Il y aura très probablement une pénurie de weed légal au Canada
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Drogue

Il y aura très probablement une pénurie de weed légal au Canada

Les producteurs autorisés font des réserves, mais il y a présentement à peine assez de cannabis pour répondre à la demande pendant deux semaines.

Les producteurs autorisés de cannabis accumulent d’énormes quantités de cannabis médical dans leurs entrepôts en prévision de la légalisation de la vente pour la consommation récréative. Mais, même avec ces réserves, on sera très loin de pouvoir répondre à la demande une fois la légalisation faite, plus tard cette année.

Entre avril et décembre 2017, les stocks de cannabis séché des producteurs autorisés au Canada ont presque doublé, atteignant 39 000 kilogrammes d’après les données de Santé Canada. Les producteurs ont aussi stocké un peu plus de 11 000 kilogrammes d’huile de cannabis au cours de la même période, là encore près du double de leurs stocks huit mois auparavant.

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Ils se préparent ainsi pour que l’on puisse fumer de l’herbe à volonté dès le jour toujours indéterminé où il sera de nouveau possible de le faire légalement après près d’un siècle.

Le marché récréatif est énorme. Le Bureau du directeur parlementaire du budget a affirmé en 2016 que les Canadiens consommeront jusqu’à 1017 tonnes métriques d’herbe par année. Dans un rapport de la même année, la firme Deloitte a écrit que la valeur du marché du cannabis, taxes et revenus touristiques inclus, pouvait atteindre 22,6 milliards de dollars par année.

Toutefois, il ne sera pas simple de répondre à la demande. Si les prévisions du Bureau du directeur parlementaire du budget sont justes, la réserve actuelle de cannabis, contenue dans un paradis ensaché sous vide et verrouillé à double tour chez les 97 producteurs autorisés, serait épuisée en moins de deux semaines. « Le marché est sur le point d’exploser », dit Jordan Sinclair, de Canopy Growth, le plus grand producteur de cannabis au pays. La compagnie a récemment envoyé 100 000 clones en Colombie-Britannique pour répondre à la demande dans la province.

S’il est peu probable que tous les entrepôts soient complètement vidés en quelques jours, il est cependant à prévoir, en raison des relativement faibles réserves, que surviendront des pénuries des variétés de cannabis les plus populaires dans les jours et semaines suivant la légalisation. « La disponibilité sera inégale d’une province à l’autre. Il n’y aura pas assez de variétés et de réserves pour tout couvrir », dit David Hyde, un consultant basé en Ontario au service de producteurs de cannabis.

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L’autre enjeu, du moins en ce qui concerne le gouvernement, sera de bien mesurer la demande. Le marché du cannabis récréatif étant illégal depuis 1923, il est difficile à évaluer. Par conséquent, les estimations gouvernementales varient beaucoup, de 400 000 à plus de un million de kilogrammes par année. En d’autres mots, Santé Canada ne sait pas trop quelle quantité d’herbe il se fumera.

Selon un expert américain, les craintes qu’il n’y aura pas assez de weed légal pour satisfaire la demande au Canada sont grandement exagérées. Miles Light, le cofondateur du Marijuana Policy Group (MPG), une organisation qui avise les entreprises et les gouvernement sur des questions reliées au cannabis, estimait l’an dernier que les producteurs canadiens auront 500 000 kilogrammes de matière brute à mettre en marché d’ici la fin 2018. « On répète souvent qu’il y aura une grave pénurie de cannabis légal, mais notre analyse nous indique que c’est peu probable. »

S’il y a des problèmes d’approvisionnement, la responsabilité pour ceux-ci est partagée entre Mère Nature, la logistique et la bureaucratie. Il faut 18 semaines pour faire pousser un plant de cannabis. Pour augmenter les stocks, il ne suffit pas de décider d’augmenter la production. Il faut faire pousser des plants, et il n’y a qu’un nombre limité de constructeurs de serres et de spécialistes de la production de cannabis, dont le calendrier est souvent déjà comblé jusqu’à la fin de l’année, voire au début de la suivante, selon David Hyde.

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Ensuite, il faut obtenir l’autorisation de faire pousser et de vendre du cannabis légalement. Jusqu’à récemment, obtenir tous les documents exigés pouvait prendre jusqu’à trois ans. Conscient du problème, Santé Canada a depuis simplifié le processus d’obtention de l’autorisation et a haussé le nombre d’employés affectés au traitement des demandes. Le Ministère a aussi raccourci la phase d’évaluation et permis aux producteurs de stocker autant de cannabis que leurs chambres fortes le permettent. (Auparavant, ils devaient s’en tenir à une quantité maximale.)

Le nombre de producteurs autorisés a grimpé en flèche, passant de 37 en octobre 2016 à plus d’une centaine aujourd’hui. Le gouvernement fédéral songe aussi à laisser tomber la condition imposée jusqu’ici aux producteurs autorisés de ne pas avoir de dossier criminel. Ce serait un grand pas, car beaucoup des producteurs les plus expérimentés ont eu des démêlés avec la justice.

« Les accusations relatives à la marijuana ne sont pas toujours un obstacle à l’obtention d’une autorisation. Pour ce qui est de la possession simple, on sait que un demi-million de personnes en ont été accusées », a dit en entrevue en juillet 2017 le député fédéral Bill Blair, qui dirige le groupe de travail sur la légalisation.

S’assurer que l’approvisionnement en cannabis est constant et suffisant n’est pas qu’une question de bon service à la clientèle. Pour les gouvernements provinciaux et fédéral, l’enjeu est d’éviter que les consommateurs de cannabis retournent vers le marché noir. Déjà source de cannabis bon marché et omniprésent, il restera florissant si l’herbe légale est trop chère ou difficile à obtenir.