Après Paris, Lille, Lyon, Nice, Toulouse et Bordeaux, Uber a, en début de semaine, étendu ses services à trois nouvelles villes de France : Marseille, Nantes et Strasbourg. Ainsi, bien que déclarée illégale par le gouvernement depuis le 1er janvier dernier, l’entreprise mettant en relation clients et chauffeurs privés semble prête à poursuivre son offensive en France, son second marché en Europe. Si l’annonce peut sembler être une bonne nouvelle pour le consommateur en raison des bas tarifs proposés par le service « lowcost » UberPop, elle a de nouveau déclenché la colère des chauffeurs de taxi titulaires d’une licence, qui n’ont pas hésité à harceler et intimider certains conducteurs de VTC (voiture de transport avec chauffeur), les accusant – avec raison – de concurrence déloyale.
Alors que des attaques anti-Uber avaient déjà eu lieu à Paris il y a plusieurs mois, quelques chauffeurs de taxi marseillais se sont, ces derniers jours, illustrés par des agissements similaires. Un certain « Danny Taxi », professionnel dans la cité phocéenne, a posté plusieurs vidéos dans lesquelles lui et ses collègues « piègent » des conducteurs Uber. Sur l’une d’elles, après avoir commandé une course en se faisant passer pour des clients, ils encerclent et dégonflent les pneus de la voiture d’un malheureux chauffeur. L’homme est ensuite tiré de son véhicule, se fait insulter et reçoit un œuf sur la tête. « C’est que le premier. On en a chopé trois dont un sous contrôle judiciaire avec le bracelet à la cheville. Bilan : trois voitures en fourrière, mais aujourd’hui on a été cool. On va continuer et demain on risque de monter d’un cran », commentait Danny.
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Si cet harcèlement à l’encontre de simples conducteurs peut sembler de très mauvais goût, la société Uber – qui prétendait en décembre dernier être évaluée à 40 milliards de dollars –, son dirigeant Travis Kalanick – remarqué pour ses saillies sexistes –, et ses cadres n’ont eux aussi cessé de s’illustrer par leurs pratiques exécrables.
Quand Uber prend ses conductrices pour des putes
En octobre dernier, Uber France a lancé à Lyon un partenariat avec l’application « Avions de chasse », qui sélectionne chaque jour des images de femmes dévêtues. L’opération promettait à des clients d’être pris en charge par des mannequins amateurs. « Passer votre brevet d’officier a toujours été un rêve ? Avions de chasse et Uber vous proposent, le temps d’un trajet, de devenir le co-pilote le plus chanceux de Lyon. Uber a sélectionné les meilleures pilotes lyonnaises pour vous conduire… oui oui vous avez bien lu, les meilleurEs ! », promettait la publicité, dans un sexisme décomplexé. « Qui a dit que les femmes ne savaient pas conduire ? », concluait l’offre. Une vidéo montrant des décolletés plongeants venait rajouter encore un peu de grossièreté à l’opération, faisant plus penser à un service d’escort que de VTC.
Suite à la polémique déclenchée, l’opération a finalement été annulée. Elle mettait néanmoins en avant un point : le dédain qu’à Uber pour la sécurité des femmes qui voyagent ou qui conduisent via son service.
Uber et les agressions sexuelles dans ses voitures
Récemment, en France et aux États-Unis, des clientes Uber se sont plaintes d’avoir été victimes de harcèlement téléphonique de la part de chauffeurs indélicats. Si elles n’avaient pas donné leur numéro de téléphone à leurs conducteurs, ces derniers ont utilisé les informations qui leur avaient été confiées par Uber pour les contacter a posteriori. Certaines femmes ont expliqué sur Twitter avoir notamment reçu des messages du genre « Si vous n’arrivez pas à dormir, je peux vous aider », « J’arrive ma puce », « J’ai une sucette », « C’est possible qu’on se revoie ? Lool ».
Si l’entreprise a réagi en expliquant avoir « interdit aux chauffeurs de contacter un utilisateur après le transport et que tout manquement à la charte de qualité, et a fortiori à la loi, entraîne une suspension immédiate, puis définitive si l’incident s’avère confirmé », rien de plus n’a été fait afin d’empêcher des agissements similaires.
Quelques jours après la révélation de ces faits, une femme était d’ailleurs victime d’agression sexuelle dans un véhicule Uber, dans le VIIIème arrondissement de Paris. Si le prévenu était inconnu des services de police pour de tels actes, il s’était déjà fait remarquer pour conduite sans permis.
Des faits similaires auraient eu lieu à New Delhi, Boston et Melbourne. Dans des propos rapportés par l’AFP, Deepak Mishra, responsable de la police de New Delhi, accusait Uber de ne pas avoir vérifié le passé du chauffeur indien – qui venait de sortir de prison après avoir été acquitté dans une autre affaire de viol – et de ne pas avoir installé de GPS dans sa voiture.
Uber et les 50 000 vétérans
En septembre 2014 aux États-Unis, la société a lancé UberMilitary, une campagne qui visait à embaucher 50 000 vétérans, soit un quart des anciens soldats sans emploi des guerres d’Irak et d’Afghanistan. Si l’idée pouvait sembler louable, les « jobs » proposés par Uber ne faisaient pas rêver. « Uber promet un bon boulot, mais c’est en réalité très précaire, a expliqué une recrue au site The Verge. En aucun cas je conseillerais à d’autres vétérans une telle offre. »
Au final, UberMilitary semblait plus être une opération de communication qu’autre chose, et ce aux dépens d’une population vulnérable. Peu avant, Kalanick avait déclaré attendre avec impatience le moment où il pourrait se débarrasser « de l’autre type dans la voiture » (c’est-à-dire le conducteur) et de le remplacer par un robot – ce qui illustre bien à quel point la société n’a aucun égard pour ses chauffeurs.
Alors que Uber prétend que chacun de ses conducteurs gère sa propre PME, l’entreprise se réserve le droit de modifier ses conditions de paiement et la marge qu’elle en tire et de mettre fin à son contrat la liant avec certains « employés ». Par conséquent, certains chauffeurs de New York expliquent désormais gagner seulement 12 $ de l’heure en période de pointe et vivent avec le stress permanent de perdre leur seule source de revenus.
Uber et ses pratiques de vautour derrière son idéal « libertarien »
Non seulement coupable de concurrence déloyale vis à vis des chauffeurs professionnels ayant payé une licence au plein tarif et suivi une formation, Uber s’est illustré par son harcèlement envers ses concurrents.
Aux États-Unis, la société Lyft, concurrent direct de Uber, a accusé le géant californien d’avoir inondé d’appels sa centrale de réservations afin de passer commande, avant de finalement annuler la course. Selon Lyft, l’entreprise aurait eu à gérer 5 560 annulations émanants de 177 salariés de Uber. Peu avant, Gett, une autre société de VTC, aurait elle aussi été victime de pratiques similaires.
Suite à la polémique, Uber avait expliqué ne pas agir de la sorte afin de faire perdre du temps à ses concurrents, mais plutôt afin de débaucher leurs conducteurs, une fois leurs numéros récupérés. Une pratique jugée « tout à fait ordinaire » par Travis Kalanick.
Uber et l’espionnage de journalistes
Sans surprise, Uber a reçu énormément de critiques de la part des médias. L’une des plus ferventes critiques est Sarah Lacy, responsable du site PandoDaily. Dans un article très partagé publié en octobre dernier, Lacy expliquait vouloir supprimer son compte Uber car le site faisait la promotion d’une « culture beauf, sexiste et misogyne ».
Suite au succès de cette tribune, Emil Michael, vice-président de Uber, expliquait quelques semaines plus tard lors d’un diner mondain qu’il serait « judicieux » d’embaucher une équipe d’enquêteurs privés afin d’espionner certains journalistes en se « penchant sur leurs proches et leur vie privée ».
Kalanick a aussitôt tenté de prendre de la distance avec les propos de son collègue en publiant des excuses au nom de sa société sur Twitter. « Les commentaires de Emil lors de la soirée sont terribles et ne représentent pas la compagnie », a-t-il expliqué. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour regagner la confiance des gens », concluait-il.