Soiree

Avec les lycéens qui ont loué un hôtel particulier à Paris pour y organiser une soirée illégale

Grâce à des annonces sur Instagram, 200 personnes se seraient pointées sur les lieux. Résultat : 30 000 euros de dégâts, trois interventions de police et quelques questions à leur poser.
Pierre Longeray
Paris, FR
Paul Douard
Paris, FR
Un salon privé
Vostok

Organiser une soirée chez soi est souvent un moment pénible. Appartement minuscule, invités trop sales et voisins retraités suffisent à faire d'un moment festif un véritable calvaire. Du coup, organiser chez les autres est nettement plus simple. C'est exactement ce qu'on fait une bande de lycéens le weekend dernier à Paris, mais les choses ont semble-t-il dérapé.

Samedi 29 juin à Paris, des lycéens ont loué sur Airbnb un appartement de 80m2 (avec terrasse) dans un hôtel particulier situé rue de Turenne, dans le quartier du Marais à Paris, afin d'y organiser une petite sauterie. Pour être certain de remplir les lieux et rentabiliser les 500 euros de location pour la nuit, ils ont posté une petite annonce sur les réseaux habituels : « 5 euros pour les filles et 10 euros pour les garçons, une soirée avec boissons à volonté, à manger et plein de surprises ». L'effet a été immédiat puisque près de 200 personnes se sont pointées dans le duplex parisien, allant jusqu'à déborder un peu dans la cour, puisque l'appartement ne suffisait plus à contenir tout le monde. Les flics ont débarqué plusieurs fois pour tenter – en vain – de stopper la soirée et le propriétaire du duplex estime le préjudice à plus de 30 000 euros.

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Depuis plusieurs jours, cette histoire est partout et prend des proportions démesurées. Toute la presse relaie cette histoire et Pierre Aidenbaum, maire PS du IIIe arrondissement, propose carrément d'interdire Airbnb dans le centre de Paris. Derrière cette soirée qui fait les gros titres se cache un compte Instagram : The House. Leur description est sommaire : « The best house party in Paris ». Pour en savoir un peu plus sur cette histoire, on les a contacté sur Instagram et posé quelques questions.

VICE : Salut. Vous faites les gros titres depuis quelques jours. Qui se cache derrière « The House » ?
On est un groupe de 8 personnes ayant toutes et tous 18 et 19 ans. On vient d’avoir notre bac. C’est la troisième soirée de ce type qu’on organise à Paris et nous n’avions jamais eu de problème avant.

Que sest-il passé lors de cette soirée du 29 juin qui sest tenu rue de Turenne ?
Au départ, tout était normal. Mais à un moment, plusieurs voisins sont descendus nous voir pour demander ce qu’il se passait. Nous les avons rassurés sur l’organisation, la sécurité en leur précisant de ne pas hésiter à venir nous voir au moindre problème. La grande majorité a été hyper coopératif mais c’est une résidence où certains préfèrent appeler la police directement plutôt que de se déplacer.

Pourquoi certains médias expliquent que le propriétaire réclamerait environ 30 000 euros de dégâts ?
Il n’y a pas eu de réels débordements comme les autres journaux s’accordent à le dire. Seul Le Parisien s’est intéressé à l’histoire réellement en appelant un des nôtres. Les autres n’ont que repris les informations majeures et modifiés quelques mots, parlant pour certains de « PROJET X » ou de « soirée qui dégénère ». Tous les invités sont restés dans l’appartement, seuls quelques-uns descendaient dans le jardin pour prendre l’air mais sans perturber le voisinage.

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Pourquoi la police a-t-elle débarqué ?
En fait, il y a eu l’arrivée d’une voisine assez « particulière », ce qui a tout changé. Elle criait beaucoup dans la cour, ce qui a dérangé pas mal de voisins. Elle a cherché à expulser de la résidence quelques invités qui traînaient entre l’appartement et l’entrée. La police est donc venue, et ils ont observé qu’il n’y avait pas énormément de bruit ni de monde devant la porte qui donne sur la rue. Ils étaient assez sympa et nous ont expliqué que même si la situation avait l’air calme, eux recevaient énormément d’appels des mêmes voisins. Quoiqu’il en soit, à un moment nous avons préféré arrêter la soirée par respect pour les voisins, la majorité des invités venaient de partir et le DJ remballait ses affaires. Cette voisine nous a finalement expliqué que tous les week-end c’était le même scénario avec ce Airbnb, que la semaine précédente « c’était des Espagnols qui faisaient des soirées échangistes avec des capotes partout ».

Et le locataire du Airbnb en question ?
On l’a prévenu via Airbnb en lui disant que tout avait été rangé mais pas nettoyé. Il nous a juste répondu : « C’est inacceptable ».

Du coup le loueur de lappart vous le connaissiez ou vous lavez juste rencontré sur Airbnb ?
On l’a rencontré sur Airbnb. Pour le « check in » il n’était pas là. Il nous a guidés jusqu’à l’appartement par téléphone.

Il n’était pas énervé d’apprendre que vous aviez fait une soirée ?
On n’a eu aucun contact avec lui après la soirée, on n’en sait absolument rien.
On sait juste qu’il n’a pas aimé qu’on rende l’appartement sans le laver. Mais sinon tout a été remis à sa place pour ce qui est des meubles. En gros, il aurait fallu passer la serpillière et enlever quelques traces sur les murs.

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Vous êtes dans quel état d’esprit ? Vous avez un peu peur que ça vous retombe dessus ?
D’un point de vue légal, c’est une situation problématique pour tout le monde. Les dégâts sont selon nous « surestimés » entre 20 000 et 30 000 euros par un huissier appuyé par un artisan.

Est-ce que cette histoire vous a un peu vacciné à l’idée de faire des soirées en appart via Airbnb ?
Tout le monde connaît l’article 1240 du Code civil et pour la situation actuelle, c’est difficile de nous associer aux dégâts causés car il faut établir le lien de causalité et les commentaires Airbnb sur l’état de l’appart avant notre réservation sont totalement en notre faveur. Donc oui et non, on prévoit de continuer à faire des soirées, mais d’adapter nos lieux et nos services proposés.

Vous avez lair davoir bien étudié la situation juridique en tout cas…
Bof, c’est évident tout ça. On a tous des bases dans pas mal de domaines. L’aspect juridique, c’est aussi à étudier dans l’organisation d’une soirée. Mais nous, on garde comme principe de rendre les lieux comme on les a trouvés.

Disons que la manière dont la soirée a été présentée laissait penser à une organisation un peu anarchique. Mais là vous avez lair d’être bien au courant des règles en vigueur.
On n’est pas les seuls sur Paris à faire des soirées comme ça, on est parmi les précurseurs probablement. Il faut participer à nos soirées pour voir que c’est vraiment très organisé. On ne peut pas se permettre de faire des événements accueillants des centaines de personnes sans adapter nos ressources et moyens.

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Ce qui attire autant de monde cest le concept des « house parties » ?
C’est quoi des houses parties selon vous ?

Des soirées dans des maisons/apparts où l’ambiance est plus cool que dans un club où la soirée est régie par plein de règles…
On est sur la même définition. Disons que c’est justement ce côté « amateur » que représentent les apparts et maisons qui font que ça donne envie aux gens de venir. Même si on a ce côté amateurisme de le faire en appartement, on garde des principes logiques d’une bonne soirée digne d’une boîte de nuit : sécurité à l’entrée et dans l’appart, garçons accompagnés et tenue correcte exigée.

D’ailleurs la sécurité ?
La sécurité, on l’assure nous-même. On est relativement nombreux et capables et puis les gens qui viennent à nos soirées ne sont pas méchants.

Vous êtes surpris par la proportion que cette soirée a prise ?
On a été assez surpris de se retrouver du jour au lendemain dans les journaux. Puis certains articles relayaient des mensonges comme le prix des dégâts qui est ultra-élevé. Nous n’avons pas l’habitude de passer dans des journaux ou bien de faire la une.

Vous réfléchissez déjà à de prochaines soirées ?
Oui, mais on évitera de passer par les plateformes de mise en relation. C’est quand même beaucoup de problèmes, notamment cette histoire de sous-location illégale sur Airbnb. Du coup, les prochaines soirées se feront désormais dans des salles de fêtes climatisées.

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