Culture

Un dimanche comme un autre, à jouer à faire la guerre

Anthony Dehez oorlog recons photos

J’ai commencé à m’intéresser à la photo au début de mon adolescence. Comme pour beaucoup, mon objectif était de reproduire des choses qui me semblaient « authentiques et pittoresques ». En réalité, c’était totalement dénué de références artistiques. Bref, c’était de la merde.

Ce qui est marquant, en photographie, c’est la façon qu’on a de se représenter une situation ou une scène, cette idéalisation d’un moment donné. On y croit, on s’exalte, on s’attache à ce cliché, sans qu’il ne reflète pour autant une réalité.

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J’habite la province du Luxembourg. L’histoire de la bataille des Ardennes a toujours été une sorte d’ombre historique, à la fois familière et lointaine. Ces dernières années, j’ai participé à différentes reconstitutions historiques à Bastogne, l’épicentre de la bataille, et Foy-Notre-Dame, où a eu lieu la fin de l’offensive.

Cependant, cette fois-ci, mon intention en tant que photographe n’était pas de « recréer » un instant, mais de travailler sur des images qui auraient pu être prises à l’époque, tout en prenant le contrepied total en jouant sur des anachronismes. Entre surréalisme et absurde.

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Il existe un fort intérêt pour l’histoire militaire. On le voit notamment chez les gens qui se déguisent en figurant·es ou collectionnent des objets d’époque. Certain·es possèdent même des chars en état de marche et connaissent les grades, les modèles d’armes, la totale. C’est un truc de passionné·es, un peu geek, de personnes qui viennent chercher leur frisson, leur réalité fictive pour quelques heures – voire quelques jours pour les plus motivé·es/nostalgiques.

Ces reconstitutions, c’est le main event de l’année pour les mordus de guéguerre. Sous leurs uniformes, ce sont chaque année plusieurs centaines d’hommes et de femmes qui se retrouvent sur le champ de bataille – comme un terrain de jeu à ciel ouvert, une sorte de cour de récréation géante avec des balles à blanc et quelques effets pyrotechniques en fond sonore.

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Les participant·es viennent de toute l’Europe, et même au-delà. J’ai même croisé un groupe de Polonais qui ont fait les Nazis le temps de quelques batailles. Cela dit, il faut dire que la plupart des gens s’habillent en soldat américain.

Dans ce type de reconstitution à la fois honorifique et carnavalesque, il se passe forcément des choses visuellement intéressantes en termes d’anachronismes : des soldats qui déchargent leur voiture tout en buvant une bière, un curieux qui se glisse à l’intérieur d’un char pendant que les deux figurants gardent la pose comme si de rien n’était ou encore une armée de smartphones qui immortalise les forces ennemies.

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Après avoir assisté à plusieurs éditions, avec un détachement presque métaphysique, je me pose quand même plusieurs questions. Pour certaines personnes, tout ceci s’inscrit surtout dans le cadre du souvenir, de la commémoration.

Mais dans les moments de profond drame, de peur que cristallisent les guerres, avec de vrais fusils qui retentissent, du vrai sang qui coule, de vraies familles qui sont décimées et des générations marquées à vie, est-il convenable d’imaginer que dans notre réel pas si alternatif, il est possible de faire de cette « guerre » une sorte de « jeu » ? Quelle place est-elle laissée à l’hommage, et quelle place prend le côté ludique ?

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