique – du coup, il s'agissait de protéger l'appareil. Après chaque ouragan, il y a toujours un nouvel ouragan à étudier.

Le pire serait de devoir faire face à une défaillance généralisée au cœur d'un ouragan. J'ai toujours eu beaucoup de chance à ce niveau-là. Il arrive parfois qu'il y ait de la fumée. Nous avons des procédures d'urgence pour gérer ce genre de situations, mais ça peut être assez compliqué, puisque cela signifie que des personnes doivent se concentrer sur autre chose que l'ouragan en lui-même. Ça m'est arrivé deux fois au cours de ma carrière.