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On a demandé à une experte en dinosaures si « Jurassic World » était réaliste

Cet article a été initialement publié sur VICE Allemagne.

Jurassic World: Fallen Kingdom n’est pas un très bon film, mais personne ne devrait s’en étonner. Après tout, quand cinq films tournent essentiellement autour de la même idée de départ — un groupe constate qu’il est dangereux de ressusciter des dinosaures —, on finit par s’en lasser.

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Toutefois, les dinosaures de Jurassic World sont rapides, intelligents et sanguinaires, ce qui a l’avantage d’être divertissant. Mais est-ce bien réaliste ?

Daniela Schwarz dirige l’exposition World of Dinosaurs au Musée d’histoire naturelle de Berlin. Elle aime assez bien les films de la série et reconnaît quand même que le premier a permis aux dinosaures de gagner en succès. Je l’ai rencontrée dans la salle des dinosaures du musée, près d’un squelette de brachiosaure qui, avec ses 14 mètres, est le plus imposant au monde.

Dr. Daniela Schwarz.

Même quand on se trouve à un jet de pierre d’une énorme vertèbre du brachiosaure, il reste difficile d’imaginer un monde dans lequel les dinosaures auraient vraiment existé. Pour ça, il faudrait pouvoir en voir des vrais, vivants qui respirent et courent. Est-ce que la science pourrait y arriver ? Non, répond-elle sans détour, brisant mon rêve avant même de commencer l’entrevue.

Le principal problème, c’est que l’ADN se dégrade avec le temps, de sorte que des fossiles d’au moins 66 millions d’années ne sont pas en état de servir à cloner des dinosaures. « Avec nos connaissances actuelles, il est presque impossible d’ajouter assez à l’ADN pour créer un animal entier, poursuit-elle. De plus, les dinosaures dans le film sont des animaux très différents, et viennent de périodes complètement différentes. D’un point de vue scientifique, on ne peut pas obtenir des échantillons d’ADN d’un éventail aussi large de dinosaures. »

Ensuite, il y aurait le problème de la création d’un habitat adéquat pour eux. L’île au large du Costa Rica sur laquelle vivent les dinosaures dans le film ne reproduit que très partiellement les conditions qui permettent à ces animaux préhistoriques de survivre. « Les dinosaures souffriraient beaucoup dans notre climat actuel tempéré », explique-t-elle.

L’un des dinosaures qui ont obtenu un rôle principal dans Jurassic World: Fallen Kingdom est une femelle vélociraptor appelée Blue, qui comprend les ordres des humains et s’est attachée à son dompteur, Owen.

L’idée semble un peu grotesque, mais, d’après l’experte des dinosaures, ce n’est pas impossible considérant qu’un lien peut se créer entre un crocodile — génétiquement proche des dinosaures — et un dompteur. « Bien sûr, ce n’est pas le même lien qu’entre un humain et un chien, nuance-t-elle, mais on peut dire sans crainte de se tromper que les dinosaures pouvaient développer des comportements sociaux complexes. »

Et qu’en est-il de la super intelligence de Blue? « On sait que le cerveau des dinosaures carnivores est devenu de plus en plus gros avec le temps. Ils n’étaient pas stupides, dit-elle. Les vélociraptors, par exemple, étaient de très bons chasseurs avec un odorat très puissant, semblable à celui du tyrannosaure. » Par contre, quand on affirme dans Jurassic World qu’ils pouvaient sentir un humain à plus de trois kilomètres, c’est un peu exagéré, tout comme quand on dit que les vélociraptors étaient l’une des espèces les plus intelligentes.

Daniela Schwarz ajoute que les cinéastes continuent de montrer des dinosaures recouverts d’écailles, comme la peau des reptiles, alors qu’en réalité, ils en étaient différents. « La majorité des dinosaures prédateurs avaient des sortes de plumes. Certains avaient de petites huppes tandis que d’autres avaient la tête et la queue couvertes de plumes aux couleurs vives, dont ils se servaient au cours des rituels de séduction », raconte-t-elle. Donc, l’iconique tyrannosaure devait avoir l’air d’un Angry Bird préhistorique.

Plus d’un millier d’espèces de dinosaures ont été découvertes jusqu’à maintenant, et environ 40 nouvelles espèces sont découvertes chaque année.

Le Musée d’histoire naturelle de Berlin abrite justement un tyrannosaure appelé Tristan, qui fait quatre mètres de haut et douze de long, avec des dents de la longueur d’une banane. « Le T. rex était un prédateur vraiment terrifiant et absolument unique », dit-elle, alors qu’on marche autour du squelette.

Au cinéma, le T. rex aime à faire savoir qu’il débarque en poussant un cri qui glace le sang avant de faire son entrée. « Je ne pense pas qu’il poussait des cris avant d’attaquer sa proie. Pourquoi un dinosaure, ou n’importe quel prédateur, voudrait signaler à tous les animaux présents dans les parages qu’il est là quand il a repéré quelque chose à manger ? demande-t-elle. Il ne pousserait un cri de ce genre qu’en cas de lutte ou pour communiquer avec les autres. Mais la majorité des dinosaures avaient un système pulmonaire très semblable à celui des oiseaux, alors, en se basant sur ça, on peut avancer qu’ils devaient être capables de produire un son aussi fort. »

Dans les films, le tyrannosaure ne semble avoir toujours qu’un but : attaquer, ce qui en fait davantage un monstre qu’un animal. C’est particulièrement manifeste quand, toujours dans le film, un volcan entre en éruption : tous les dinosaures fuient vers la mer, sauf le T. rex, qui lui choisit de s’en prendre à un autre dinosaure. « Dans une situation comme celle-là, je pense qu’il se comportait comme n’importe quel autre animal, dit-elle. Il ne songerait pas à manger, il se sauverait. »

Le Brachiosaure.

À partir des fossiles, les experts peuvent estimer la taille et la forme des dinosaures et imaginer leur façon de se déplacer. Il y a aussi la peau fossilisée, qui peut donner une idée de leur apparence. Pour les comportements sociaux et les techniques de chasse, les scientifiques étudient leurs plus proches parents encore existants sur terre : les crocodiles et les oiseaux. « Je me sens parfois comme un détective quand on reconstruit des êtres vivants entiers, dit Daniela Schwarz. Mais on n’arrive jamais à trancher à propos de la couleur des dinosaures, ça reste un grand mystère. »

Qu’importe de quoi ils ont l’air et comment ils agissent au cinéma, la réalité, c’est qu’on en sait encore peu sur les dinosaures, et c’est ce qui permet d’en faire des monstres et des machines à tuer, même si ce n’était sans doute pas le cas.

En même temps, devant des squelettes immobiles comme celui de Tristan, les gens restent figés et tentent d’imaginer leur vie il y a des millions d’années. « Quand j’entre dans notre salle des dinosaures, je suis toujours impressionnée, admet-elle. Je passe toujours devant eux en allant à mon bureau. On ne s’en lasse jamais. »

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