Trey Parker, l’implacable vérité

Voici le tout premier papier de L’implacable vérité, notre nouvelle colonne qui loue et dénigre l’existence de ceux qui ont contribué à façonner la vôtre. 

Quand il y a 15 ans, vous êtes tombé sur 4 bonhommes mal animés en train d’interviewer une crotte de Noël, vous étiez loin d’imaginer que le mec à l’origine de cette scène douteuse allait devenir le maître incontesté de la culture populaire de ce nouveau millénaire. L’homme qui se cache derrière l’étron culturel le plus pertinent du monde est aujourd’hui une sorte de monolithe de la comédie qui possède sa société de production et ses propres studios, Important Studios.

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Alors que Le Livre de Mormon connaît un succès fou à Broadway – et brasserait plus de 19 millions de dollars par mois grâce à ses quatre franchises –, il est temps pour nous de nous intéresser un peu à Trey Parker. Il y a une tripotée de trucs à savoir sur lui.

Nom : Trey Parker
Date de naissance : 19 octobre 1969 à Denver, dans le Colorado
Rôles : Comédien, réalisateur, producteur à succès, musicien de supermarché
Succès notables : Cannibal! The Musical (comédie musicale, 1993), South Park (série télé de 1997 à aujourd’hui), Team America: police du monde (film, 2004), Le Livre de Mormon (comédie musicale, de 2011 à aujourd’hui).

JEUNE DÉJÀ, IL ANNONÇAIT LA COULEUR
Parker a fait ses premiers pas dans l’entertainment à l’âge de 11 ans, lors de la kermesse des nouveaux talents de son école. Il avait intitulé sa prestation Le Dentiste : « Je jouais le dentiste et mon pote le patient », a t-il expliqué à David Letterman, des années plus tard. « C’était genre : Comment un rendez-vous chez le dentiste peut mal tourner. » Je me souviens juste qu’on n’avait pas lésiné sur le faux sang. Et puis la tête du patient a explosé. L’école a appelé mes parents ; ils étaient furieux. Les gosses étaient choqués, ils pleuraient.

SI VOUS VOUS APPELIEZ RANDOLPH SEVERN PARKER III, VOUS AUSSI SERIEZ UN PEU NIHILISTE
Même s’il s’est fait appeler Trey. C’est le diminutif de « trois », apparemment.

IL N’HÉSITE PAS À PIOCHER DANS SA PROPRE VIE
Randy, Sharon et Shelley sont les prénoms des membres de la famille de Stan Marsh dans South Park, mais ce sont aussi les noms des proches de Trey dans la vraie vie. Sa vraie sœur, Shelly, avait pour habitude de le frapper. (« L’heure de la vengeance a sonné. ») Son père est un vrai géologue. Quant à sa mère, elle « ressemblait plutôt à la mère de Cartman, à la différence qu’elle ne se prostituait pas ».

Il doit le nom de la mère de Cartman, « Liane », à son ex fiancée, de qui il s’est séparé après qu’elle l’a trompé avec un choriste. (Elle a aussi donné son nom au cheval dans Cannibal! The Musical.) Eric Cartman lui, est plus allégorique que biographique. Il est d’après Parker, « le déchet que nous sommes tous, au fond. »

C’EST UNE MACHINE À DÉGRAISSER
Le plus amusant dans le documentaire 6 Days To Air (où on assiste au making-of de la série), c’est l’attitude « Jérémie le prophète » de Trey. Trey est le Kurt Cobain de la comédie, une fillette qui passe le plus clair de son temps à pleurnicher sur son propre sort. « C’est le pire épisode qu’on ait jamais fait », a-t-il conclu alors qu’ils venaient de parachever un épisode de la 15ème saison, « The Human CentiPad », qui est d’ailleurs plutôt cool.

« Sérieux ? Mais il dit ça chaque semaine », a souligné Anne Garefino, la productrice déléguée de South Park. Mais ça prouve quelque chose : dans le monde de Parker, l’art ne relève pas du génie mais de l’élimination sans pitié de tout ce qui pue. En conséquence, sa façon de s’autoflageller en permanence est une manière de progresser. Parker et Stone ont pour habitude de tout reprendre à zéro trois jours avant que l’épisode qu’ils jugent merdique ne soit diffusé.

IL A BEAUCOUP DE SUCCÈS POUR UN MUSICIEN RATÉ
Lors de son mariage en 2006, Parker a « offert une sérénade à ses invités » avec quelques chansons de Neil Diamond. Mais il l’a fait de manière ingénieuse : pas comme un oligarque russe qui fait venir les Rolling Stones sur une île privée pour pouvoir chanter par-dessus. Trey est doté d’une sacrée paire de cordes vocales, est musicalement doué et adore le rock. Après tout, ça reste un type qui, à l’âge de 14 ans, a tenu le rôle de Danny dans le spectacle lycéen de Grease qu’il avait lui-même monté, qui a majoré en musique à l’université du Colorado et qui fait toujours partie d’un groupe avec Matt Stone et deux autres types – groupe répondant au doux nom de DVDA (« Double Vaginal Double Anal », comme vous pouviez vous en douter). Sous la direction de Parker, le groupe est à l’origine de la plupart des musiques du film et de la série : tout, de « Uncle Fucker » à « Gay Fish ».

Et pourtant, au fond de lui, Parker semble regretter la vie de musicien qu’il n’a jamais eue.En tant que rockeur frustré, quand il s’agit de parler de son association avec Matt Stone, il ressort toujours une métaphore de « groupe », du type : « On est comme Eddie Van Halen et David Lee Roth, explique t-il aux réalisateurs du documentaire 6 Days To Air. Tout le monde pense que le groupe doit à Eddie… Mais si Lee Roth venait à partir, on serait là “putain, j’écouterai plus jamais ce groupe”. »

IL NE RIGOLE PAS AVEC LES COMÉDIES MUSICALES
Attendez, ce n’est pas vraiment un parfait nihiliste. Le Livre de Mormon, ce n’est pas tant l’histoire de deux outsiders rebelles sans inhibitions qui décident de pulvériser un business plutôt bien établi. C’est surtout celle d’un homme qui doit cacher sa dévotion désespérée pour ce genre qu’est la comédie musicale en subvertissant quelque peu ses tropes. « Ma comédie musicale préférée ? Je n’en ai pas. Ça change tout le temps. Je suis assez conservateur, old school. S’ils reprogramment Oklahoma à New York, je serai le premier à m’y rendre. Vous savez quoi, en fait ? Je suis complètement cheesy. Par exemple, j’adore Les Misérables. Voilà, c’est dit, c’est enregistré. »

C’EST UN CONTROL FREAK
Même s’il a employé deux écrivains pour lui filer des coups de pouce en salle de réunion, c’est Parker lui-même qui scripte l’intégralité de chaque épisode. Et, même avec plus de 200 épisodes à son actif, il réalise chaque séquence. Ce monde paranoïaque dans lequel Stone et Parker semblent évoluer peut en partie s’expliquer par la lutte qu’ils ont dû mener dès le début avec Comedy Central pour pouvoir imposer leurs vues : « On n’a pas arrêté de se battre depuis la première saison, depuis l’épisode “Stan Has a Gay Dog”, a confié Stone en 2006. On s’est vraiment battus pour qu’ils comprennent notre sens de l’humour. » Et s’ils n’ont jamais arrêté de faire South Park,c’est précisément parce qu’aujourd’hui, ils peuvent le gérer en despotes : « Pourquoi abandonner un truc où t’es libre de faire ce que tu veux ? » souligne souvent Parker.

C’EST AUSSI UN TROU DU CUL DE PREMIÈRE EN TERMES DE DROIT MORAL SUR SES ŒUVRES
À quel point c’est un acharné quand il s’agit de direction artistique ? Grâce, en partie, à tout l’argent que génère Le Livre de Mormon, Parker et Stone ont réussi à récolter 300 millions de dollars pour créer Important Studios, en plus de 60 millions de dollars provenant d’investisseurs. Un tas de mecs créent leur société de production pour avoir plus de liberté artistique. Mais avoir son propre studio ? C’est du jamais vu. Pour commencer, ce studio servira à s’assurer que lorsque Le Livre de Mormon deviendra un long métrage, ils n’auront pas à se préoccuper de ce qu’Harvey Weinstein pense de la scène d’obstruction rectale due à une indigestion de textes religieux. 

ALLEZ-Y, PENSEZ À UN TRUC VIL. DÉSOLÉ, TREY A PENSÉ À ENCORE PLUS VIL.
Quand un journaliste paresseux veut aborder South Park, c’est toujours la même question qu’il pose en premier : « Y a-t-il un sujet tabou que vous n’aborderez jamais ? » à laquelle Parker, soudain saisi d’un mortel ennui, répond toujours : « Euh… nan. » Stone et Parker se sont sûrement aventurés plus en profondeur dans les limbes du tabou que quiconque sur cette Terre – et pas seulement par le biais de South Park. Non, Terry Schiavo, Jésus, le vagin armé de Oprah et les fœtus siamois, tout ça, ce ne sont que des futilités. Ils ont été bien plus loin avec leur show animé en Flash, Princess, dont vous n’avez sûrement jamais entendu parler puisqu’il a été créé au moment où Comedy Central a pris sa voix la plus stridente pour dire « là, ça suffit ». La série a été annulée après seulement deux épisodes – dans lesquels on pouvait assister à un décès post-éjaculatoire et à une scène nécrophile entre une mère de famille morte et un jeune garçon.

« Si on a ce côté dictateur, c’est parce que quand vous allez aussi loin, si ce n’est pas bien fait, vous avez l’air d’un shithead, explique Parker. Que ce soit pour leLivre de Mormon ou pour un épisode de South Park, on travaille très dur pour que ce soit structuré, fondé, que ça ait un sens. On doit sans cesse le justifier quand on insère un truc drôle, pour que les gens ne croient pas que c’est gratuit. »

IL EST OBSÉDÉ PAR LES MORMONS
À l’époque où Matt et lui zonaient à Hollywood, dormaient sur des matelas mous et essayaient de connaître la gloire, ils ont créé Capitaine Orgazmo, leur premier gros projet l’histoire de gentils Mormons qui se retrouvent dans l’industrie du X à LA. Depuis, il a créé un merveilleux épisode de South Park sur l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, et a travaillé plus de quatre ans sur Le Livre de Mormon. Bien sûr, ses mormons sont d’adorables personnages : des phares qui tentent de redécouvrir le bien enfoui dans chacun, constamment dérangés par des idiots qui veulent écrabouiller leurs idéaux éthérés sous leurs pieds profanes. « On a grandi dans le Colorado, à la frontière de l’Utah, il y avait toujours des histoires sur les Mormons, se rappelle t-il. Ils font partie du folklore, ce sont des pionniers de l’Amérique. »

POLITIQUEMENT, C’EST UN LIBÉRAL ANTILIBÉRAL
Les Américains sont incapables de voir la politique autrement que d’une façon binaire, avec la petite marionnette bleue et la petite marionnette rouge qui s’agitent devant le drapeau étoilé. Ils n’ont donc, logiquement, aucune idée d’où se situent politiquement Trey et Matt. Pour un show qui est considéré comme « une satire » entièrement fondée sur le droit qu’alloue le Premier Amendement de dépeindre Jésus et Mahomet se sodomisant gaiement, South Park n’est pas si démocrate que ça. Pas comme l’est, disons, Jon Stewart. En 2001, Andrew Sullivan a utilisé l’expression « républicains South Park » pour décrire la manière dont la série tend à engrener ce qu’il voit comme une nouvelle vague de jeunes gens centre-droit et anti-tout qui détestent les fanatiques religieux mais qui veulent aussi que le gouvernement leur foute la paix. D’autres ont même écrit un livre : South Park Conservatives.

« On est la seule la seule série télé qui critique Rob Reiner, les hippies et la loi antitabac, alors on nous a collé une étiquette », explique Parler. Par le passé, il a été encarté au parti libertarien. Stone a de bonnes catchlines pour expliciter leur position politique : « Je déteste les conservateurs. Mais je hais les libéraux. » Il raisonne ainsi : « J’imagine qu’on croit que les gens naissent mauvais et que la société fait d’eux de meilleures personnes. Je l’admets, c’est une manière assez conservatrice de voir les choses. »

IL EST PLUS RICHE QUE DIEU
Jay-Z ? C’est un amateur sans le sou. Pas comme Parker et Stone. En 2008, South Park rapportait déjà 34 millions de dollars en recettes publicitaires, pour une seule saison. En 2004, les droits de diffusion leurs ont rapporté 100 millions de dollars. Considérez que le duo a été assez intelligent pour négocier 50 % des droits sur tout le numérique quand ils ont signé avec Comedy Central, et multipliez ces revenus de l’ère pré-streaming par ce qu’ils traient d’Itunes, de Netflix, etc. Ajoutez à ça le fait que Livre de Mormon – sur lequel Trey et Parker disposent de tous les droits – brasse, grâce à ses quatre franchises, plus de 19 millions de dollars par mois selon le magazine Forbes. Et le merchandising ? Mes frères, je n’ai même pas encore abordé le sujet du merchandising. Pour résumer le tout, voici un aperçu de la maison de vacances que Matt et Trey se sont fait construire.

L’ARGENT N’A PAS FAIT SON BONHEUR MAIS UNE STRIPTEASEUSE Y A CONTRIBUÉ
Qu’est-ce qu’un homme peut bien faire de toute cette oseille ? Divorcer est un bon moyen d’en écouler une partie, et Parker l’a fait en 2010 après avoir renié son mariage de 4 ans avec Emma Sugiyama, une socialite japonaise, en s’octroyant une crise de la quarantaine avec Boogie Tillmon, une stripteaseuse américaine. D’ailleurs, s’il ne s’accorde que quelques visites en avion sur le plateau du Livre de Mormon à Londres, c’est parce qu’il préfère rester aux États-Unis pour veiller sur le gosse qu’il a planté dans l’utérus de Boogie. Trey a souvent prophétisé qu’avoir un enfant le forcerait à tout plaquer, à s’assagir, à pondre une série à la Cosby Show et à oublier à quel point les gosses de 10 ans peuvent être cyniques et pourris de l’intérieur, mais on ne dirait pas qu’il a vraiment l’air de vouloir se ranger. Peut-être qu’il mangera son bébé, à la place ? Ça, ça serait controversé.

TREY PARKER EST UN PUTAIN DE HÉROS ET ON L’ADORE
Mais ça, vous le saviez déjà, non ?

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Illustrations de Marta Parszeniew : @MartaParszeniew

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