« Êtes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? ». Voilà la question qui sera posée aux citoyens lors de la consultation locale, souvent présentée comme un «référendum » (le terme n’est pas tout à fait exact), du 26 juin prochain. Elle a été fixée ce dimanche, et figure dans un décret publié au Journal Officiel.
• Qui va pouvoir voter ?
Videos by VICE
Comme l’indique ce texte, seuls les citoyens s’étant inscrits au plus tard le 29 février dernier sur les listes électorales des communes du département de la Loire-Atlantique pourront répondre « Oui » ou « Non » le 26 juin à cette question qui divise l’opinion publique depuis les années 1960.
Plusieurs groupes militants auraient préféré une consultation plus large, à l’échelle régionale voire nationale. Partagés entre les perspectives économiques et l’impact environnemental de ce projet, les habitants de la région s’opposent depuis des décennies — une lutte locale dans laquelle se sont depuis engouffrées de nombreuses formations politiques.
• D’où vient l’idée d’un référendum ?
C’est le gouvernement qui a proposé ce dispositif ces derniers mois. Notamment le chef de l’État le 11 février dernier lors d’une intervention télévisée. Le but annoncé alors est d’ « organiser un référendum local pour que l’on sache exactement ce que veut la population ».
Avec ce référendum, les autorités espèrent surtout apaiser une situation locale très tendue, marquée par l’occupation de la zone par des militants depuis près de 8 ans. Un temps présentée comme « impossible » voire irrecevable — dans un contexte passé de durcissement du ton de la part du gouvernement, notamment lors des mouvements à Sivens — cette consultation publique aura finalement lieu grâce à une modification de la législation française, opérée par le gouvernement la semaine dernière.
• Hollande annonce qu’il prendra « ses responsabilités »
Ce lundi matin, le président François Hollande a déclaré, face aux ONG et autres partenaires présents à la 4ème Conférence environnementale, que le gouvernement français prendrait « ses responsabilités pour suivre ou arrêter le projet » à l’issue du référendum. Citée par Le Monde ce lundi après-midi, l’eurodéputée écologiste Michèle Rivasi a qualifié cette conférence de « supercherie », estimant que le gouvernement « n’en finit pas de trahir ses promesses et de tourner le dos à l’urgence écologique ».
Le parti Europe-Écologie-Les Verts (EELV) — qui compte parmi les principaux opposants à ce projet — avait quant à lui déclaré début avril que ce référendum ne serait qu’un « bricolage » et « une tentative de division du mouvement », à moins d’inclure un débat public et l’ensemble des votants de la région Bretagne.
• Un dossier vieux de plus de 50 ans
Ce projet controversé remonte à 1963, lorsque le gouvernement français a pour la première fois proposé la création d’un aéroport international au nord-ouest de Nantes, sur un terrain humide que cinq communes — dont Notre-Dame-des-Landes — se partagent.
D’abord contesté par les agriculteurs de la zone au début des années 1970, ce projet est par la suite devenu la cible de militants au tournant des années 2000. Réunies depuis 2007, de nombreuses associations opposées au projet de nouvel aéroport ont multiplié les manifestations de grande ampleur, dont la dernière édition a réuni plus de 15 000 personnes sur place, le 27 février dernier.
Depuis 2008, la ZAD (« Zone à défendre ») aménagée sur le site choisi par les autorités pour accueillir l’aéroport abrite des dizaines de militants qui disent y vivre de manière autonome, en squattant des maisons abandonnées ou en construisant des lieux de vie alternatifs.
Face à cette occupation, les forces de l’ordre ont plusieurs fois tenté de déloger les « zadistes », qui ont violemment résisté aux opérations.
À lire : Sivens : le jour où Rémi Fraisse est mort
• Pourquoi le projet d’aéroport est contesté
Parmi les arguments brandis contre ce projet, certains estiment que celui-ci va à l’encontre des accords environnementaux signés par la France, notamment l’Accord de Paris qui avait été élaboré en décembre dernier et que le gouvernement vient de ratifier.
D’autres militants estiment que l’actuel aéroport Nantes-Atlantique peut tout à fait être agrandi et n’a pas besoin d’être transféré. Sur Internet, de nombreuses pétitions demandant l’abandon du projet circulent et totalisent des dizaines de milliers de signatures chacune.
Dans une moindre mesure, la page Facebook des « pro-aéroport » recueille plus de 9 000 mentions « J’aime » et indique que ce projet devrait notamment permettre d’éviter que des avions ne survolent des villes à basse altitude, tout en réduisant drastiquement (de 42 000 à 900 personnes selon cette page) le nombre de riverains exposés aux nuisances sonores. Réunis sous le slogan « Des ailes pour l’Ouest », les pro-aéroport estiment par ailleurs que 3 500 emplois devraient être créés rien que pour la construction du nouvel aéroport.
Outre le gouvernement et le Parti communiste, ce projet dispose d’appuis politiques locaux, à l’image de la socialiste Karine Daniel, fraîchement élue députée de la Loire-Atlantique ce dimanche. Jeudi dernier, lors d’un débat organisé par le quotidien régional Ouest-France, Karine Daniel avait réaffirmé sa volonté de voir un aéroport sortir de terre à Notre-Dame-des-Landes, tout en disant se « réjouir » de la tenue d’un référendum. La candidate finalement élue avait par ailleurs appelé à ce que l’issue de la consultation soit respectée, afin « d’apaiser » les tensions qui gravitent autour de ce dossier.
• Une troisième voie ?
Dans un rapport officiel d’une centaine de pages publié au début du mois d’avril, trois experts mandatés par le gouvernement avaient estimé que le projet actuel du gouvernement était « surdimensionné », avant de proposer une troisième voie. « Une redéfinition du projet avec une seule piste de 2 900 m de long et 45 m de large répondrait aux besoins au-delà de 9 millions de passagers, permettant de réduire les coûts et les impacts environnementaux et fonciers.», proposaient-ils alors en conclusion de leur enquête.
S’exprimant au micro de France Info ce lundi matin, la ministre de l’Environnement Ségolène Royal a indiqué ne pas vouloir « prendre parti, avant, pour, contre et créer des tensions ». « Les habitants vont se prononcer et ensuite nous passerons à l’action », a-t-elle assuré.
Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c
Suivez VICE News sur Twitter : @vicenewsFR
Likez VICE News sur Facebook : VICE News