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Entrevue avec la militante FEMEN qui a manifesté au bureau de scrutin de Trump

Neda Topaloski espère que l'élection d'un homme qu'elle traite de fasciste va entraîner une révolution féministe.
La militante FEMEN Neda Topaloski est interceptée par un agent de sécurité au bureau de scrutin de Manhattan où Donald Trump allait voter. Photo : Darren Ornitz, Reuters

Dès le lendemain de l'élection, des manifestations contre les politiques de Donald Trump ont éclaté dans des grandes villes américaines. FEMEN n'avait pour sa part pas attendu les résultats pour faire entendre sa voix, choisissant plutôt de faire acte de présence au bureau de scrutin de Trump le jour du vote. À la toute fin d'une interminable campagne caractérisée par un feu roulant d'inepties et d'incidents troublants, l'arrivée de deux femmes qui s'époumonaient seins nus a paru presque banale.

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Bien que cette manifestation organisée par une membre canadienne du groupe féministe ait fait la une dans le monde, l'incident a été traité avec une quasi-indifférence, peut-être parce qu'il ne manquait plus que ça pour boucler une campagne présidentielle carrément démente.

On a parlé à Neda Topaloski le jour après son coup d'éclat pour lui parler des résultats et comprendre comment ils pourraient donner un coup de pouce au mouvement féministe.

VICE : Qu'est-ce qui vous a motivé à aller manifester contre Trump à New York?
Neda Topaloski : FEMEN voulait manifester contre ses politiques discriminatoires envers les femmes et les minorités, contre ses politiques fascistes et nationalistes qui font la promotion de la haine et de la peur. Si ses idées à lui sont populaires, nos idées féministes égalitaires le sont aussi. On voulait le confronter dans les lieux où il allait venir voter.

Là, Trump est élu, et j'espère que les Américains vont militer et se faire entendre. J'espère que les féministes, les libéraux et les gens qui sont vraiment déçus par cette élection et qui ont peur de ce qui va arriver passeront les quatre prochaines années à faire entendre leurs voix, leurs idées et leurs valeurs. Il faut éduquer les gens et revoir ce qu'est une démocratie.

Jordan Robson, la fondatrice de FEMEN USA. Photo : Darren Ornitz, Reuters

En quoi Trump est-il une menace pour les femmes?
Il s'est prononcé contre l'avortement, il a des points de vue rétrogrades en général, il est macho et sexiste. Trump se permet d'insulter les femmes avec des propos violents comme « grab them by the pussy». Il perpétue une culture patriarcale qu'on pensait dépassée en 2016 aux États-Unis. Pour les droits des femmes, il est un danger, mais il veut aussi expulser les sans-papiers. Il a des préjugés contre les Mexicains et veut bannir les musulmans, il fait la promotion de politiques de discrimination et de division.

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FEMEN est contre l'extrême droite, les fascistes et les dictateurs, et ça fait plusieurs fois qu'on manifeste en Europe contre des régimes dictatoriaux et les nouveaux partis fascistes qui connaissent une renaissance comme le Front national. C'était important pour nous de faire un statement contre Trump parce que c'est exactement la même chose : il est un fasciste moderne un peu dilué.

FEMEN utilise la provocation pour véhiculer son message, mais après une campagne électorale aussi sensationnaliste, est-ce que vous avez senti que le public a été moins choqué par votre geste?
Au contraire, devant un homme qui est aussi transparent avec ses idées d'inégalité, la meilleure réponse est d'être transparente et de le confronter avec son genre de langage. Je pense que les Américains ont été trop prudes durant cette campagne électorale pour le dénoncer. Dans les médias mainstream, il y a eu beaucoup de retenue. S'ils avaient parlé de ses politiques comme des idées fascistes, on n'en serait pas là aujourd'hui. FEMEN est allé dire notre vérité sans retenue, sans la mâcher pour la rendre plus sweet. On est allées là-bas dans l'esprit de dire, « you wanna grab them by the pussy, well the pussy will grab back ».

Avez-vous été détenues?
En fait, les policiers du NYPD ont été super gentils avec nous, très respectueux, contrairement à ce qu'on a entendu dire sur les policiers américains dans la dernière année. On a été détenues quelques heures, mais on nous a seulement donné une citation à comparaître pour une infraction municipale - pas d'accusations criminelles. Cela démontre qu'on manifestait dans un pays où la liberté d'opinion est respectée, contrairement à la façon que cette sorte de manif aurait pu être interprétée en Tunisie ou en Russie, même au Canada.

Au Québec, au Grand Prix l'année passée, les gardiens de sécurité avaient étés vraiment violents. Quand j'étais seule et nue avec cinq policiers, un agent m'a dit : « La prochaine fois, tu utiliseras de la peinture mangeable. » Mais hier, un des policiers m'a dit: « Tu sais, je respecte les gens qui prennent des risques pour leurs idées. » Venant d'un policier, ça m'a fait chaud au coeur. Mais je sais que Manhattan est une exception aux États-Unis et je pense que le jour du vote, les enjeux de sécurité étaient tellement grands qu'ils avaient d'autres chats à fouetter.

Malgré une grande présence en Europe, FEMEN n'existe pas encore aux États-Unis. Est-ce que cette élection va catalyser la création du groupe?
FEMEN USA est en train de naître au moment où l'on se parle. Le coup d'envoi a été donné mardi. Il y a une leader de FEMEN USA depuis quelques mois. Jordan Robson était avec moi hier, et c'est elle qui fonde le mouvement ici. À partir de là, ça va décoller comme ça décolle partout. La victoire de Trump est perçue comme une défaite, la fin de quelque chose, mais je crois qu'on peut aussi la voir comme le début d'une renaissance féministe et libérale aux États-Unis.

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