Deux des forces les plus iconiques de l’histoire de la musique sont enfin réunis au sein d’un super-tribute-band, formé dans la ville de Newcastle. À ce moment précis, vous êtes en pleine reflexion : tiraillé entre la confusion la plus totale et une excitation sans précédent. Et c’est exactement sur ce dilemme émotionnel que joue ce groupe de reprises fondé par 4 potes de Geordie, au nord de l’Angleterre.
Avant ça, ils n’étaient qu’un simple groupe de reprises de Niravana et, pour déconner, ils ont un jour décidé de pimenter le projet en transformant leur leader en mime d’Elvis. Et le piment fait souvent des merveilles, on ne va pas vous l’apprendre. Dans leurs lives, ils mélangent désormais allègrement les deux influences, et se sont donc appelés Elvana. En quelques mois seulement, ils ont vendu plus de tickets que votre groupe n’en vendra jamais, tourné dans tout le pays et commencent même à recevoir des offres de l’étranger.
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Je vois très bien ce que vous pensez, parce que je pense la même chose : est-ce qu’on est rendus à un point où la formation britannique la plus excitante du moment est un groupe de reprises composé de trois chauves et d’un faux-sosie d’Elvis ? Est-ce bien sérieux ? Doit-on y voir un sous-texte satirique sur l’état de l’industrie musicale et la globalisation de la culture ? Sont-ils les nouveaux Sex Pistols ? Il y a beaucoup de choses que je voulais éclaircir avant Elvana, alors j’ai passé un coup de fil à Paul, le frontman, pour qu’il m’explique tout ça.
Salut.
Hey. Tu ne veux pas que je fasse cette interview en tant qu’Elvis, hein ?
Hum. Fais ce qui te semble le plus naturel, ok ?
Ok – Très content que tu me dises ça. Ici Paul. Ce sera moins gênant.
Ravi de te rencontrer, Paul. Comment ça va ?
Très bien, merci. Je suis content de te parler. C’est un peu étrange de donner des interviews avec notre groupe… C’est parti d’une blague, vraiment, et elle nous a dépassé depuis…
Vous faites quoi à côté du groupe ?
Des trucs très différents. Moi, je m’occupe d’un business de cartes-cadeaux, bougeoirs, étuis d’iPad et de boules à neiges, et ça marche très bien. Un des gars bosse dans une agence immobilière, un autre est urbaniste – c’est un gros gros déconneur – et notre batteur s’occupe d’adolescents à problèmes.
Raconte-moi comment Elvana a commencé.
Alors avant ça, on a toujours joué dans des groupes, pendant des années. Des groupes amateurs typiques ; quand t’es jeune et que tu rêves de percer. Un jour, on nous a demandé de jouer à l’anniversaire d’un pote et on a voulu faire quelques reprises. On avait l’habitude de reprendre Nirvana plus jeunes, donc on s’est dit qu’on allait faire un truc dans l’idée. Mais trois d’entres nous étaient quasi chauves, et j’avais de longs cheveux bruns – aucun d’entre nous ne ressemblait à un mec de Nirvana. Puis l’un d’entre nous a lancé, « Bon, pourquoi on ne le fait pas et toi tu te déguises en Elvis Presley ? » Et j’ai trouvé aussitôt que c’était une pure idée. Puis un autre a ajouté : « Elvis Presley + Nirvana – on a qu’à se renommer Elvana. »
Sérieusement ?
On s’est dit : « C’est soit l’idée la plus merdique ou la plus géniale que quelqu’un ait jamais eu. » Et sérieusement, c’est ce qu’Elvana est devenu. Les gens lisent des trucs sur nous, voient des vidéos, ou leurs potes leur en parlent, et ils se disent la même chose : que soit c’est vraiment de la daube, ou alors que c’est vraiment génial. Le premier concert qu’on a fait était incroyable – je ne sais toujours pas pourquoi les gens ont autant kiffé ! Ils doivent tellement aimer Nirvana, qu’ils adorent reprendre leurs chansons en choeur, peu importe le contexte. Quoiqu’il en soit, on n’a jamais eu à s’inquiéter des problèmes de vouloir trop sonner comme Nirvana, puisque c’est totalement éclipsé par le fait que les fans se pissent dessus dès qu’ils entendent Elvis.
Comment fonctionnent vos lives ?
C’est du grunge pur et dur, avec quelques sections qu’on a ajouté. On fait quelques breaks au milieu des morceaux pour incorporer des notes d’Elvis, ou inversement. Par exemple, on joue « Breed » dans « Viva Las Vegas », « Rape Me » dans « Love Me Tender », ce qui est un peu osé mais ça fonctionne très bien. « Can’t Help Falling In Love With You » fusionné avec « Heart-Shaped Box » est notre titre le plus populaire. Les gens adorent Nirvana, mais quand on y ajoute du Elvis, ils deviennent fous.
Comment les gens réagissent quand vous descendez de scène ?
Je trouve ça un peu bizarre, gênant même, parce que en gros, je prétends être à la fois Elvis Presley et Kurt Cobain. La plupart des gens semblent avoir un faible pour les sosies d’Elvis – un faible assez merdique, si je devais donner mon avis.
Quelqu’un a déjà essayé de te mettre un pain ?
Non, chaque personne qui a assisté à nos concerts a été convertie. On a reçu une part réglo de haine sur Internet – notre vidéo promo a été postée sur le Facebook de Nirvana, ce qui a atteint un nombre incroyable de personnes. Certains croyaient qu’on faisait ça pour se foutre de la gueule de Nirvana et Elvis, mais on est de gros fans. Je crois sincèrement que s’ils venaient à nos concerts, ils changeraient d’avis.
Comment faire coïncider le timbre d’Elvis sur la musique de Nirvana ?
Le résultat est incroyable sur certaines chansons. Sur « Aneurysm » par exemple : [il prend la voix d’Elvis] « Come on over, and do the twist ! » C’est génial. Après, c’est dur de ne pas chanter comme Elvis TOUT le temps.
Justement, tu n’as pas peur de te perdre complètement dans ton rôle d’Elvis si ça continue ?
Totalement. C’est étrange. Être dans un costume d’Elvis, et jouer en tant qu’Elvis a un effet très très bizarre sur le public. Je descends de scène, je croone au milieu du public, et je me fais pas mal tripoter. C’est absurde. Et je suis là « Woah ! C’est juste moi derrière un costume, calmos ! » Mais ils s’en foutent. Après le concert, je vends un peu de merch et je ne peux pas échapper aux gens qui veulent des selfies. Ils mordent à fond à l’hameçon, ils se comportent comme le public d’Elvis se comporterait.
En fait, tu as tout simplement créé l’homme le plus désirable de la planète.
Ouais ! Kurt mélangé à Elvis ; bordel, ça c’est une icône.
Quel est le truc le plus taré qui soit arrivé à Elvana ?
Billy Idol a tweeté sur nous. C’est la plus belle chose qui me soit jamaisarrivée. S’il y a bien un autre mec qui est un mix entre Kurt Cobain et Elvis Presley, c’est bien lui. Et ma mère avait l’habitude d’écouter ses cassettes dans la voiture quand j’étais petit. Le premier truc que jai fait quand j’ai vu ce tweet a été de crier, et ensuite d’appeler ma mère. Mais sinon, rien que le fait de vendre des tickets de concerts et de répondre à des interviews est taré. Et vraiment bizarre !
Donc ce n’est pas un schéma de réussite accéléré ?
Non, pas du tout. Comme je te le disais, on est dans la musique depuis un bail, et d’un point de vue notoriété, c’est pas évident. Kurt a écrit un morceau là-dessus. Quand t’es pas signé, c’est un miracle quand tu parviens à choper des concerts, encore plus s’ils sont payés. Aujourd’hui, on s’éclate vachement en concert, et on joue devant plein de gens, et fatalement, un mec a mis de l’oseil sur nous. Et on s’est dit, « Accroche-toi ! »
« Qu’est ce que je fous ici ! »
Exactement ! C’est une injustice totale, mais c’est comme ça. Les salles dépensent sans compter pour des cover bands…
Vous arrivez à vous en sortir dans un monde où la majorité des musiciens galère.
Si on avait voulu se consacrer au groupe à plein temps, on aurait pu le faire, sans aucun doute. C’est une situation intéressante, après avoir tous été dans des groupes originaux, et traîné aux quatre coins du pays, à jouer devant une poignée de gens, dans un bar pourri de Camden ou au Barfly ou je ne sais où… On a tous connu ça. Venant de là, booker une ville comme Glasgow – où nous n’avons jamais mis les pieds avant – et vendre 300 places pour une performance mêlant Elvis et Nirvana… Mon Dieu, c’est insensé. Et je pense que quand on y retournera on jouera devant deux fois plus de monde.
Eh bien continuez comme ça !
Merci, mate.
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