Ernée est un petit bout de paradis

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Ernée est un petit bout de paradis

Ennui, stations-service et piquette : le quotidien dans une ville de Mayenne où il n'y a absolument rien à moins de 30 minutes.

J'ai vécu pendant 10 ans à Ernée, une petite ville de 6 000 habitants située entre Rennes et Le Mans, où il n'y a absolument rien à moins de 30 minutes. C'est une ville qui se vide de ses commerces au fil des années, et que j'ai choisi de quitter pour Paris parce que j'en avais marre de vivre dans un coin paumé. La plupart de mes amis ernéens sont au chômage, d'autres encore à l'école, tandis que certains bossent dans des usines pour fuir dans une ville voisine.

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Il n'y a pas vraiment de coutume ici, hormis la fête de la musique et les tournois de foot. Le soir, on ne faisait pas grand-chose. À l'âge de 14 ans, on passait notre temps à fumer des joints et à boire du rosé à un euro la bouteille dans le bourg, souvent jusqu'à vomir. On faisait des roues arrière sur nos scooters avant de rentrer se coucher, tard dans la nuit. En outre, voir des filles constituait une de nos occupations préférées. Il y avait des filles très jolies dans le village, qu'on croisait à la pizzeria du coin ou au supermarché. Mais elles avaient tendance à se faire chier quand on passait l'intégralité de nos soirées à nous débiliser sur fond de musique.

Un jour de pluie, j'ai rencontré Artus, un artiste qui avait une grande maison de campagne remplie de peintures, de photos et de bouquins – il avait même une rampe de skate dans son garage. C'est lui qui m'a donné envie de documenter la vie à Ernée en me montrant les livres qu'il avait dans sa bibliothèque, et qui m'a fait comprendre que la vie pouvait être différente ailleurs en me parlant de ses voyages et expériences diverses. Je suis venu lui rendre visite à Paris, ce qui m'a donné envie d'y rester. Pour ce faire, j'ai trouvé des petits boulots –j'ai d'abord distribué des flyers pour des salons de strip-tease et j'ai même passé un casting pour jouer dans le film Love de Gaspar Noé, même si ça n'a pas marché. Ça me paraît encore fou d'être entré comme ça dans un milieu que je ne connaissais pas du tout, avec mes racines ernéennes bien ancrées malgré moi.

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Malgré l'ennui qui caractérise cette ville, j'adore y revenir. J'aime bien profiter de mes potes, du calme, de ce mélange de lenteur, de confort et d'insouciance que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Quelque part ici on est hors du temps, hors de la vie qui va vite. On prend le temps de rêver, de rien faire, de se laisser porter. Ernée fera toujours partie de moi.

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