De tous les tweets et mèmes qui définissent notre existence, peu ont autant de valeur universelle que ces mots de l’écrivaine Kimberly King Parsons : « Il m’a fallu onze minutes pour faire quelque chose que je repoussais depuis trois mois. »
Parfois, les tâches les plus banales nous paraissent insurmontables. Qu’il s’agisse de regarder ses plantes mourir lentement pendant des semaines avant de les rempoter (temps total de réalisation : six minutes) ou d’attendre d’être arrêté par la police avant de renouveler sa carte grise (c’est ce que j’ai fait), nous sommes nombreux à remettre à plus tard les petites choses du quotidien.
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Mais d’où vient la procrastination, exactement ? Joseph Ferrari, professeur de psychologie à l’université DePaul de Chicago et auteur de Still Procrastinating ? explique que pendant longtemps, la procrastination a été interprétée comme un symptôme de paresse ou de désorganisation, alors qu’il s’agit en fait d’une stratégie d’évitement. « Ce n’est pas seulement un problème de gestion du temps, c’est un concept beaucoup plus complexe que cela », dit-il. « En fait, la procrastination n’est pas liée au temps, mais à l’humeur », confirme Fuschia Sirois, qui a étudié le sujet à l’université de Sheffield et a coédité l’ouvrage Procrastination, Health, and Well-Being.
Voici un aperçu des raisons spécifiques pour lesquelles nous évitons d’accomplir des tâches simples, et quelques conseils utiles pour protéger notre santé mentale.
Vous repoussez une tâche parce que rien ne vous en empêche
La procrastination peut avoir des conséquences financières, personnelles et professionnelles. Mais pas toujours ! Par exemple, pourquoi renouveler son passeport alors qu’il est impossible de voyager à cause de la pandémie ?
Selon Ferrari, nous ne vivons pas dans une société qui nous encourage à faire les choses tôt. « Dans notre culture, nous sommes punis lorsque nous sommes en retard, dit-il, mais nous ne sommes pas récompensés lorsque nous sommes en avance. » Et lorsque vous intériorisez le message selon lequel il n’y a aucune raison de faire les choses avant le temps imparti, vous finissez par l’appliquer à tout.
Tim Pychyl, professeur de psychologie et directeur du groupe de recherche sur la procrastination à l’Université Carleton d’Ottawa, explique que le fait de célébrer les petites tâches accomplies peut aider à contourner ce problème. « Concentrez-vous sur le sentiment positif que vous ressentez lorsque vous terminez quelque chose, par opposition au sentiment négatif que vous ressentez lorsque vous savez que vous devez le terminer », explique-t-il.
Cela peut sembler banal, mais il peut être utile de lister les tâches que vous avez déjà accomplies ou commencées. Classez-les une fois que vous les avez terminées et considérez-les comme des victoires pour la journée. Cela vous donnera un sentiment positif et vous encouragera à en faire plus. « Les listes donnent un sentiment d’efficacité, ajoute Pychyl. C’est l’un des rares cas où nous constatons une spirale positive, à savoir que le progrès alimente le bien-être et que le bien-être entraîne d’autres progrès. »
Il y a quelque chose dans la tâche elle-même qui vous bloque
« La procrastination est une stratégie de gestion des émotions, dit Sirois. “Comment puis-je gérer le sentiment d’angoisse lié à la paperasse que j’ai à faire ? Je sais : en mettant cette paperasse de côté.” Et voilà : vous venez de réguler votre humeur en procrastinant. »
Pour Sirois, la procrastination survient souvent lorsque nous nous sentons incertains. Lorsqu’une tâche est nouvelle, peu familière ou semble trop importante, comme demander une carte de crédit ou rédiger son CV, il est moins probable que nous nous y attaquions avec plaisir. C’est une équation simple : plus d’insécurité conduit à plus d’évitement.
La procrastination peut également venir de la peur du jugement des autres. Nous parlons beaucoup de l’estime de soi, mais Ferrari précise que l’estime sociale est tout aussi importante. « Nous préférons que les gens pensent que nous n’avons pas fait d’effort, plutôt qu’ils pensent que nous ne sommes pas capables », dit-il.
La peur de se planter peut entraîner un blocage, même pour des choses aussi simples que répondre à un texto. Mais la raison pourrait être encore plus simple : la chose que vous devez faire n’est pas amusante. Selon Sirois, les êtres humains sont « programmés » pour rechercher le plaisir, donc si une tâche est désagréable ou demande un effort, il est facile de la remettre à plus tard, quel que soit le temps qu’elle prendrait.
Vous utilisez la logique pour corriger un comportement qui est intrinsèquement émotionnel
La plupart des causes de la procrastination ont un thème commun : les émotions négatives. Pychyl explique qu’au fond, la procrastination est un « mécanisme d’adaptation pour faire face à ce qui nous arrive ».
Les conseils les plus courants pour lutter contre la procrastination sont aussi les plus rationnels : diviser la tâche à accomplir en petites parties, organiser son emploi du temps, faire une promenade, fermer les 47 onglets ouverts sur le navigateur. Tout cela peut être utile, dans une certaine mesure, et en fonction de chacun.
Vous pouvez en effet rendre votre environnement moins propice à la procrastination, mais ne pensez pas que ce sera la solution, voyez plutôt cela comme une première étape. Si la raison de votre procrastination est un manque de confiance, Sirois suggère de commencer par obtenir toutes les informations et ressources dont vous avez besoin. Les instructions relatives à la tâche sont-elles claires ? Avez-vous des questions ? Si vous avez des doutes, quels qu’ils soient, vous risquez davantage de rester bloqué. Réglez d’abord ces détails et réduisez votre sentiment d’incertitude. Lorsque vous réfléchissez trop à une tâche à accomplir, vous risquez de la rendre beaucoup plus difficile qu’elle ne l’est.
Vous êtes coincé dans une spirale de la honte
Les procrastinateurs ont tendance à avoir peu de compassion pour eux-mêmes. Ils pensent qu’ils sont les seuls au monde à procrastiner. Résultat, ils culpabilisent et nourrissent eux-mêmes ces émotions négatives.
« L’autocritique génère des sentiments négatifs supplémentaires par rapport à la chose à faire, ce qui encourage à l’éviter encore plus », explique Sirois. La situation traîne en longueur, et vous commencez à penser davantage au temps qui passe qu’à la tâche elle-même, un comportement connu sous le nom de « cognition procrastinatoire ». En d’autres termes, vous ruminez sur votre procrastination.
La procrastination a tendance à être une lutte solitaire, mais n’oubliez pas que tout le monde la pratique. Alors ne soyez pas trop dur envers vous-même et, surtout, n’hésitez pas à en parler à quelqu’un : Sirois a contribué à une étude qui a révélé que le soutien social peut réduire partiellement le stress à l’origine de la procrastination.
Et si ce comportement est devenu constant, tant dans votre vie professionnelle que dans votre vie privée, il est peut-être temps d’en parler à un professionnel. La procrastination chronique peut être un symptôme de troubles anxieux, de dépression et de TDAH ; un expert en santé mentale peut vous aider à en venir à bout.
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