Société

Ce que vous faites chez vous en rentrant de soirée

« J’ai la chance d'être toujours de bonne humeur après une soirée, peut-être parce que je ne prends plus de drogues ni d'alcool. »
Marie Pilette
Brussels, BE
soirée boule disco

En règle générale, je dirais que je fais partie des gens aux tendances mélancoliques qui se perdent dans leurs pensées lorsqu’ils rentrent chez eux après une soirée. Le contraste brutal entre la frénésie d’une virée nocturne et le retour solitaire au bercail fait ressortir en moi toutes sortes de questions : Ai-je assez profité de ma soirée ? Est-ce que j’ai trop dépensé d’argent ?

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Tout en me demandant ça, ma fidèle insomnie me gagne et je me pose alors avec elle sur une des chaises de ma cuisine. Je mange deux ou trois amandes, j’allume une bougie et j'écris des poèmes (très Rimbaud, je sais). J’ai toujours eu la sensation qu'écrire sur papier permettait de filtrer certaines idées négatives ou inutiles. Je ne me retrouve jamais dans un état d'ébriété qui ne me permet plus de tenir debout et me force à me mettre tout de suite au lit. Mais je sais que la plupart de mes proches ont des rituels bien particuliers et différents des miens. J'en ai parlé avec des potes qui ont préféré ne partager que leur prénom ou témoigner sous un pseudonyme pour des raisons de respect de leur vie privée.

Nina (23 ans), Suisse

La première chose que je fais en rentrant de soirée, c’est me poser un petit coup. J’essaye d’écouter mon corps, savoir de quoi il a besoin. Je me fais souvent un snack, puis je me masturbe. Ça m’aide à faire redescendre l’alcool et dormir sans avoir la tête qui tourne. Je suis souvent assez introspective après une soirée. Généralement, j’essaie de réfléchir aux différentes interactions que j’ai eues. Je panique d’en avoir trop dit, de m’être trop dévoilée ou de pas avoir su assez écouter mes potes. L’alcool et la weed peuvent parfois faire ressortir des parties de moi que j’apprécie pas forcément et amener des conversations que j’aurais pas forcément eues sobre.

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Je déteste rentrer seule de soirée, j'ai l’impression que ces moments d’introspection quand je suis enivrée n’amènent pas à des choses très positives. J’essaie de rester en contrôle un maximum parce que j’ai de plus en plus de pensées parasites. J’essaie de prendre soin de moi dans ces situations, histoire de pas faire divaguer mon esprit dans des recoins trop sombres, de rééquilibrer la balance et de me gérer au maximum pour avoir un ratio fun/regrets qui me convient. En grandissant, je me sens aussi beaucoup plus apaisée avec une partie de moi qui était constamment à la recherche des limites. Petit à petit, j’appréhende ces moments de relâchement avec plus de calme et moins de lâcher prise extrême.

Gia (25 ans), Milan

Qu’il soit minuit ou 6 heures du matin, j'ai besoin de chips. Je mange et j’ouvre Grindr à la recherche de sexe. Je sais pas si c'est parce que je suis excité ou si j'ai juste besoin d’une forme d’attention que j’ai peut-être pas eue en boîte. Je peux dire que c'est une routine. Même si je suis pas excité, je vais toujours sur l’app pour chercher quelqu'un, ou juste pour voir si un mec sexy est dans le coin. Ça m’arrive aussi de regarder des vidéos random dans la salle de bain. 

Je me fais aussi un petit debrief dans ma tête. Je me demande si j'ai passé un bon moment ou si j'ai fait semblant. Parfois on rit, on danse, on se fait plaisir et puis on se dit « Est-ce que je me suis vraiment amusé ? », tu vois ce que je veux dire ? Par exemple, parfois je ris d’un truc et je me dis que sans la musique, sans la foule, j’aurais peut-être pas eu la même réaction. J’ai la chance d'être toujours de bonne humeur après une soirée, peut-être parce que je ne prends plus de drogues ni d'alcool.

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Darius* (24 ans), Madrid

Même si je rentre à 6 heures du matin, je prends toujours un thé au gingembre avec du citron frais et du miel. Je lis quelques pages pour me calmer et évacuer la musique de mon cerveau. Je préfère lire de la fiction parce que la non-fiction demande de la concentration et n'aide pas à s'endormir. Tout ça après avoir fait ma skincare routine, bien sûr. Je fais ça pour me débarrasser de mon anxiété post- interaction sociale.

Je refais souvent la soirée dans ma tête et je lutte contre le cringe de chaque moment où je me suis comporté d'une manière qui n'était pas celle que j'avais prévue. Je pense que les émotions qui me dominent viennent d’un mélange d'anxiété sociale et d’une recherche de validation. J’ai toujours peur de perdre le contrôle de la narration et de l'appropriation du moment.

Jack* (25 ans), Londres/Bruxelles 

Dans tous les cas, je me roule un joint (alors que vu mon état, j’en ai clairement pas besoin, mais bon). Si je suis en Belgique, je rentre chez moi avec une barquette d'américain et une baguette fraîche de chez le boulanger, et je me fais plaisir en la mangeant au lit. Le problème, c’est que je m'endors avec et je me réveille le matin avec le sandwich à moitié entamé écrasé à côté de moi. Si je suis en bonne gueule de bois, je le termine quand même. Sans soucis. Quand je suis à Londres, c’est presque le même mode opératoire. Je commence par un gros joint dont on n’a pas besoin et j’enchaine sur une grosse graille, mais vu qu’il n'y a pas d'américain, je commande un gros McDo : 20 chicken nuggets pour 5 livres, Triple Cheeseburger, grande frite et grand Coca… Le festin du roi. Et comme d’habitude, je m'endors sur le canapé et je me réveille le matin avec les nuggets et le Triple Cheese à moitié entamé, que je défonce aussi.

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Si seulement je pouvais te dire à quoi je pense quand je rentre… Honnêtement j’en sais rien. Je sais que je suis content d'être là avec mon joint et ma graille. Je prends aussi le temps d’envoyer des messages à des potes ou des connaissances, en répondant à leurs stories. Parfois, le lendemain, je me surprends moi-même de l'ingéniosité des messages envoyés.

Brenden (26 ans), Londres

Me concernant, c’est souvent assez similaire. Si j'ai pas déjà pris de la nourriture sur le chemin du retour, je me fais une collation. Généralement un fat sandwich, parce que c'est facile. Je fais des couches très hautes avec des chips à l'intérieur pour le rendre croustillant. C’est vraiment une recette à l’américaine je sais, mais j’ai grandi à Los Angeles donc ça me rappelle un peu la maison. Après ma dégustation, je pense au garçon avec qui j'ai été à la soirée ou je me demande avec grande confusion pourquoi je suis rentré seul. Je sais pas si choper quelqu'un est nécessairement un but en soi, mais ça l’est en partie quand je suis en groupe. Ça dépend des personnes avec qui je sors. Par exemple, si je sors avec des amis proches, je suis juste prêt à passer un bon moment, quoi qu'il arrive. Si je sors avec des gens avec qui je fais principalement la fête, alors oui, je dirais que c'est une intention.

Je dirais que je savoure souvent l'introspection mélancolique qui suit une soirée, parce qu'elle se situe généralement dans un équilibre entre les polarités de la confusion de l'ivresse et des émotions sincères. Quant à ce qui me rend mélancolique, c'est un peu plus difficile à cerner. Si j'ai été un peu déprimé dans la journée ou les jours précédant la sortie, alors tout ce qui me préoccupe remonte à la surface une fois que les distractions de la fête sont terminées. D'un point de vue plus introspectif que mélancolique, ça peut aussi être des choses que j'ai observées pendant la soirée. Je suis toujours un peu curieux des gens quand ils sortent, et de la façon dont ils agissent. Je pense que c’est intéressant de voir si les gens se laissent aller et s'amusent, ou s'il y a plutôt quelque chose de performatif. Ce sont des choses que je note et auxquelles je (re)pense.

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Eli (24 ans), Bruxelles/Londres

Quand je rentre de soirée, je fume une clope en bas de chez moi, je monte, je mets mon pyjama, un peu de musique et je mange un petit truc. Je pense ensuite à la soirée : si c’était fun, si c’était pas ouf, si j’ai fait ou dit des choses que je pourrais regretter le lendemain. Je pense surtout aux gens qui me manquent sur le moment, à ceux que j’aurais aimé avoir avec moi. Je suis plutôt d’humeur introspective mais pas forcément mélancolique. 

J’ai souvent des déclics sur ma vie en rentrant de soirée. C’est bizarre, mais très souvent je ressens comme un sentiment d’impuissance et je lâche prise : il est 5 heures du matin et je peux plus rien faire à propos de rien, je me laisse juste bercer par la nuit. Il m'est déjà arrivé d’avoir une petite dance party en culotte dans mon salon. Je me suis aussi donnée des TED talks à moi-même. Quand je traverse une période un peu floue dans ma vie, je rédige des affirmations sur des petits bouts de papier et je me rappelle que tout va bien.

*Pseudonyme

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