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On a rencontré le seul joueur français d’Afrique subsaharienne

Agé de 27 ans, Mamadou Diawara, né à Clermont-Ferrand, est le seul joueur français à évoluer en Afrique subsaharienne. Le milieu de terrain du Recreativo Desportivo do Libolo joue en Angola, dans l’ancienne colonie portugaise depuis trois ans. Il s’y plaît et nous explique pourquoi.

VICE Sports : Comment un Clermontois se retrouve-t-il en Angola ?
Mamadou Diawara : Je sais que je suis une exception… Je suis né à Clermont-Ferrand, j’ai été formé au Clermont Foot, mais, même si je m’entraînais avec les pros très régulièrement, je n’ai joué qu’en CFA2. Alors, il y a un moment où te dis que tu risques de stagner. On m’a proposé d’aller à Chypre, à l’Atrikas Chlorakas. Comme j’aime les défis, j’ai accepté, et ça s’est bien passé. Cela m’a permis de me faire remarquer au Portugal, par Belenenses, un club de Lisbonne, où je suis resté un an et demi, de juin 2012 à janvier 2014. Et c’est là que j’ai eu cette proposition pour aller en Angola, au Recreativo do Libolo.

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Comment as-tu réagi quand on t’a proposé d’aller jouer en Afrique ?
Je n’étais pas très chaud. De l’Angola, je savais juste que c’était une ancienne colonie portugaise, que le pays avait connu une longue guerre civile et qu’il se reconstruisait grâce au pétrole. Rien de plus. Donc, au départ, j’ai refusé, alors que la proposition financière était intéressante. Un de mes coéquipiers à Belenenses, l’Angolais Freddy, qui avait joué à Libolo, m’a dit que le club était sponsorisé par une banque et une compagnie d’assurance, donc solide, que l’Angola était un pays sympa. Les dirigeants sont revenus à la charge avec une proposition supérieure. En gros, ils me proposaient cinq fois ce que je touchais au Portugal. A un moment donné, il faut bien réfléchir.

Tu es allé faire un tour sur place pour te faire une idée ?
Non. Je me suis dit : «Vas-y six mois, tu verras bien si ça marche ou non.» J’avais déjà l’avantage de parler portugais couramment. Le club est situé dans une ville de taille moyenne. Ce qu’il y a de sympa, c’est que les dirigeants mettent à la disposition des joueurs une résidence privée et sécurisée. On dispose même d’une cantine où on peut aller matin, midi et soir ! Donc, je suis arrivé à la fin du mercato d’hiver en 2014, j’ai passé les trois premiers matches sur le banc et ensuite, j’ai joué. J’ai vite trouvé mes marques, aussi bien dans le club que dans la ville. Les gens sont accueillants. C’est une ville sûre, contrairement à Luanda, la capitale, où ça peut être dangereux. Bref, ça se passait bien à tous les niveaux : sportivement, car on a été champion d’Angola en 2014, financièrement, car mon salaire tombe toujours en temps et en heure, et dans ma vie quotidienne.

A tel point que tu as prolongé ton séjour…
Oui. Quand tu es bien quelque part, pourquoi partir ? On a remporté le titre une deuxième fois, en 2015. Bien sûr, il y a l’éloignement et c’est parfois pesant. J’ai une femme et un petit garçon de deux ans et demi qui vivent à Angers. Dès que je le peux, je rentre quelques jours en France. Ou ils viennent me voir. Il est évident que je vais chercher à me rapprocher d’eux. C’est ma dernière année en Angola. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait, mais ne pas voir ta femme, ton fils régulièrement, c’est dur. Et puis, les voyages pour aller jouer dans le pays sont fatigants. Pour aller à Luanda, où il y a plusieurs clubs, on y va en bus. Mais ailleurs, c’est de l’avion… Une chose est certaine, je ne jouerai jamais dans un autre club angolais.

Il paraît que la vie est hors de prix en Angola ?
En effet ! La moindre pizza coûte environ 35 euros. Au KFC, tu vas payer deux fois plus cher qu’en France. Un jour, on s’est offert un plat de fruits de mer avec quelques coéquipiers. Pour un total de 450 euros ! Pour des fruits de mer, c’est excessif. Cela dit, si tu n’es pas trop con, tu peux mettre de l’argent de côté ici. Comme je n’ai pas de loyer à payer, que le club prête des voitures et que l’essence ne coûte rien, tu peux économiser un maximum.

Comment t’occupes-tu quand tu ne joues pas avec Libolo ?
Comme tous les joueurs vivent dans une résidence appartenant au club, on se voit régulièrement chez les uns et chez les autres. Avec certains, il m’arrive d’aller au restaurant, ou d’aller boire un verre. Mais la ville est assez petite, les distractions sont assez rares. Dès que j’ai quelques jours, j’essaye de rentrer en France. Ou c’est ma famille qui vient, comme mon fils n’est pas encore scolarisé, c’est assez simple. Mais entre les matches de championnat, ceux de coupe d’Afrique et les stages à l’étranger, nous ne sommes pas très souvent chez nous finalement.

Comment expliques-tu qu’aucun joueur français, à part toi, n’évolue en Afrique subsaharienne ?
Ce sont surtout les Africains qui veulent aller jouer en Europe ! En Angola, il y a quelques joueurs portugais. En Afrique du Sud, il y a aussi quelques Européens, mais c’est rare. Venir en Afrique quand tu es européen, ce n’est pas simple. Beaucoup de choses changent ! Moi-même, qui suis d’origine sénégalaise, ça m’a surpris, alors que je vais régulièrement au Sénégal pour les vacances. Quand tu vis en Afrique, ce n’est pas comme si tu y passes deux ou trois semaines et que tu repars après. Les joueurs vont se poser des questions sur le niveau du championnat, la vie quotidienne, la sécurité, etc…

Arrive-t-il que certains joueurs français te demandent des renseignements ?
C’est arrivé… Comme ils voient que ça se passe bien, que je suis bien payé, ils se rencardent. Mais attention : pour venir ici, il faut être fort mentalement. Il faut aimer les défis, aimer bouger. Si je suis venu en Angola, c’est parce que, très jeune, j’ai décidé de m’exiler, à Chypre puis au Portugal. Mais ici, tu es en Afrique. Ce n’est pas l’Europe. Tout change, ou presque. Il faut vraiment être prêt…