La Ville de Montréal a adopté une motion pour s’autoproclamer « Ville d’excellence du métal ». C’est le conseiller municipal Craig Sauvé qui a présenté la motion, car il jugeait essentiel de reconnaître l’apport de la ville dans la scène métal. « Le milieu du heavy métal est très dynamique à Montréal, la qualité de la musique métal créée ici est reconnue mondialement. Je voulais que les Montréalais puissent le reconnaître et être fiers de cet héritage exceptionnel », a-t-il dit en entrevue avec La Presse.
Nous avons demandé l’avis de plusieurs musiciens et acteurs de la scène d’ici et d’ailleurs. Force est de constater que cette autoproclamation laisse perplexe, en ce qui concerne sa concrétisation et ce qu’elle pourrait vraiment changer.
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On ne peut pas dénier la puissance de la communauté du heavy métal à Montréal. Ses groupes et son public sont passionnés et nombreux. « Je pense que c’est dans la culture. Ce n’est pas partout que le métal fait partie de la vie de tous les jours comme en Finlande, par exemple », pense Maurizio, chanteur de Kataklysm.
Selon lui, cette reconnaissance se traduit par l’enthousiasme du public plus que dans le succès des groupes. « On est très peu de groupes de Montréal à avoir réussi à un niveau international. Mais rares sont les endroits où le public est aussi fidèle et loyal aux groupes pendant toute leur carrière. Je pense qu’on est spécial pour ça à Montréal et au Canada. »
La métropole est bien synonyme de métal pour Ben, guitariste de Despised Icon : « C’est non seulement une ville d’excellence, mais aussi un bassin d’amoureux, de diehards qui assistent au plus de spectacles possible. La réputation de notre bassin métallique est mondiale, et c’est plus que justifié! »
Des avis d’ailleurs
Un statut approuvé chez nos voisins de l’Ontario, dont l’équipe de la chaîne métal Banger TV à Toronto. « Il y a vraiment des groupes incroyables dans tous les sous-genres de métal qui viennent de Montréal, déclare Sarah Kitteringham. Il y a d’excellentes infrastructures et des festivals de classe mondiale. Montréal est the place to be pour le métal au Canada, sans aucun doute. »
Une impression partagée par son collègue Daniel Dekay d’Exciter : « Historiquement, Montréal a toujours eu une scène métal très forte, ville connue pour ses fans enragés et dévoués à tout ce qui est heavy. »
« Dans toute l’Amérique du Nord, je n’ai jamais vu un public aussi dedans. Le niveau d’intensité et l’échange d’énergie est fou », ajoute Brian Stephenson, membre des groupes Aggressor et Old James.
L’opinion est mitigée du côté de Rouyn-Noranda, capitale du cuivre, mais aussi du métal à une certaine époque, qui voyait des groupes comme Kreator ou Napalm Death y passer en tournée. « Je n’ai pas l’impression que Montréal soit tant une ville propice au métal, plus qu’ailleurs », affirme Félix B. Desfossés, auteur du livre L’évolution du métal québécois.
« Ma ville, Rouyn-Noranda, demeure une vraie niche métal. Jonquière a déjà été une pépinière, tout comme Rimouski. Ça a peut-être été le cas pour Montréal il y a 10 ans, quand des groupes de pointe de deathcore sortaient de Montréal. »
Il ajoute à propos de Necrotic Mutation, dont la musique a joué à l’hôtel de ville lors de l’adoption de la motion : « Le groupe est peut-être basé à Montréal maintenant, mais tous les métalleux savent qu’il s’agit d’un groupe rimouskois qui a émergé alors que cette ville était la capitale du métal du Québec, durant les années 90. Pour moi, il s’agit simplement d’une motion lancée par un passionné qui a su convaincre son monde, mais qui vit peut-être un peu dans le passé… »
Un des noms métal au Québec les plus reconnus à l’international n’est pas de Montréal : Voïvod, originaire de Jonquière. « À part Voïvod, je ne connais pas beaucoup d’autres groupes notables du Québec », déclare Olof du groupe suédois Enforcer. « En tournée, Montréal nous donne toujours un bon accueil, mais pas meilleur qu’à Toronto ou Vancouver. »
Les années 80 et la scène underground
Puisqu’on parle de Voïvod, voyons ce qu’en pense leur chanteur, Snake. « C’est une bonne initiative, et c’est mérité dans un sens. Quand on a commencé au début des années 80, il y avait pas grand-chose à Jonquière, à part du top 40. Fallait tout organiser nous-mêmes. Quand on a monté le festival WW3 à Montréal en 1985, ça a eu un succès sans précédent dans la musique extrême. Ça a ouvert une porte. Je suis content de voir qu’en quelque sorte, ce qu’on a commencé à l’époque continue à se développer aujourd’hui. »
C’était un festival culte comme le souligne Annick, directrice du label Temple of Mystery : « C’est la première ville en Amérique du Nord qui a accueilli un festival de métal international, avec des groupes de la Suisse, de l’Allemagne et de la Floride. En 1985, ils étaient déjà en avance sur leur temps! »
On s’emballe moins du côté plus underground du black métal. « On n’a jamais eu le sentiment que la ville appuyait la scène d’ici, et je ne vois pas en quoi une déclaration symbolique changera quoi que ce soit concrètement à la situation », confie Martin Marcotte, organisateur de la Messe des Morts, un des plus gros festivals du genre en Amérique du Nord qui attire des amateurs de partout sur le continent.
« Bien sûr, la ville est derrière Evenko pour son festival “métal”, mais ça s’arrête là. Je ne m’attends certainement pas à les voir faire un geste concret pour soutenir la Messe des Morts, par exemple. » Ce qui ne le dérange finalement pas, au contraire. « Certains “métalleux” ont une soif morbide de reconnaissance ou de valorisation auprès du public en général, mais beaucoup d’autres, dont je fais partie, s’accommodent très bien de voir le genre rester plus souterrain… »
Mais la scène underground n’en reste pas moins très forte à Montréal, comme le rappelle Annick Giroux : « Il y a beaucoup de gens qui vont dans les concerts underground. Deux fois plus que dans des villes comme Chicago, c’est quand même quelque chose! »
Métal partout, métal nulle part
« C’est une belle reconnaissance, mais reste à voir ce que ça va donner concrètement », déclare Pat, chanteur de Reanimator, qui remarque la baisse d’engouement pour le métal chez les jeunes dans les 15 dernières années, entre autres à cause du manque d’endroits pour un public de tout âge pour produire des spectacles.
« Pour ce qui est des musiciens, espérons que ça fera réagir un peu du côté gouvernemental en ce qui concerne les subventions de tournées ou de productions d’albums qui sont très rarement octroyées à des groupes heavy, souligne-t-il. C’est un pas vers le mieux, mais il en reste encore beaucoup à faire pour aider la scène métal montréalaise à briller. »
Et plusieurs sont sceptiques. « C’est cool, mais qu’est-ce que ça va changer pour de vrai? » se demande Carlos, batteur des groupes Anonymous et B.A.R.F. « Si c’est juste un papier signé par la mairesse, je m’en fous. Mais si ça peut aider à la reconnaissance de la musique métal, alors allons-y à fond. »
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À commencer par le métal à la radio. « On est souvent sur la route, et on entend beaucoup plus de musique heavy à la radio quand on est en région, mais pratiquement pas à Montréal. Ça prend aussi des endroits pour accueillir les gens et les spectacles si la ville doit être reconnue ainsi. Par exemple, il n’y pas vraiment de salle de taille intermédiaire pour le métal à Montréal, c’est surtout des petits bars, explique le musicien. Tant qu’à porter ce flambeau, autant le faire jusqu’au bout. Que quand tu passes le pont Jacques-Cartier il y ait une pancarte “Bienvenue aux métalleux”, pas seulement “Interdit de tourner à droite”! »