En musique comme en cinéma, on préférera toujours la série B. Pourquoi s’emmerder avec les nababs quand on peut passer un moment avec des numéros comme les frangins Joel et Ryan O’Keefe ? Respectivement guitariste/chanteur et batteur d’Airbourne, quatuor kangourou désigné comme le valeureux héritier d’AC/DC, les frelus ont eu l’honneur d’être adoubés par Lemmy Kilmister lui-même, qui appréciait les shows brûlants des australiens – et, accessoirement, leur habileté à lever le coude. Après avoir ravagé les quatre coins de la planète, Airbourne est allé, pour la première fois porter la bonne parole du rock binaire au sud du Rio Grande. Nous les avons retrouvés à Lima, Pérou, où le promoteur local a eu l’idée pour le moins saugrenue de les programmer dans une boîte reggaeton…
Noisey : C’est la première fois que vous venez en Amérique du Sud.
Joel O’Keeffe : Tout à fait. Aucun d’entre nous n’y était jamais venu, pas même pour les vacances.
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C’est à la hauteur de vos attentes ?
On nous avait dit que le public était passionné – eh bien, on nous a menti : ils ne sont pas passionnés, ils sont complètement dingues ! Les foules sont électriques ici, mec. Nous avons d’ailleurs donné notre meilleur concert de tous les temps à Buenos Aires ! Regarde, on a fait une vidéo. Ils perdent complètement le contrôle, les mecs. Du vrai rock ‘n’ roll ! [Il me montre un bout de live dans lequel le public porteño chante avec sa ferveur habituelle, ambiance stade de foot].
Les groupes qui tournent en Amérique du Sud doivent souvent alléger leur dispositif à cause des prix prohibitifs des billets d’avion dans le continent et des coûts relativement bas des tickets. C’est votre cas ?
Oui, d’habitude on tourne à onze. Là, on est sept. On a planning assez infernal avec des déplacements en avion presque tous les jours. Franchement, ça ne rigole pas…
Vous êtes connus pour exploser les sonos, comme au Hellfest il y a deux ans. Il n’y a pas de règles à respecter en termes de son en Australie ?
Pas vraiment, ça dépend du lieu. Je trouverais insultant que le gouvernement considère que les gens ne sont pas capables de mettre des bouchons d’oreilles ! [Rires] Limiter le volume, c’est mettre une limite au bon temps. Dans le rock ‘n’ roll, le public peut gueuler plus fort que le groupe. Non, ça serait de la démence que le gouvernement se mêle de ça…
Tu es aussi un spécialistes de l’escalade de scènes. Il t’arrive de flipper ?
Non, je fais ça pour le show et le show, ça passe avant tout le reste ! C’est stupide, je sais, mais c’est ça aussi le rock ‘n’ roll !
Justement, ce style de vie, c’est primordial pour vous ?
Ryan O’Keefe : En fait, on vit comme ça depuis longtemps déjà et c’est normal pour nous d’avaler du whisky, on fait ça depuis qu’on des gamins ! On n’est pas fiers de ça, mais pour nous, c’est une nécessité.
Joel : On ne promotionne pas le style de vie sex and drugs and rock and roll. Mais nous dépendons de l’alcool et du rock ‘n’ roll pour avancer. S’ils ne sont pas là, on ne s’amuse pas. Nous ne nous mettons jamais minables avant les concerts. On pense au spectateur qui a payé sa place. Il vient pour échapper au monde et oublier ses problèmes, être avec ses potes et écouter du rock ‘n’ roll. Le monde est au bord de la guerre donc, le moins qu’on puisse faire, c’est que nos spectateurs puissent s’éclater avec leurs potes.
Vous avez écrit une chanson pour Lemmy Kilmister, « It’s All For Rock N’Roll ».
Lemmy nous a toujours aidés. Il a joué dans le clip de « Running Wild », nous a emmenés tourner avec Motörhead trois fois. Il était prévu qu’on tourne ensemble une quatrième fois. Savoir qu’on ne le verra plus, c’est dur. Ça laisse un vide immense, d’où cette chanson…
En plus de Motörhead, vous avez joué avec un paquet de grands noms comme les Rolling Stones. Qui vous a le plus impressionné ?
Metallica, Iron Maiden… Le fait de les voir en coulisses, de pouvoir regarder comment ces grands groupes internationaux fonctionnent n’a pas de prix. Le plus important peut-être, c’est de voir comment se comportent les gars qui bossent pour eux, qui les suivent parfois depuis plus de vingt ans. Cela permet de comprendre beaucoup de choses. D’une certaine manière, ces mecs sont plus importants que les groupes eux-mêmes. Ils sont une vraie source d’inspiration.
L’Australie a donné naissance a un grand nombre de groupes de rock pur et dur. C’est toujours le cas ?
Ryan : Hélas non, le pays a bien changé ! Nous ne sommes plus dans les années 70 ou 80. Il est vraiment difficile de trouver des groupes de rock en Australie pour la bonne et simple raison qu’il n’y a plus d’endroits où jouer ! Le gouvernement n’en a rien à branler du rock ‘n’ roll. Quand tu as un club de, mettons, deux cents places, le genre d’endroits où on jouait à nos débuts, tu peux être sûr qu’à un moment quelqu’un construira une résidence à côté. Et tu peux avoir la certitude que ses habitants se plaindront du bruit. L’endroit devra donc fermer. Les groupes n’ont donc plus le choix qu’entre jouer dans leur garage ou dans des salles de dix mille personnes…
Joel : Et le problème, c’est que tu ne peux pas passer par la case 10 000 sans être passé par la case 200. En conséquence, beaucoup de groupes australiens économisent pour partir à l’étranger et tenter leur chance, en Europe notamment. On vient d’assister à l’extinction d’une espèce en voie de disparition, la salle de concerts australienne ! Elle a été exterminée par le gouvernement, l’avidité et la connerie.
Ryan : Je pensais qu’il y aurait des manifs mais non, les gens sont restés amorphes. L’écosystème du rock a perdu son élément central : les clubs. Résultat ? Tout s’est écroulé, il n’y a plus d’endroits pour voir des groupes, et presque plus de groupes.
En Australie qui vient vous voir en concert ?
Des gens de la classe ouvrière ou des membres des communautés rurales. Ce genre de mecs [il montre des ouvriers qui marnent sur un gratte-ciel en construction]. On a aussi des mômes des banlieues, bref, des gens qui ne suivent pas vraiment les modes. Tu ne trouveras pas beaucoup de hipsters dans notre public ! [Rires]
Vous venez de Warrnambool, une ville moyenne du sud de l’Australie. Comment c’était de grandir là-bas ?
C’est un endroit très vert avec une plage où tu peux surfer mais, pour dire la vérité, il n’y a pas grand chose à faire. Dès qu’on a pu, on s’est barré pour jouer à Melbourne qui est à environ trois heures de route. Nous nous sommes habitués à la route à cette époque et elle nous a donné envie de partir.
Joel O’Keefe : Je ne comprends pas les groupes qui se plaignent de la route. Si je ne pouvais plus tourner, je devrais être enfermé. Et là, on aurait un vrai problème d’alcool ! [Rires]
Olivier Richard est sur Noisey.