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Nous n’avons pas assez de métaux rares pour gérer la transition énergétique

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Une nouvelle étude scientifique soutenue par le Ministère des infrastructures néerlandais avertit l’industrie des énergie renouvelables contre un obstacle fondamental : le manque de métaux rares.

La production d’énergies renouvelables doit croître rapidement si nous souhaitons atteindre les objectifs de réduction d’émission des gaz à effet de serre fixés par l’accord de Paris. Cela signifie que la production globale de plusieurs minéraux et terres rares utilisés dans les panneaux solaires et les éoliennes — tout particulièrement le néodyme, le terbium, l’indium, le dysprosium et le praseodymium — doit être multipliée par douze d’ici 2050.

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Fig 1. La demande globale en métaux critiques pour les panneaux solaires et les éoliennes entre 2020 et 2050, comparée à la production annuelle en 2017 (2017 = 1).

Les auteurs de l’étude écrivent : « Actuellement, la production globale de plusieurs métaux critiques est insuffisante pour assurer la transition à un système d’énergie renouvelable. »

Les conclusions de l’étude sont basées sur une extrapolation au monde de la demande en métaux rares des Pays-Bas.

« Si le reste du monde développait les énergies renouvelables à la même vitesse que les Pays-Bas, une pénurie considérable se déclarerait » semble se vanter l’étude, qui ne prend pas en compte les autres utilisations des métaux rares dans l’industrie électronique (les smartphones, pour ne citer qu’eux). « Quand d’autres applications (comme les véhicules électriques) sont inclus, la quantité de métaux rares nécessaire est encore plus importante. »

La demande en métaux rare est promise à une augmentation rapide tout autour du monde, et pas seulement à cause des énergies renouvelables. Sont également concernés « l’électronique publique, les applications militaires et autres équipements techniques d’application industrielle. La croissance de la classe moyenne globale de un à trois milliards d’individus ne fera qu’accroître cette demande. »

Le problème pourrait donc être encore plus grave que prévu. En 2017, une étude publiée dans Nature estimait déjà que certains minerais essentiels à la construction des smartphones, des ordinateurs portables, des voitures électriques et même des câblages en cuivre deviendraient difficiles à obtenir dans les décennies à venir.

L’autre problème de taille, c’est que la production métaux rares dépend largement d’une poingée de pays. La Chine gère 80% de l’extraction et 95% du raffinage. Résultat : en dépit du fait que l’Australie et la Turquie produisent des quantités significatives de certains métaux (respectivement le néodyme et le bore), l’Europe et les États-Unis dépendent de la Chine, qui pourrait tout à fait contrôler la distribution mondiale de métaux rares — une position prompte aux abus.

« Il se peut qu’ils [la Chine] en viennent à donner la priorité à leur propre production d’énergies renouvelables — ils ont adopté une position stratégique qui consiste à rassembler toutes les données et expertises techniques existantes à ce sujet » explique l’auteur principal de l’étude, Pieter van Exter, dans un communiqué.

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Fig 2. La demande cumulée pour une sélection de métaux critiques jusqu’à 2030, du pays d’origine (à gauche) aux technologies dans lesquels ils sont investis (à droite).

La bonne nouvelle, c’est que nous savons où se trouvent les ressources nécessaires à la transition énergétique. Il faut « juste » les tirer de leurs réserves. Or, ouvrir une nouvelle mine demande des investissements significatifs et 10 à 20 ans de travail.

Peut-être pourrions trouver des substituts aux métaux rares. À terme, cela risque malheureusement de causer une pénurie d’autres métaux. L’Europe et les autres pourraient aussi re-dynamiser leur industrie minière en utilisant des nouvelles technologies pour réduire leur empreinte énergétique. Cela coûterait sans doute beaucoup d’argent pour peu de résultats : aucune réserve domestique n’est assez important pour rivaliser avec celles de la Chine.

Pour les auteurs de l’étude, il n’y a qu’une seule solution : l’économie circulaire, une approche « régénérative » conçue pour réduire les dépenses en ressources et les déchets en contrôlant le design, la maintenance, les réparations et le recyclage. Eva Gladek, la fondatrice de Metabolic, estime : « Il est essentiel pour nous de gérer nos matériaux de façon circulaire, de sorte que les technologies d’un futur sans carbone disposent de ressources suffisantes. »

Aujourd’hui, le taux de recyclage des métaux critiques est bien inférieur à 1%. Certains ne sont pas recyclés du tout. Ce genre d’approche nous condamne à la pénurie. « Sans instauration d’une stratégie circulaire, l’industrie restera complètement dépendante de l’extraction de matériaux bruts. Faire du recyclage la principale source de matériaux brut demandera de hauts taux de recyclage » estime Metabolic.

L’industrie des énergies renouvelables sera circulaire ou ne sera pas. Contactés par Motherboard, les auteurs de l’étude ont déclaré : « Cela pourrait retarder la transition énergétique de façon considérable — une disruption que nous ne pouvons pas nous permettre dans la course contre le changement climatique. »

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