Crime

Pfizer arrête de fournir les produits utilisés pour les peines de mort aux États-Unis

Pfizer, le géant des laboratoires pharmaceutiques, a bloqué l’utilisation de certains produits dans les États américains qui permettent les injections létales, a annoncé l’entreprise vendredi dernier.

Avant cette annonce, Pfizer était le dernier fournisseur de produits destinés aux injections létales effectuées dans ces États, alors que plus de 25 autres entreprises pharmaceutiques avaient déjà pris des mesures semblables.

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Le fait d’obtenir les produits nécessaires aux injections létales — la pratique majoritaire en matière d’exécution de peine de mort aux États-Unis depuis une quarantaine d’années — s’était déjà compliqué en 2012. À l’époque, la Commission européenne avait imposé de stricts contrôles sur les exportations afin de s’assurer que les produits en question ne soient pas utilisés pour l’exécution d’une « peine capitale, des faits de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

« Nous restreignons la distribution de plusieurs produits qui sont utilisés par certains États dans le cadre de leur protocole d’injection létale, » a déclaré Pfizer sur son site Internet, ajoutant que l’entreprise « s’oppose fermement à l’utilisation de ses produits pour des injections létales dans le cadre de l’application de la peine de mort. »

« C’est un tournant dans l’histoire de la peine de mort aux États-Unis, » a réagi l’organisation Reprieve qui lutte contre la peine capitale. « L’annonce de Pfizer renforce la position de l’industrie pharmaceutique sur les exécutions par injection létale. Cela illustre le malaise général qui règne autour de cette procédure, et cela pose des questions fondamentales sur l’administration de la peine capitale aux États-Unis. »

Les injections létales ont été décrites pendant des décennies comme la façon la plus humaine de tuer des prisonniers. Mais, peu à peu, cette idée a été remise en questions par des militants et des juristes.

Maya Foa, la coordinatrice de Reprieve pour la question de la peine de mort, note qu’un « certain nombre d’exécutions récentes ratées montre l’aspect brutal des exécutions par injection létale. »

« Loin d’être une procédure clinique et humaine, l’injection létale est l’équivalent d’être brûlé au bûcher. C’est donc logique que les entreprises pharmaceutiques ne veuillent pas que leurs médicaments se retrouvent à proximité d’une chambre d’exécution. »

Lors d’un incident notoire en décembre 2014 dans l’Oklahoma, l’exécution du prisonnier Clayton Lockett a duré 43 minutes. D’après un gardien de prison qui a assisté à la scène, c’était une « pagaille sanglante ». Des docteurs refusent d’administrer des injections létales parce que cela violerait le serment d’Hippocrate — qui oblige les médecins à ne pas faire de mal. La décision d’utiliser tel ou tel produit est donc souvent laissée à la discrétion des représentants des autorités pénitentiaires, qui n’ont pas de formation médicale.

Parmi la liste de produits publiée par Pfizer, on trouve le propofol, le puissant analgésique qui a causé la mort de Michael Jackson. Les autres produits qui ne pourront plus être utilisés dans les salles d’exécutions sont le pancuronium, le chlorure de potassium, le midazolam, l’hydromorphone, le rocuronium et le vécuronium.

Le midazolam est l’une des trois substances généralement utilisées pour former le cocktail destiné aux injections létales. Ce produit est censé assommer les détenus pour qu’ils ne ressentent pas la terrible douleur liée à la diffusion des drogues létales dans leur sang.

Début 2016, des défenseurs des droits de prisonniers ont défendu devant la Cour suprême le fait que le midazolam « ne soulageait en réalité pas la douleur et ne pouvait pas produire de manière sûre une perte de connaissance profonde, semblable à un coma. » Malgré tout, la Cour suprême a estimé (à 5 voix contre 4) que l’utilisation du midazolam était légale dans le cadre des exécutions et qu’elle ne violait pas le 8e amendement de la Constitution américaine qui interdit « les peines cruelles et inhabituelles. »

La cour a aboli une partie de la loi floridienne sur la peine de mort sous prétexte qu’elle ne donnait pas un rôle suffisant aux jurés pour établir si un prisonnier devait être exécuté ou non. Mais un arrêt de 1976 sur la constitutionnalité de la peine capitale tient toujours.

Pour faire face à la pénurie de drogues létales, certains des 31 États où la peine de mort est toujours légale réfléchissent à d’autres moyens d’exécution.

Le mois dernier, le gouverneur de Virginie, Terry McAuliffe, a déposé un véto contre une proposition de loi qui voulait faire de la chaise électrique la méthode par défaut des exécutions. Cette proposition de loi devait permettre d’alerter sur le manque de produits pour les injections létales. Plutôt que de remettre la chaise électrique au goût du jour, McAuliffe a proposé une alternative, qui permettrait à l’État d’engager une entreprise pour fabriquer secrètement une fournée de drogues létales. Avec l’amendement de McAuliffe, le nom de l’officine serait gardé secret pour la protéger.

« Plutôt que de passer des lois secrètes afin de mettre à mal les garde-fous mis en place par ces entreprises, les États concernés devraient respecter les intérêts commerciaux légitimes de l’industrie pharmaceutique et accepter d’arrêter de se servir de leurs médicaments pour mener des injections létales, » a déclaré Maya Foa en réaction à la décision de Pfizer.

En cas de pénurie de drogues létales, le Wyoming et l’Oklahoma ont pour plan d’utiliser des chambres à gaz, alors que l’Utah pourrait relancer les pelotons d’exécutions. Le Mississippi considère aussi la légalisation des pelotons d’exécution.

Les exécutions sont sur le déclin aux États-Unis depuis 1935 — année pendant laquelle 197 prisonniers avaient été exécutés. L’année avec le plus grand nombre d’exécutions ces derniers temps, c’est 1999, avec 98 exécutions. L’année dernière, 28 personnes ont été exécutées, le total le plus faible depuis 1991. Les États du sud ont conduit 81 pour cent des 1 423 exécutions réalisées aux États-Unis depuis 1976, d’après le Marshall project. Trois États — le Texas, l’Oklahoma et la Virginie — sont responsables de plus de la moitié des exécutions au niveau national pour la même période.


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