La fascination qu’éprouve l’homme pour les animaux est sans limite. Vous êtes déjà allé sur Internet ? Saviez-vous que vous pouviez trouver plus de 225 000 vidéos de petits faons sur YouTube ? Ce sentiment indéfinissable pour les animaux existera toujours et nous nous poserons pendant encore très longtemps des questions comme : « Est-il possible de communiquer avec les dauphins ? » et « Pourquoi les béliers ont-ils toujours cet air bourru et renfrogné ? »
Mais notre relation avec la vie sauvage peut avoir des aspects bien plus sombres. Alors que certains jettent des chatons à la poubelle, d’autres décorent leur maison avec des cadavres d’animaux en voie d’extinction.
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Une étude récemment publiée par le Fonds international pour la protection des animaux a estimé à 33 000 le nombre d’animaux protégés actuellement en vente sur Internet. Selon l’organisation, la France serait le troisième pays en terme d’annonces publicitaires pour ce commerce illégal.
Le plus grand nombre de ces pubs répugnantes concerne la contrebande d’ivoire – certes abjecte, mais pas très originale et un peu chiante. Une défense d’éléphant ne vous fera pas un gros câlin quand vous rentrerez chez vous après le travail et ne vous apportera rien une fois achetée. Pire, vos amis vous mépriseront et vous jugeront pour avoir directement participé à ce massacre cruel et inutile, qui prouve une fois de plus que l’homme est la pire chose qui soit arrivée à la planète.
Si l’on se fie à plusieurs sites Internet, il est possible d’y acheter des chimpanzés, des tigres, des orang-outans, des ours et des gorilles dressés pour aller aux toilettes. Il est évidemment illégal de posséder de tels animaux en France et en Angleterre. Personnellement, je n’ai toujours pas compris pourquoi certains voulaient un chimpanzé en guise d’animal de compagnie. Tous les documentaires que j’ai pu voir sur le sujet se terminaient de la même façon, et ce n’est pas la conclusion que promettaient ces annonces : du sang, des larmes et un coup de fil à la SPA.
J’ai voulu savoir s’il était vraiment si facile de se faire livrer un chimpanzé à Londres. L’étude du FIPA précisait que ces annonces se trouvaient sur des sites facilement accessibles. J’ai donc ouvert mon navigateur Internet.
Le premier site qui paraissait prometteur s’appelait Babieschimpanzee. J’avais l’impression de me trouver sur la page MySpace d’un militant de PETA, si l’on omettait tout le côté « singes à vendre ». J’y ai appris tout ce qu’il fallait pour élever un singe convenablement : « Devenez ami avec votre chimpanzé en lui parlant d’une voix apaisée. Répétez régulièrement son nom : Sandra, Sandra, SANDRA. »
Je me suis imaginé les échanges que nous pourrions avoir : « Bonjour Sandra. Pourquoi tu me regardes comme ça ? Non, ne monte pas sur la tête de papa. Vire tes pouces de mes yeux. Putain, dégage SANDRA. »
Malheureusement, ce site ne m’a absolument pas aidé à comprendre ce business. Bien que l’on y trouve les coordonnées de ses propriétaires sur six pages différentes, aucun de mes nombreux mails n’a reçu de réponse. De plus, cette source soi-disant sérieuse identifiait les chimpanzés à de petits singes inoffensifs, alors que cette espèce fait partie des grands singes et peut être très agressive. Passons donc au site suivant.
Mercattel est un site espagnol qui se présente comme un catalogue de petites annonces. Il semble encore moins sérieux que Babieschimpanzee, ce qui est déjà une véritable prouesse.
Le site recense des annonces pour un nombre incalculable de choses. On y trouve des « cliniques légales d’avortements », un mec qui peut jeter des sorts pour vous faire gagner à la « lottorie » et, même si je n’ai aucune idée de ce que ça peut bien être, le « super anneau magique et merveilleux ». J’ai donc pensé que j’étais au bon endroit pour me procurer illégalement un chimpanzé.
La section animale de Mercattel était très fournie : on y trouvait notamment des escargots africains (ceux-là même qui dévorent votre maison et peuvent vous transmettre la méningite) et des aigles royaux. Vu que je recherchais une bestiole un peu plus poilue, j’ai cliqué sur la page « monkeys » et je suis tombé sur ceci :
Cette annonce comblait toutes mes attentes. Qui ne voudrait pas d’un animal de compagnie « presque humain » qui, selon l’annonce, ne réclame que très peu de soins ? Si je pars en vacances, mon nouveau colocataire se débrouillerait apparemment tout seul, survivant de sucettes et d’autres mets dont je me nourris moi aussi. En plus de ça, le vendeur promettait en cadeau une cage, un collier de cuir et un guide pour m’occuper de mon nouveau chimpanzé.
Mais, malgré la garantie qu’il me soit « livré en pleine forme », j’ai appris en contactant le vendeur que je devais me rendre au Koweit pour récupérer mon singe. J’ai trouvé toute cette affaire bien trop compliquée. Non seulement je devais cracher du pognon pour le voyage, mais aussi prendre le risque de faire passer un chimpanzé à la douane. En y réfléchissant à deux fois, je me suis dit que le planquer au fond de mon sac, sous mes chaussettes et mes caleçons, n’était pas la bonne méthode. J’ai donc rejeté cette offre.
J’étais désespéré. Si un mec avec une chemise ridicule réussissait à faire atterrir une fusée sur un caillou au beau milieu de l’espace, était-ce si difficile pour un homme dont le T-shirt était constellé de tâches d’oeuf de se faire livrer son propre primate directement chez lui ?
J’ai commencé à étendre mes recherches et je suis tombé sur le site Global-free-classified-ads. Sous le pseudonyme « Dr Zaius », j’ai envoyé des mails à tous les vendeurs qui me promettaient un chimpanzé. J’ai même écrit au mec qui a posté cette étrange image :
Très vite, une vendeuse nommée Rose m’a contacté. Elle disait pouvoir m’envoyer deux marmousets. Si je ne cherchais pas spécialement cette espèce de singe – il est légal de posséder des marmousets au Royaume-Uni, ce qui enlèvait tout le fun du projet –, j’étais lassé de parcourir pendant des heures tous les sites imaginables. J’ai donc accepté son offre.
Première bonne nouvelle : Rose ne réclamait même pas d’argent pour se débarrasser de ses marmousets. Elle souhaitait juste que je lui garantisse que ma famille et moi prendrions soin de ses « bébés ». Bizarrement, elle n’a pas réagi quand je lui ai précisé que je vivais seul et que je voulais un singe « pour le plaisir et pour garder ma maison ».
Après m’avoir communiqué leurs noms (Danny et Melly), Rose est revenue à l’essentiel. Tout ce dont elle avait besoin – à part la promesse déjà reniée de bien m’en occuper – c’était 415£ (520€) via Western Union pour couvrir les frais de transport. Je devais les envoyer à son fils, Leroy McGahee, prêtre de son état. Le deal me paraissait correct.
Il ne me restait plus qu’à vérifier que Danny et Melly étaient aussi mignons et en bonne santé que Rose le prétendait. Et surtout, je devais m’assurer qu’ils étaient bien réels. Je suis peut-être assez con pour chercher à me procurer deux marmousets sur Internet, mais pas encore assez pour filer un mois de loyer à un étranger sans véritable garantie, même s’il s’agit d’un curé.
Je lui ai donc demandé de m’envoyer une photo des deux singes, avec une pancarte sur laquelle il serait écrit « Dr Zaius ». Étrangement, Rose était réticente à cette idée. Elle m’a d’abord expliqué que Danny et Melly étaient en compagnie de son fils et que celui-ci ne pouvait pas les prendre en photo. Puis elle m’a expliqué qu’elle était trop occupée par son travail pour satisfaire ma demande.
Rose m’a même précisé qu’elle n’avait plus le temps de nourrir ses « bébés singes ». Je m’en suis inquiété : si elle ne pouvait même plus leur donner à bouffer, dans quel état arriveraient-ils chez moi ? Je l’ai menacée de la balancer à la SPA si elle ne m’envoyait pas de photo.
Quelques instants plus tard, je recevais ceci :
Je ne savais pas si je devais en rire, me sentir insulté ou être fier de l’avoir contrainte à se dévoiler. Cette photo était un véritable affront à mon intelligence. En imaginant Rose, assise dans un café Internet, des dollars plein les yeux et occupée à faire son montage sur MS Paint, j’étais pleinement récompensé de mes vains efforts. J’ai remercié Rose pour cette magnifique photo, mais en lui avouant que j’avais changé d’avis. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles.
Qu’ai-je appris durant cette exploration de sites dédiés au commerce d’animaux sauvages ?
D’abord, qu’Internet manque clairement de web designers sans scrupule et talentueux, puis que ces petites bêtes ne sont finalement pas si facile à acquérir. Qu’on ait tenté de m’escroquer est un signe plutôt encourageant : si une de ces 33 000 annonces était bidon, il est très probable que beaucoup d’autres soient du même acabit. La contrebande d’animaux en voie d’extinction est donc peut-être moins importante que je l’avais auparavant imaginée.
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