Richard Bain passera au moins 20 ans derrière les barreaux pour l’attentat au Métropolis dans lequel il avait tiré sur Pauline Marois le soir de son élection en septembre 2012. Selon le juge Guy Cournoyer Bain était motivé par une « haine basée sur les opinions et croyances des membres du Parti québécois ». Il a rappelé son intention d’empêcher Marois de livrer son premier discours en tant que première ministre, mais aussi de « tuer le plus de séparatistes possible ».
L’homme qui a hurlé « les Anglais se réveillent » au moment de son crime ne sera parvenu qu’à tuer le technicien de scène Denis Blanchette avant que son arme ne s’enraye. Il a aussi fait deux blessés.
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Bain a « presque » reçu « une sentence de mort », s’est indigné son avocat, Alan Guttman. Son client ne pourra être remis en liberté avant de souffler ses 86e bougies.
Pas un terroriste
Bien que Richard Bain ait tenté d’assassiner la première ministre du Québec, l’homme n’a jamais été accusé (ou inculpé) de terrorisme.
« Quand on arrive avec un fusil et qu’on tire dans le tas pour des raisons politiques, c’est difficile de ne pas voir ça comme du terrorisme », soutient le codirecteur de L’Équipe de recherche sur le terrorisme et l’antiterrorisme, Stéphane Leman-Langlois.
Le chercheur concède qu’il existe certaines définitions du terme qui exigent qu’un individu soit membre d’un groupe pour être accusé de terrorisme. Mais selon lui, il n’est « pas normal que si on s’appelle Mohammed on est terroriste et qui si on s’appelle Richard, on ne l’est pas ».
D’après l’avocat criminologue Walid Hijazi, Bain n’a pas été accusé de terrorisme pour d’autres raisons. « C’est une considération stratégique, estime-t-il. Considérant que Bain était accusé de meurtre sans ambiguïté par rapport au fait qu’il était le suspect, l’accuser de terrorisme aurait été un fardeau dans ce dossier. Un meurtre entraîne automatiquement une peine de prison à perpétuité. »
Stéphane Leman-Langlois croit tout de même qu’il est dangereux de laisser de côté l’étiquette de « terroriste » pour de telles raisons. Il indique que cela pourrait discréditer le fonctionnement du système judiciaire pour des communautés typiquement associées au terrorisme. « Il faut avoir une certaine constance », fait-il valoir.
Un état mental fragile
« Il ne sortira jamais », estime l’avocate criminaliste Véronique Robert. Elle explique qu’il faudrait que Bain reconnaisse les faits et sa responsabilité morale, en plus d’avoir une bonne conduite en prison, s’il veut un jour devenir un homme (presque) libre. « Il faut qu’il dise aux libérations conditionnelles : “c’est tout un show que je vous ai fait, ce n’est pas vrai!” », explique-t-elle. Un tel aveu est improbable, vu les discours qu’il a tenus jusqu’ici, d’après Me Robert.
La santé mentale de Richard Bain a beaucoup fait jaser depuis son arrestation. À sa deuxième consultation psychiatrique, le 9 novembre 2012, il a avoué avoir eu l’intention de « tuer le plus de séparatistes possible », alors qu’il avait déclaré à la police moins de deux mois plus tôt qu’il «ne cherchait qu’à faire peur aux gens». Même s’il a assuré que Jésus-Christ l’avait envoyé en mission de « débarrasser le Québec du problème séparatiste », Bain est reconnu apte à subir un procès le 28 décembre 2013.
Après avoir congédié ses avocats à la fin novembre 2014, Bain se défend seul devant les tribunaux. Il tente alors d’obtenir une libération conditionnelle et jure ne plus se souvenir des événements de 2012, parce qu’il avait pris trop de médicaments. Cette demande est refusée. L’accusé embauche finalement au début 2015 l’avocat Alan Guttman. Au terme du procès, il est jugé criminellement responsable de ses actes et, après les délibérations du jury, est reconnu coupable de meurtre au 2e degré et de trois chefs d’accusation de tentative de meurtre.
Un verdict peu surprenant
Le caporal Denis Lortie a commis un attentat semblable en mai 1984. Dans le but d’assassiner René Lévesque, l’homme s’est introduit armé et vêtu d’un uniforme militaire dans l’hôtel du Parlement de Québec, où il a tué trois personnes et en a blessé treize autres. Il avait lui aussi des troubles mentaux, mais a cependant obtenu une libération conditionnelle après dix ans, et ce, même s’il a causé plus de dégâts que Richard Bain.
« Le juge du procès Bain a pondéré les facteurs atténuants et a mis beaucoup d’accent sur le fait que la peine résonne haut et fort dans la population et que le comportement de M. Bain est totalement inacceptable, explique Me Hijazi. Et si son arme ne s’était pas enrayée, c’est là qu’on aurait vu un vrai carnage. »