Lundi, la Grèce a remporté la quatrième médaille de ses Jeux olympiques de Rio après la victoire d’Eleftherios Petrounias aux anneaux. C’est déjà une amélioration par rapport aux Jeux de 2012 : la Grèce n’avait ramené que deux médailles. En 2008, c’était quatre.
Des résultats aussi décevants auraient été incompréhensibles il y a dix ans, après les JO 2004 à Athènes, quand la Grèce avait totalisé 16 médailles. Profitant du rayonnement de ces Jeux luxueux, avec des installations dernier cri, le pays semblait bien parti pour s’installer durablement sur la scène sportive internationale. Les médaillés olympiques et les grands espoirs signaient de gros contrats de sponsoring, et les bonus étaient juteux.
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Mais, dès la fin des JO d’Athènes 2004, des signes inquiétants émergèrent. Leurs Jeux olympiques avaient été les plus chers de l’histoire, à l’époque, coûtant environ 9 milliards d’euros si on rapportait le budget aux taux actuels, dont 7 avaient été financés par le contribuable. Quelques jours après la cérémonie de clôture, des hommes politiques grecs avertirent l’Union européenne que la dette allait être bien pire que ce qu’ils prévoyaient, s’ajoutant à la dette nationale de 165 milliards d’euros. Un an plus tard, la Grèce était placée sous surveillance budgétaire par la Commission européenne.
Les choses n’allèrent pas en s’améliorant. Au moment de préparer le budget des Jeux, les dirigeants grecs avaient misé sur le tourisme post-olympique pour combler une partie des déficits. Mais avec l’augmentation des prix, beaucoup de touristes optèrent pour des destinations moins coûteuses en Europe de l’Est. Après la crise financière de 2008, avec l’austérité et les coupes dans le budget, le financement du sport était réduit au minimum.
Vlasios Maras, un gymnaste de 33 ans qui participe aux épreuves individuelles masculines, en est à ses quatrièmes Jeux olympiques. Maras a été, à une époque, le double champion du monde de barre fixe, quand l’équipement sportif de la Grèce lui permettait de rivaliser avec les nations dominantes. Désormais, il doit se satisfaire de pouvoir simplement concourir.
« Le problème, c’est que nos équipements d’entraînements sont vieux, ils ont presque 15 ans, confie-t-il à VICE Sports. C’est dangereux car c’est en train de tomber en ruines et cela signifie que que nous ne pouvons pas concurrencer les meilleures nations. La gymnastique est un sport où les petits détails font de vous un champion, et nous n’avons pas de bonne préparation. Tous les derniers équipements sont normalement construits en respectant de nouvelles règles. Je m’entraîne avec des installations qui sont dépassées depuis des années, et, en compétition, je dois m’adapter et changer toutes mes techniques. Cela rend la chose incroyablement difficile. »
Maras fait pourtant partie des chanceux. En tant que gymnaste célèbre, il a pu obtenir des sponsors pour financer son entraînement avant les Jeux. Avec l’aide financière très limitée de la fédération, beaucoup de ses collègues n’ont pas eu les ressources nécessaires pour se qualifier.
« Le gouvernement a débloqué de l’argent pour soutenir les athlètes qui avaient réussi à se qualifier pour les Jeux, raconte-t-il. Mais après qu’ils se soient qualifiés. Et aller là-bas, c’est incroyablement dur. On ne peut plus faire de compétitions avant de gros événements comme les championnats d’Europe ou du monde, et on n’a pas d’aide médicale ou physio comme d’autres pays.
La crise financière a touché tous les sports en Grèce. Pour la gymnastique, l’argent que reçoit la fédération du gouvernement a été réduit de 50 % en moins de dix ans. Pour d’autres sports, il n’y a plus rien. »
L’aide financière joue un rôle déterminant dans l’acquisition de médailles olympiques, et beaucoup d’athlètes grecs sont frustrés par le manque de ressources qui les font se traîner derrière leurs rivaux. La perchiste Nikoleta Kyriakopoulou a remporté la médaille de bronze aux championnats du monde à Pékin l’an dernier. Après avoir connu une blessure en début d’année, elle n’a pas pu s’offrir les meilleurs traitements médicaux, ce qui a porté atteinte à ses chances de réaliser une performance à Rio.
« A mon niveau, des choses comme un support technique ou des analyses biomécaniques sont extrêmement importantes et auraient pu m’aider à passer les cinq mètres, mais on ne peut pas se payer ça, explique Kyriakopoulou. Et à cause de ma blessure, j’ai raté une grande partie de la saison. Mon salaire mensuel se situe entre 650 et 750 euros, alors que des traitements médicaux et de la physiothérapie peuvent coûter jusqu’à 200 euros la journée, donc je ne peux pas me permettre de prendre les meilleurs sur le marché. »
Kyriakopoulou pense elle aussi qu’elle fait partie des athlètes les plus chanceux.
« J’ai eu de bons résultats par le passé, ce qui m’a permis de décrocher des sponsors, et, comme athlète internationale, je peux gagner du prize money lors d’événements de la Diamond League. Je suis aussi l’une des 90 à 100 athlètes que la fédération grecque soutient chaque année avec un salaire et des stages d’entraînement, indexé sur le niveau de performance. Mais chaque année, la fédération reçoit moins d’argent de l’Etat et leur subvention est minime. »
Pour soutenir leurs carrières sportives, certains athlètes se reposent sur leurs familles. Mais à cause de la situation économique du pays tout entier, peu de Grecs peuvent se le permettre.
« J’ai beaucoup d’exemples d’athlètes qui n’ont simplement pas eu assez d’argent pour exprimer tout leur potentiel, raconte Kyriakopoulou. Par le passé, les familles pouvaient aider, mais avec un taux de chômage à 25% et des coupes dans les salaires de 50%, c’est toute la société qui souffre. »
Beaucoup d’athlètes ont dû prendre un emploi à temps partiel pour poursuivre leurs rêves d’aller concourir à Rio. Kristy Anagnostopoulou participe au concours féminin de lancer du disque cette semaine, mais ces quatre dernières années, elle a combiné son entraînement avec un boulot comme sauveteuse. « J’avais besoin d’un salaire parce que nous n’avions pas de bons centres d’entraînement en Grèce, même si je vis à Athènes, explique-t-elle. Pour me préparer aux Jeux olympiques, j’ai eu besoin d’aller à Chypre. »
Le lanceur de poids Nicholas Scarvelis a la double nationalité grecque et américaine. Il a grandi et a vécu en Californie. Il regarde avec envie le luxe et le soutien fourni par la Team USA. Scarvelis a dû payer ses propres billets d’avion pour les Jeux olympiques et les championnats d’Europe plus tôt dans l’année, et attend de recevoir son remboursement.
« Le soutien de la fédération grecque est maigre, dit-il. Je regarde la plupart de mes concurrents – les Américains, les Allemands et les Polonais – et ils ne semblent pas avoir à se démener de la sorte. Le comité olympique grec ne donne pas d’accréditation ou de fonds aux entraîneurs, et j’ai donc dû voyager seul jusqu’à Rio. Je reçois une petite indemnité mensuelle de leur part, mais cela ne me permet que de payer mon loyer ou ma nourriture à Los Angeles, pas les deux en même temps. J’ai seulement pu me préparer pour les Jeux ces derniers mois grâce à mes relations avec les entraîneurs de UCLA, mon université, et ils m’ont donné accès aux salles de muscu et à la physiothérapie. »
Mais si Scarvelis et les autres ont pu arriver jusqu’à Rio, le futur de la prochaine génération d’athlètes grecs semble de plus en plus triste. « Les athlètes juniors et les espoirs n’ont pas les fonds nécessaires pour participer à des compétitions et c’est un gros problème, explique le pongiste Gionis Panagiotis. Même les athlètes de niveau olympique ne peuvent pas se permettre de telles dépenses. »
Scarvelis explique que certaines compétitions en Grèce ont presque dû être annulées à cause d’une pénurie d’essence dans les stations-service, rendant le voyage des athlètes impossible. Même des sports comme le water polo, d’habitude extrêmement populaire chez les Grecs, n’ont plus aucun jeune talent à cause du manque d’argent.
« Les joueurs dans les plus petites équipes et les plus jeunes sont les plus affectés, explique Kiriakos Pontikeas, qui joue pour le club d’Olympiakos et qui a gagné une médaille de bronze avec son équipe nationale aux championnats du monde de natation 2015. J’ai fait partie des chanceux ces sept dernières années : dans chaque équipe où je suis passé, les finances allaient plutôt bien, et la crise ne m’a donc pas trop affecté.
L’Olympiakos est la plus grande équipe de Grèce et ils gèrent leur budget plutôt bien avec l’aide de nombreux sponsors. Mais si vous ne faites pas partie de ces gros clubs alors c’est dur. J’ai beaucoup d’exemples de joueurs qui finançaient leurs entraînements grâce à leurs parents ou ont simplement abandonné. Je pense que de plus en plus de jeunes athlètes décident de se concentrer sur leurs études et ne voient plus aucun futur possible dans une carrière sportive. »