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Sports

A Marseille, Yvan Sorel guide les jeunes des quartiers grâce au MMA

Le champion de MMA et de pancrace aide ses "spartiates" marseillais à affronter les difficultés de la vie en s'appuyant sur les valeurs des arts martiaux.
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Sous l'œil de la Bonne Mère, la cité phocéenne fait souvent parler d'elle pour son côté sombre. Entre les mauvais résultats de l'OM, les règlements de compte et la pauvreté, on pourrait penser que la misère ne serait pas moins pénible au soleil. Elle serait simplement pire. Marseille est souvent diabolisée et considérée comme une ville où seule la violence règne, et si un sport subi le même sort en France c'est bien le MMA. On fait bien sûr référence au récent arrêté émis par le ministère des Sports visant à interdire les compétitions dans l'octogone. Le MMA en France n'a pas encore la cote.

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Faire du MMA à Marseille apparaît alors comme un combo maléfique. Mais comme en mathématiques les moins s'annulent quand on les multiplie. Yvan Sorel, champion français de MMA et de pancrace, créateur de la team Sorel, tend à rendre la ville et la vie plus belle à travers les arts martiaux. Baisse pas ta garde, voilà le leitmotiv de la Team Sorel, cette équipe de MMA de Marseille menée par Yvan Sorel. Ensemble, ils ont un objectif : se dépasser et combattre dans la cage, comme en dehors, pour un mieux commun.

« Bienvenu dans l'un des quartiers les plus malfamés de Marseille ». C'est sur ces mots que commence notre rencontre avec Yvan Sorel, après un accueil chaleureux au Sorel Lounge, son QG situé à l'angle d'une des ruelles du 3e arrondissement de la cité phocéenne. Dans ce quartier populaire, la chicha d'Yvan fait office de salle des trophées, mais aussi de lieu de rencontre. À Marseille, beaucoup connaissent Yvan, ses spartiates et leurs combats. Dans cet endroit vivant où flottent les nombreuses ceintures et photos du champion, les conversations et les visites s'enchaînent. Les gens passent, saluent Yvan et tous ceux présents. Nombreux sont ceux qui viennent chercher auprès d'Yvan un élan de positivité. Entre les proches et les amis d'enfance qui viennent en quête de conseils et de solutions à leurs divers problèmes, tout le monde est bienvenu ici tant qu'il rend le respect qu'on lui donne.

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Comme le dit Sami Yacoubi, l'un des frérots d'Yvan, mais aussi l'un des huit combattants pros qu'il forme, « Yvan fait de la vraie politique dans le quartier. C'est un vrai leader qui essaye de tirer tout le monde vers le haut sans jamais être attiré par l'argent. Il se sacrifie en dehors comme dans la cage. C'est un combattant pro, mais au lieu de s'entrainer lui, il nous consacre son temps. »

Au fil des rencontres et des discussions, même si le ton varie parfois, l'énergie et l'enthousiasme qui émanent du personnage se font ressentir. Originaire de Felix Pyat, un quartier « de merde » comme beaucoup le qualifie, Yvan en a vu passer des vertes et des pas mûres. Entre les trafics qui gangrènent les quartiers ou encore la jeunesse qui galère, Yvan a su se faire respecter notamment grâce à sa détermination. Jamais la vie ne l'a gâté, mais comme il le dit lui-même, « tout le monde peut réussir avec une force mentale. » Cette détermination et cette envie de rendre la jeunesse et la ville meilleures sont l'état d'esprit de la team Sorel. Sami Yacoubi a lui essayé de mettre en place différents programmes dans une école pour « rééduquer » les jeunes et éveiller leur curiosité via différents exercices, comme des concours de lecture, des concours de vocabulaires, etc. Si on lui donnait les clefs de la ville, il « ferait disparaitre la drogue, abaisserait de beaucoup le taux de criminalité et créerait de l'emploi notamment par l'éducation. » En attendant, Yvan et ses spartiates essayent d'imprimer leur mentalité dans l'esprit de chacun, aussi bien qu'ils mettent des coups de genoux dans des mâchoires.

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Yvan Sorel, de dos, face à ses combattants.

Depuis 2005, la team ne fait que s'agrandir comme une grande famille qui chaque année accueille toute une tripotée de nouveaux bambins venus en découdre avec un monde qui ne leur convient pas. « Que tu sois jaune, blanc, noir, juif, arabe, chrétien, gros, maigre, haut comme trois pommes, très grand, étudiant, taulard, bandit ou flic, tu as ta place tant que tu respectes les règles. Dans la cage, ou sur le ring, c'est comme face à la mort, il n'y a pas de distinctions de race ou autres. C'est marche ou crève. »

Au sein de l'équipe, on retrouve tout de même 141 spartiates âgés de 3 à 68 ans. Parmi eux, 8 combattent pros : Yvan lui-même, Audrey Kerouche, Emanuel Mendy, Nabil Issad, Khaled Neche, Sami Yacoubi et Sofian Alizier. Comme aime le rappeler Yvan, « on a aussi une véritable pépinière à Classe B qui ne fait que s'agrandir chaque année. »

Chez les Sorel, le MMA est une affaire famille. En plus d'Yvan et son père, on retrouve madame dans le team Sorel. Ancienne numéro 1 française dans sa catégorie, Audrey Keyrouch, revient de plus belle après une grossesse qui avait mis sa carrière sur pause.

En voyant la manière dont Yvan la "malmène" à l'entraînement, on ne doute pas de son envie de voir sa moitié remonter sur la plus haute marche du podium. D'ailleurs à l'entraînement, Yvan est intransigeant avec tout le monde. Quand les enchaînements sont trop lents à son goût, il n'hésite pas à mettre un coup de pression collectif pour que toute la team se bouge le cul.

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Dans ce temple marseillais du MMA, le côté martial prime. À 18h30, tout le monde est déjà en tenu sur le tatami. Puis sur un fond de PNL, les exercices s'enchaînent. Qu'il s'agisse du travail au sol, des poings ou des jambes, pas de répit. Avec les nouveaux, les anciens, ou encore ses amis d'enfance, Yvan n'y va pas de main morte et à coup de cris et de mandales pousse chacun à dépasser ses limites dans la quête d'un mieux. Un mieux qu'on attend aussi grâce au respect et au savoir selon Yvan. Et c'est valable, encore une fois, dans la cage et en dehors.

Après l'entraînement, une jeune fille de 14 ans venue s'essayer au MMA suite à une mauvaise expérience en boxe française va d'ailleurs vite apprendre qu'Yvan n'y va pas avec des pincettes. Après que la jeune fille lui a expliqué ses problèmes, ses projets et son envie partagée avec sa mère de devenir championne, Yvan rétorque : « Avec moi c'est du tac au tac. Je ne suis pas un magicien. Je vois que tu as de bonnes qualités, tu as une belle boxe. Je vais te donner les outils, mais ce sera à toi de faire ton chantier. » Devant une maman surprise par tant de fermeté et de maîtrise, il continue, « Ça se passe bien l'école ? Car moi je demande aussi les bulletins. Une championne doit aussi en avoir dans la tête. Imagine qu'un jour tout s'arrête à cause d'une blessure. Sans diplôme tu ne pourras rien faire. » En lui montrant l'une des devises qui ornent les murs autour des tatamis, il poursuit : « Si moi je crois en toi, il faut que tu me respectes à tous les niveaux. Si tu ne te donnes pas à 100 %, alors là, crois-moi, tu vas manger. Tes parents ne pourront rien dire, car une fois qu'on aura signé, toi et eux n'avez plus votre mot à dire ici. Notre dernière devise c'est victoire comme c'est écrit là-bas. Et ça ne signifie pas que victoire sur le ring, mais dans la vie aussi. »

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Une leçon de pédagogie qui s'est aussi appliquée dans ce petit restaurant dans lequel nous faisons halte après l'entrainement avec certains combattants, entre la salle et la chicha. Yvan interpelle le propriétaire en lui signifiant que s'il veut que son récent établissement persiste dans la zone, il faut mettre les bases d'entrée. Une remarque qui visait des jeunes portant leur casquette à trois tables de nous. « Si tu ne serres pas les boulons dès le début tu vas te faire manger. » Mais avec Yvan , toute remontrance s'accompagne d'un conseil pour mettre en pratique la chose : « Tu n'es pas obligé de leur dire maintenant, mais en partant quand ils payent tu leur dit gentiment que pour la prochaine fois, il faudrait qu'ils enlèvent leur casquette. A la cool. »

Comme on le constate à travers la caméra de Nicolas Wadimoff dans "Baisse pas ta garde", Yvan donne des coups, mais surtout beaucoup d'amour aux gens. Son combat est plus que noble et, dans une ville gangrénée par la malhonnêteté politique, il dérange. Malgré tout le bruit et le bien que fait la team Sorel, la mairie ne lui a jamais rien versé. « Les subventions ? Je ne connais pas. Pour obtenir des choses ici, il faut mettre des coups de pression », balance Yvan. C'est aussi grâce à sa réputation de dur à cuir qu'Yvan a, en partie, obtenu la salle dans laquelle il donne ses cours pour aider les jeunes et les moins jeunes à sortir des sphères difficiles dont ils sont issus. La seule chose qu'il demande en retour : respect et dépassement de soi. « On ne peut pas sauver tout le monde, mais si déjà sur 1000 tu arrives à en sauver 10, c'est une victoire », lance Yvan.

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Aujourd'hui, lui et ses spartiates aimeraient un peu plus de vrai soutien de la part de la mairie de la ville, qui n'accorde rien. « Me remettre la médaille d'honneur de la ville de Marseille c'est valorisant, mais c'est de la poudre aux yeux et ça ne fait pas avancer. D'ailleurs ce sont les petits qui l'ont prise. Notre maire de secteur Lisette Narducci fait au mieux et j'espère que ça ne fera qu'aller dans le bon sens. Le vrai soutien, pour l'instant ce sont les particuliers qui l'apportent, chacun en fonction de leurs moyens. On a reçu des cartons avec des gants pour les petits, ce genre de chose. Ça fait toujours plaisir et ça sert. »

Dans la vie comme dans la cage, la team Sorel ne baisse jamais sa garde et continue d'avancer dans la positivité, car quoi qu'il arrive, le combat continue. « On vient du Ter-Ter donc on ne peut pas redescendre, on ne peut que s'élever. Il faut faire preuve de patience et de volonté comme dans les arts-martiaux. »