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Culture

Mommy est le seul DVD que vous devriez éviter à tout prix ce mois-ci

En revanche pour ceux qui veulent voir des trucs bien, il y a Mange Tes Morts, Le Solitaire et John Wick.

Antonin et Étienne sont les fondateurs et présentateurs du Cinéma est mort, la meilleure émission de cinéma sur les radios françaises, diffusée sur Canal B. Ils parleront chaque mois sur VICE.com des sorties DVD et Blu-Ray qu'ils adorent et des sorties DVD et Blu-Ray qu'c'est pas la peine.

MOMMY
Réalisateur : Xavier Dolan
Éditeur : Pyramide, sortie le 18 mars 2015

À chaque sortie d'un film de Dolan, j'essaie de faire abstraction du bruit qu'il y a autour (la jeunesse, le génie, la productivité, etc.) ainsi que de l'image que ce type renvoie au fil des interviews (le jeune-artiste-à-fleur-de-peau-qui-croque-la-vie-à pleines-dents). À chaque fois c'est un échec. Si ses films étaient neurasthéniques et froids, ça serait déjà plus pratique, mais en fait ils lui ressemblent tellement – chichiteux, coquets, plein d'une sorte de vitalité poseuse, dépourvu de mystère – qu'au mieux ça m'ennuie, et qu'au pire ça m'indispose.

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Mommy n'a rien changé à l'affaire. Mon cœur de pierre n'aura répondu à aucune de ses nombreuses injonctions à l'émotion forte, et celles-ci m'auront par endroits cruellement gêné. Me voilà donc pour Dolan, du côté de la travailleuse sociale dubitative à qui l'héroïne décoche son fameux « les sceptiques seront confondus ! » Selon Dolan, si on n'est pas conquis par le film, il nous range chez les tièdes, les petits-bourgeois, le mari de la voisine, la caissière outrée du supermarché, les méchants clients moqueurs du bar, bref, tous ceux qui se lèvent pas sur la table en déclamant Capitaine, mon capitaine quand Robin Williams est puni par les vilains bureaucrates.

Car en fait, ce qui est assez malhonnête dans le film, c'est la façon discrète mais primordiale qu'a Dolan de peindre tout ce qui est extérieur à ses personnages élus comme un repoussoir absolu. Chez Dolan, il y a la beauté des sentiments exacerbés, opposée à la tiédeur de la norme qui moque ou craint ses sentiments.

Et justement la répression normative si présente dans le Cinéma de Dolan à travers ses personnages de petits juges, n'est le plus souvent qu'une pure commodité dramaturgique, un cliché. Autrement dit, plus une façon de mettre tous ceux qui sont contre l'intolérance dans sa poche (ce qui fait un paquet de monde) que d'offrir un soi-disant « regard inédit » sur un monde qui n'offre pas leur place aux homosexuels, travestis, et autres grands romantiques.

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Dolan, lui, leur offre son cadre. Un cadre devenu tout petit dans Mommy mais qu'il agrandit à deux reprises pour alimenter le syndrome de Stockholm de ses spectateurs. Le reste du temps, c'est carré. Ce n'est pas un hommage au cinéma muet ni une façon d'être proche de ses personnages – c'est juste l'équivalent cinématographique des œillères.

MANGE TES MORTS
Réalisateur : Jean-Charles Hue
Éditeur : Capricci, sortie le 3 mars 2015

On se plaint souvent du déplorable état du Cinéma de genre français. On peut résumer le problème à la difficile négociation des metteurs en scène français de genre avec leur surmoi fan de Cinéma américain. En gros devant un film de genre français on a souvent l'impression d'être devant un film américain « suédé ». C'est au mieux touchant, souvent ridicule. D'autant plus ridicule que, comme le disait très bien Fabrice Du Weltz dans l'excellent documentaire sur le sujet Viande d'origine française, le problème des Français avec le genre c'est qu'alors qu'ils sont pétris d'admiration pour Evil Dead, ils ne peuvent faire autrement que de se comporter comme des Jacques Doillon vis-à-vis du film qu'ils veulent tourner. Pour un Français, faire un film sans prétention c'est impossible.

Or en 2014 est sorti de la frange la plus hardcore-art-et-essai de la production française Mange tes morts de Jean-Charles Hue, et c'est, à mes yeux, le film de genre local le plus réussi depuis longtemps. Un film qui arrive à faire fructifier toute la puissance d'archétypes propres aux films de genre (ceux du film noir et du western) tout en restant constamment incarné, vivant et jamais maniéré. C'est furieux, magnifique visuellement et, surtout, ça arrive à rendre romanesque des choses que l'on considère sans arrêt avec au minimum, un sourire en coin : des burns sur une départementale, des rixes au sortir d'une discothèque de périphérie, une escale dans un fast-food de ZAC, un barrage de gendarmes à képis. Autant de choses dont l'équivalent américain ne nous pose aucun problème. Mais voilà aux États-Unis, on parle par exemple de « white trash », ce qui dans son nom même, est déjà une promesse de fiction ; en France, c'est juste un « beauf », et c'est pour Groland, ou un JT de Jean-Pierre Pernaud. En tout cas, toujours pour de la comédie.

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Il y a des chances que la croyance fonctionne ici à plein du fait de l'origine communautaire des personnages (les Gitans) qui offre un terrain si vierge cinématographiquement que tous les archétypes mobilisés s'incarnent aisément. Et si je devais avoir une réserve à formuler à l'encontre du film ce serait justement qu'à aucun moment la puissance documentaire déployée par le cinéaste pour peindre cette communauté ne débouche sur quelque chose d'universel. On est, par exemple, à mille lieues d'un Cimino (l'une des références de Jean-Charles Hue) qui, lorsqu'il filme des communautés très précises dans ses chefs-d'œuvre, donnent toujours l'impression de parler de l'Amérique dans son entier. Ici, si on filme une communauté précise, on n'en sort jamais. Mais c'est peut-être la France qui a un problème.

THE TAINT
Réalisateur : Drew Bolduc
Éditeur : Elephant, sortie le 3 mars 2015

Suite à la découverte par un scientifique d'un produit destiné à affermir spectaculairement la virilité de la gent masculine, un industriel, dans un élan d'altruisme, décide de déverser ledit produit dans les réserves d'eau d'une bourgade américaine. Évidemment on est au Cinéma, et suivant la formule consacrée, rien ne se passe comme prévu. Tous les mecs deviennent alors furieusement misogynes et massacrent sauvagement toutes les nanas la bite à l'air, non sans leur avoir au préalable copieusement éjaculé sur la tronche.

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Un tel script, ça donne très envie. J'ai pourtant pas mal tardé à me coltiner le film, visible depuis 2011 en festival puis de façon plus ou moins légale sur les nombreuses autoroutes de l'information, et ce, malgré les conseils de potes de confiance. En fait ma fréquentation passée desdits festivals de Cinéma de genre m'a fait détester a priori ce genre de potacheries dont les courtmétragistes, tout content de leur cinéphilie et de leur maîtrise moisie d'After Effects, inondent la programmation.

Sa sortie en vidéo a fait tomber mes dernières réticences et je dois bien avouer que c'est effectivement le film débilo-gore le plus drôle que j'ai pu voir depuis Villemolle 81 de Winschluss et que ça rivalise sans problème avec Braindead, le mètre étalon du genre. Alors effectivement, comme toujours avec ce genre de films, c'est parfois un peu lourd, interprété grossièrement, et ça n'a aucune ambition. Mais le génie de The Taint c'est que c'est toujours TRÈS lourd, toujours interprété grossièrement, et que ça n'a aucune ambition autre que de faire le truc le plus jusqu'auboutiste dans le n'importe quoi. À voir avec des potes si vous en avez.

LE SOLITAIRE
Réalisateur : Michael Mann
Éditeur : Wild Side, sortie le 11 mars 2015

Ce mois-ci sort en salles Hacker, le nouveau film de Michael Mann – courez le voir. Si c'est bon, précipitez-vous sur cette édition vidéo du premier fleuron de son œuvre. Si c'est raté, faites pareil pour vous consoler. Et si vous ne voulez pas voir Hacker et que vous n'en avez rien à secouer de Michael Mann, vous n'avez pas de goût mais achetez cette édition vidéo quand même.

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C'est la plus belle collection de chez Wild Side, celle qui succède plus ou moins à la non moins excellente collection Classics Confidential, et ils pourraient ressortir Le Cercle des poètes disparus dessus que ça serait tout de même immanquable. Des superbes copies restaurées en DVD et Blu-ray, et surtout un bouquin en général passionnant au sujet du film. Et donc des éditions bien épaisses qui claquent dans votre dvdthèque et impressionneront tous vos invités. Sur Le Solitaire, c'est le récemment défunt Michael Henri Wilson qui s'y colle concernant le bouquin. Pas l'écrivain de Cinéma le plus passionnant de la galaxie (les meilleures éditions de cette collection sont celles où le génie de Philippe Garnier, est mis à contribution) mais très bon intervieweur, comme il le prouve encore une fois ici avec Mann qu'on a rarement vu aussi loquace.

Je ne vais pas trop m'étendre sur le film. C'est l'un des meilleurs films de Michael Mann, donc l'un des meilleurs films du monde, et pour l'anecdote, Nicolas Winding Refn a pompé une bonne partie de son Drive, ce qui ne serait pas très grave en soi si jamais Drive était réussi.

JOHN WICK
Réalisateur : Chad Stahelski et David Leitch
Éditeur : Metropolitan, sortie le 4 mars 2015

À l'instar du pigeon, le chien est un animal nuisible qui, comme l'enfant, ne se mange pas en Occident. Le cinéma a, de façon exceptionnelle, réussi à aborder sa risible nature, sa bêtise et son danger (souvent dus à ceux de son maître). Les Chiens d'Alain Jessua, Baxter de Jérôme Boivin ou l'incroyable White Dog de Samuel Fuller. Ceci n'est rien évidemment comparé au nombre incalculable de films qui en font un compagnon fidèle, pour lequel l'homme est prêt à mourir (je ne me suis toujours pas remis du sacrifice de Kevin Costner dans le dernier Superman). Quant à John Wick lui, il n'est là que pour venger la mort de son chiot – même si on essaie aussi de lui coller au cul le symbole d'un amour perdu dont je me serais bien passé.

C'est bel et bien sur une idée aussi conne que les deux anciens cascadeurs devenus réalisateurs se basent pour offrir l'excuse à Keanu Reeves de défourailler à tout va. Un peu à la manière de Commando – que le film cite explicitement par la simple présence de David Patrick Kelly que je n'avais plus revu depuis le merveilleux Dernier Recours de Walter Hill. Ce mec sera toujours pour moi la crapule jetée par Schwarzenegger depuis une falaise après l'une des punchlines les plus connes du film de Mark L. Lester et donc de l'histoire du Cinéma : « J'avais promis que je te tuerais le dernier… J'ai menti. »

Si John Wick n'est pas aussi radical dans le n'importe quoi, il parvient malgré tout à ranimer cette flamme,peut-être heureusement éteinte, du cinéma d'action de la fin des années Reagan. Plus grotesque que hard-boiled donc, mais qui procure malgré tout un certain plaisir, et convoque en prime des acteurs rescapés de The Wire, et même Willem Dafoe. Ça n'en fait pas pour autant un grand flim d'action, mais ça réchauffe un peu les soirées d'hiver.

Les mecs du Cinéma est mort sont sur Twitter