Tandis que l’humanité se prépare lentement à un éventuel vol spatial vers Mars, l’une des questions les plus épineuses à laquelle nous tentons de répondre demeure celle-ci : comment conquérir l’espace sans crever au passage ?
On sait que le voyage dans l’espace impose de dures contraintes au corps humain. Pendant des décennies, des astronautes sont revenus sur Terre anémiés, avec un nombre de globules rouges dangereusement bas. Ils sont alors extrêmement vulnérables aux infections. Une équipe de scientifiques dirigée par le Dr. Guy Trudel, un médecin spécialisé en rééducation à l’Université d’Ottawa, cherche à prévenir l’apparition de l’anémie en étudiant les effets de la microgravité sur la moelle osseuse.
Videos by VICE
La moelle osseuse produit des hérythrocites (hématies) et affecte le fonctionnement du corps. Sur Terre, lorsque qu’un individu est cloué au lit, forcé de se déplacer en chaise roulante, ou incapable de bouger d’une manière générale pour une longue période de temps, sa moelle osseuse s’épaissit, ce qui selon Trudel contribue au développement de l’anémie.
« Si la masse de graisse continue à augmenter dans la moelle osseuse, alors il y a de grandes chances que votre état devienne critique » explique Trudel. « Si vous saignez, vous avez besoin de produire des globules rouges immédiatement. Si vous êtes touché par une infection et que votre moelle osseuse n’est pas en état de fonctionnement optimal… cela peut avoir de très graves conséquences.
Dans une étude récente, publiée en 2012, une équipe menée par Trudel a découvert qu’après soixante jours de repos alité, la moelle osseuse des patients étudiés avait l’air d’avoir vieilli de quatre ans et avait énormément grossi. Les mesures effectuées quelques temps après n’ont pas montré que l’organe était revenu dans son état normal. « En ce sens, tout ce qui était arrivé à la moelle osseuse dans cette étude était parfaitement irréversible » conclue Trudel.
L’équipe est sur le point d’envoyer des instruments médicaux sur la Station Spatiale Internationale par la prochaine fusée de réapprovisionnement, qui sera lancée début décembre. Ils seront utilisés par un astronaute anonyme afin d’effectuer quatre tests sanguins sur une période de six mois. L’astronaute, qui n’a pas encore rejoint l’ISS, devra également subir des examens IRM avant son départ, puis à son retour. Cette batterie de tests devrait permettre de trouver un moyen de diminuer les effets de l’espace sur la moelle épinière.
« Peut-être modifier le programme d’exercices physiques que les astronautes effectuent chaque jour sera modifié. Sans doute que certaines parties de leur routine sportive sont efficaces pour réduire les risques, tandis que d’autres ne le sont pas. Des médicaments seront sans doute capables d’arrêter le processus également. »
Il faudra encore cinq ans ou plus avant que ce travail ne produise des résultats, car chacun des astronautes étudiés devra rester dans l’espace pour six mois, et qu’il faudra répéter l’expérience avec dix astronautes au total.
Dans un futur proche, nos fragiles corps de chair resteront l’une des principales barrières au voyage vers Mars.