Alors, vous la vivez comment votre arrivée dans le monde du travail ? Réfléchissez deux minutes : vous êtes là, assis sur votre chaise de bureau inconfortable, à passer votre temps à vérifier que votre patron ne peut pas voir votre écran. Vous maîtrisez à la perfection les touches commande et tabulation — cette dernière ne vous a pourtant jamais servi à créer un espace en début de ligne. Votre boss vous a demandé de créer un tableau croisé dynamique il y a quatre jours. Personne ne met quatre jours pour faire un truc de ce genre qui ne servira de toutes façons à rien. Vous le savez, votre boss le sait. Votre vie est un compromis désastreux entre l’aliénation de 1984 et la tragicomédie de The Office.
À la base, ça ne devait pas se passer comme ça. Sitôt vos études finies, vous pensiez trouver le job de vos rêves en trainant quelques heures sur le réseau de votre école ou sur le site Profil Culture. Apple ou Publicis allaient finir par vous appeler pour vous proposer un CDI, accompagné d’un salaire dépassant les 40 000 euros par an, et vos parents n’auraient pas à mentir quand on leur demanderait ce qu’est devenue leur progéniture.
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La théorie est une chose mais la réalité en est une autre. En fait, les années qui suivent l’obtention de votre diplôme vont très certainement ressembler à l’un de ces trois schémas bien définis.
1/ Le succès total. Vous êtes embauché rapidement et vous grimpez les échelons sans peine. Vous parlez constamment argent et séjour dans les Alpes ou aux Maldives. Vous utilisez le mot « efficience » et commencez à vous intéresser aux montres, alors que vous n’êtes pas le fils de Julien Dray ni le neveu de Jacques Séguéla.
2/ La stagnation post-étudiante. Vous flottez sereinement dans les limbes cotonneuses d’une existence que le mot « pépère » résume avec perfection. On vous reproche votre manque d’ambition. Vous répondez en brandissant avec fierté votre carte UGC-illimité, qui prouve à vos amis que vous êtes un branleur, oui, mais un branleur cultivé.
3/ La débâcle. Vous ne vous lavez plus qu’un jour sur trois, vivez en slip et finissez GTA V pour la troisième fois. Lorsque vous êtes dans un bon jour, vous vous mettez à genoux devant le premier tenancier de bar venu en le suppliant de vous prendre, même pour un simple essai. Puis vous rentrez chez vous pour jouer à GTA V.
J’imagine que vous êtes plutôt concerné par les solutions 2 et 3, surtout si vous n’êtes ni médecin ni cupide. Voilà quelques exemples de péripéties que votre ego devra encaisser au cours des prochaines années.
VOUS RETOURNEREZ VIVRE CHEZ VOS PARENTS
Qu’il s’agisse d’une pause de quelques semaines dans votre recherche d’emploi ou bien d’un break à durée illimitée censé vous éviter de finir en HP dès l’âge de 23 ans, le résultat sera le même : vous retournerez vous installer chez vos parents et vous redeviendrez celui que vous avez toujours été à leurs yeux : un gros fainéant. Sauf que la situation aura légèrement évolué après toutes ces années de séparation salutaire.
Prenons un exemple. Quand vous étiez au lycée et que vous rentriez chez vous tard dans la nuit, vous trouviez un frigo contenant des aliments qui ont depuis disparu de votre régime alimentaire, type saucisson corse ou Napolitain. Si vous pensez qu’en retournant chez papa et maman, ces derniers feront preuve d’assez de magnanimité pour vous traiter comme un prince, vous vous trompez. Tout aura changé.
Pourquoi ? Tout simplement parce que vos parents en auront marre de vous et de vos névroses post-adolescentes tout droit sorties de l’intégrale de Cédric Klapisch. Vous serez là, à traîner dans leurs pattes, eux qui pensaient s’être enfin débarrassés du fardeau que représente un enfant. Surtout, vous les empêcherez de s’adonner à leurs déviances sexuelles les plus inavouables. Et sachez qu’entre reproduire les scènes du studio Kink et vous acheter du Nutella, vos parents ne tergiverseront pas longtemps.
QUELQU’UN DE VOTRE FAMILLE VOUS DIRA QUE VOTRE DIPLÔME NE VAUT RIEN
En général, cette remarque viendra d’un oncle ayant une propension à la consommation d’alcool de mauvaise qualité — comme le Beaujolais nouveau, ou n’importe quel Côtes-du-rhône. Vous l’entendrez vociférer à longueur de journée, alternant diatribes homophobes et critiques envers les jeunes d’aujourd’hui « qui n’ont plus le sens des réalités ».
Ce fan inconditionnel de La Grande Vadrouille essaiera de vous prouver empiriquement que vous auriez dû faire des études dans un secteur qui embauche — comme la plomberie — en vous parlant du fils de son voisin, qui s’en sort très bien et qui vient tout juste d’acheter une Ford Fiesta de 2005 pour 3 100 euros. Vous aurez beau lui prouver qu’avoir une voiture dans une métropole ne sert plus à grand-chose, il vous rétorquera qu’à son âge, il avait déjà une bagnole, une femme et un enfant (dans cet ordre) et qu’il était « LIBRE, TU ENTENDS ? LIBRE ! » tout en omettant le fait qu’il est aujourd’hui divorcé et alcoolique.
Pour une raison assez mystérieuse, les membres de votre famille ne comprendront jamais pourquoi vous avez décidé de commencer de nouvelles études à l’École du Louvre après avoir déjà obtenu un master en sciences politiques. L’argument du simple « amour de la connaissance » ne passera que très rarement, ce qui est compréhensible dans la mesure où vos parents se sont privés d’une maison de vacances sur le bassin d’Arcachon afin de vous payer un diplôme qui ne vous servira jamais.
Vous ne pourrez pas y faire grand-chose. Après avoir comporté un détour de plusieurs années durant lesquelles vous avez développé une accoutumance à la cocaïne de mauvaise qualité et au visionnage sur YouTube de l’intégrale des épisodes de Téléchat, votre route vers le succès ne deviendra pas aisée d’un jour à l’autre. N’oubliez pas que votre vie ressemble à une étape de haute montagne du tour de France : après avoir grimpé le col du Galibier, il vous reste encore l’Alpe d’Huez à vous coltiner.
VOUS SEREZ COMPARÉ(E) À QUELQU’UN DE PLUS JEUNE ET DE PLUS BRILLANT QUE VOUS
Certes, votre mère vous avait demandé de jouer avec ce petit garçon dont vous avez oublié le prénom, mais votre fierté de jeune adolescent vous prévenait de tout acoquinement avec des êtres humains d’âge inférieur. Vous auriez dû faire preuve d’un peu plus de respect pour cette personne. D’ici peu de temps, ce petit garçon obtiendra son bac L avec les félicitations du jury, grâce notamment à un 20/20 en latin.
Vous, vous aviez abandonné le latin dès la 3ème. OK, regarder Gladiator en cours était plutôt cool, mais déclamer les Catilinaires en V.O. n’avait jamais incité quiconque à vous proposer un petit moment de détente dans les toilettes de votre collège. Eh bien, vous le regretterez.
Ce garçon a aujourd’hui 16 ans, il est incroyablement beau et sera admis sans peine en classe préparatoire au lycée Henri IV à Paris. D’ailleurs, ses parents organiseront une fête en son honneur dans leur grand hôtel particulier. Vous ne serez – bien sûr – pas invité et vous finirez par en vouloir au monde entier de ne pas avoir organisé une soirée de folie pour votre admission en première année de droit.
DAVID PUJADAS DÉBUTERA SON JOURNAL EN DÉPLORANT LES FAIBLES SALAIRES DES JEUNES EN DÉBUT DE CARRIÈRE – DES JEUNES QUI GAGNERONT EN MOYENNE 10 000 EUROS DE PLUS QUE VOUS
Vous pensiez peut-être qu’un master 2 vous mettrait à l’abri du besoin financier et vous ferait accéder aux couches supérieures de la société, mais il n’en sera rien. Après avoir vécu pendant des années aux côtés d’étudiants cupides dont l’unique objectif est de se faire du blé, vous vous étiez auto-persuadé que vous n’accepteriez jamais un emploi payé moins de 25 000 euros par an.
Las ! Alors que certains de vos amis ouvriront un plan épargne logement et vous bassineront avec leur salaire en k€, vous accepterez la tête basse un job consistant à passer votre journée devant un écran d’ordinateur à réaliser des tableaux croisés dynamiques. Vous pourrez toujours vous rassurer en vous disant que le salaire médian des Français — plus évocateur que le salaire moyen — est de 1 712 euros par mois. Vous n’en serez pas loin, et vous ne pourrez donc vous en prendre qu’à vous même d’avoir été un petit con arrogant vivant dans une bulle estudiantine remplie de MacBooks Pro Retina et de brunchs aux prix indécents.
PLUS PERSONNE NE S’INTÉRESSERA À VOTRE ANNÉE ERASMUS PASSÉE À MADRID
Vous pensiez qu’une année d’études effectuée à l’étranger serait un atout sur votre CV et une raison suffisante pour que des gens viennent communiquer avec vous en soirée et vous trouvent intéressant. En fait, tout le monde sait pertinemment que vous avez passé 10 mois à boire du Kalimotxo, un cocktail immonde à base de Coca-Cola et de vin rouge.
Aucun employeur ne vous engagera sur ce simple atout dans la mesure où 1/ ça ne garantit pas que vous parliez parfaitement l’espagnol, vu que vous avez passé 99% de votre temps avec des expatriés comme vous et 2/ qui, aujourd’hui, n’a pas profité du programme Erasmus ?
Vous essaierez d’insister sur votre ouverture à d’autres cultures, sur votre amour de l’aventure et des autres, mais vous finirez toujours par passer pour un mélange entre Romain Duris et Frédéric Lopez, une fusion bâtarde entre l’ultralibéralisme véhiculée par l’Auberge Espagnole et l’ethnocentrisme occidental qui caractérise Rendez-vous en terre inconnue.
VOUS PARTICIPEREZ À TOUS LES PUB QUIZZES ET VOUS LES PERDREZ TOUS
Persuadé(e) que vos années d’études supérieures vous octroient de fait la supériorité intellectuelle qui caractérise les gens qui triomphent de ces évènements hebdomadaires, vous convaincrez vos amis de vous accompagner un mardi soir en leur promettant que la partie sera facile.
Ce que vous n’aurez pas prévu, c’est de tomber en face d’un groupe de bros tout juste bacheliers, qui connaissent avec méticulosité l’ensemble de la filmographie de Jack Black. Vous vous rendrez compte que réciter l’ensemble des présidents américains du XXème siècle ne sert à rien et vous repartirez avant l’annonce des résultats en pestant contre le triomphe généralisé de la pop culture.
UN DE VOS ANCIENS CAMARADES, QUE VOUS DÉTESTEZ, PARTIRA TRAVAILLER À NEW YORK
Vous vous souvenez de ce type qui se baladait dans les couloirs de la fac avec un T-shirt montrant Jacques Chirac passant par dessus la barrière du métro ? Si, vous savez, celui qui prenait part à tous les galas de fin d’année et qui essayait de vous convaincre de vous inscrire au club œnologie ! Il passait son temps à regarder des vidéos de chats sur YouTube et à vous parler des filles qu’il s’était tapé au cours des dernières années. Eh bien, on vient tout juste de lui proposer le job de vos rêves à New York.
VOUS PERDREZ DE VUE VOS COPAINS DE FAC
Amis pour la vie ? Que dalle. Depuis la fin de vos études, vos amis ont pris des directions séparées. Certains sont partis travailler à l’étranger, d’autres se sont installés avec leur moitié, tandis que quelques-uns ont choisi de voyager pendant toute une année pour découvrir la beauté des chutes d’Iguaçu et du salar d’Uyuni.
Vous essaierez bien d’organiser une semaine de retrouvailles dans la grande maison de l’un d’entre vous, située sur le lac de Lacanau, et qui offre toutes les distractions que vous aimiez quand vous étiez étudiant : le wakeboard, le tir à l’arc, ou encore le golf avec des balles flottantes que le courant ramène sur le rivage. Mais vos amis trouveront une raison pour annuler leur venue, vous laissant seul. Vous n’aurez plus que vos yeux pour pleurer.
VOUS DEVIENDREZ AMI AVEC DES GENS QUI SONT DANS LA MÊME MERDE QUE VOUS
Une fois abandonné(e) par tout le monde y compris par votre âme-soeur — qui a préféré vous quitter pour se remettre avec son ex, qui a un minimum d’ambition — vous vous mettrez à la recherche de nouveaux compagnons d’infortune. Vous aurez l’espoir de tomber sur un type marrant qui hésite un peu avant de se lancer dans le cercle vicieux que constitue le monde du travail. Malheureusement, vous finirez par trainer avec des types qui ressemblent à Clovis Cornillac en 1994.
VOUS ABANDONNEREZ L’IDÉE D’ÊTRE « COOL »Que vous l’acceptiez ou non, les études supérieures constituent un écosystème indépendant du reste de la société, une société secrète cloisonnée dans laquelle le fait de parler de battements par minute ou de la filmographie de Tarkovski peut être considéré comme cool.
Mais dans la vie adulte, plus personne ne s’intéresse à vos digressions philosophiques sur la portée de l’oeuvre d’Emil Cioran dans la société consumériste du XXIème siècle. Vous pensiez qu’Histoire et Utopie était un bouquin majeur que n’importe quel être humain se devait de lire. Préparez-vous à mettre cette passion en sourdine et à vous demander si, après tout, vous n’aimeriez pas être « libre, éperdument libre. Libre comme un mort-né ».
LE TYPE LE PLUS INSUPPORTABLE DE VOTRE FAC CRÉERA SON ENTREPRISE, QUI SERA COURONNÉE DE SUCCÈS
Vous l’avez forcément rencontré, tapi dans l’ombre de la B.U. en train de feuilleter le numéro 142 du Journal des numismates. Il ne se fait pas prier pour dire haut et fort ce qu’il pense des écervelés comme vous qui passent leurs soirées dans des bars pendant que lui est en train de dévorer l’Anthologie de la poésie française de Georges Pompidou.
Alors que vous passez vos journées sur les sites de streaming, il prépare minutieusement un business plan – terme dont vous ne connaissez même pas la signification — qui le conduira au sommet d’ici peu.
Si vous avez dépensé près de 5 000 euros en quelques années pour des cocktails constitués de Tonic bon marché et de Gin acheté au Dia du coin, ce type, lui, a économisé. Aujourd’hui, il est à la tête d’une entreprise qui propose une application qui permet à n’importe quel utilisateur de smartphone de savoir où se situe le bar qui vend la bière la moins chère du quartier.
Ça aurait dû être votre idée, vous qui connaissez le prix de toutes les bières dans tous les bars de France. Pourtant, vous finirez par lui envoyer un CV.
VOUS COMPRENDREZ À QUEL POINT VOUS ÉTIEZ CRAIGNOS, AVANT
Vous étiez plutôt Converse/bonnets Carhartt/manteaux Canada Goose ou bottes montantes/chemise boutonnée au col/lunettes rondes ? Qu’importe, vous étiez craignos. Le jour où vous vous en rendrez compte, vous aurez passé un cap. Vous pourrez enfin tirer un trait sur ces années d’expérimentation vestimentaire qui faisaient passer les tableaux de Kandinsky pour des modèles d’équilibre chromatique.
Je ne dis pas que l’âge adulte doit rimer avec sobriété et ennui, mais prenez le temps de regarder vos photos de vos soirées d’intégration — si par malheur vous y avez pris part — et demandez vous une chose : est-il possible de réussir quelque chose de bien dans sa vie quand on ressemble au docteur Jacoby ?
VOUS ENVISAGEREZ DE REPRENDRE DES ÉTUDES
Confronté(e) à l’échec que représente l’envoi d’une centaine de CV laissés sans réponse, vous ferez le bilan et réfléchirez aux possibilités qui s’offrent à vous. 1/ vous accepterez un job de merde, et vous finirez malheureux, ou 2/ vous reprendrez des études, et vous finirez malheureux.
VOUS TOMBEREZ PAR HASARD AU BEAU MILIEU D’UNE SOIRÉE ÉTUDIANTE, ET VOUS VOUS SENTIREZ ULTRA VIEUX
Vous ne le voudrez pas spécialement, mais un de vos anciens potes finira un jour par vous trainer à une soirée réunissant d’anciens élèves de la fac et des nouveaux venus, afin « d’entretenir le réseau », une circonlocution qui masque une réalité toute simple — l’explosion de la vente de pilules du lendemain dans les jours qui suivront.
Vous y entendrez le nom des nouvelles applications à la mode, découvrirez que le gaz hilarant est de nouveau has been et que l’heure est venu pour les jeunes de se remettre à sniffer de la colle. Personne ne viendra vous parler, à moins que vous ne sortiez ostensiblement votre carte bleue afin d’attirer un(e) étudiant(e) souhaitant s’extirper de sa précarité économique relative le temps d’une soirée. Mais n’oubliez pas : vous serez encore plus pauvre que cet étudiant, alors réfléchissez à deux fois avant de vous prendre pour Jimmy McNulty et de vous enchaîner dix whiskys secs en deux heures.
De toutes façons, vous finirez seul, alors rien ne sert de trainer et de payer des verres aux gens du sexe opposé — ou du même sexe, selon vos goûts. Vous serez fauché, vous ne travaillerez pas dans le cinéma et n’aurez pas fait le tour du monde, alors qui pourrait vouloir de vous ?
VOUS NE SEREZ PLUS CAPABLE D’ENCHAÎNER DEUX GUEULES DE BOIS D’AFFILÉE
Bénie était cette époque au cours de laquelle vous pouviez sortir du mardi au samedi sans vous soucier de la quantité d’alcool et de drogue que vous ingériez. Vous pouviez prévoir plusieurs soirées au cours d’une même semaine, vous rendre à un concert, et même appréciez le fait de vous accorder un vendredi soir de détente seul dans votre appartement, devant Koh-Lanta.
Si, aujourd’hui, vous réalisez que vous avez de plus en plus de mal à vous remettre de vos soirées de débauche, hé bien, comme le disait feu Alain Resnais, vous n’avez encore rien vu ! D’ici quelques mois, vous vous regarderez dans une glace le dimanche matin et vous vous demanderez comment une tête de crackhead a pu être greffé sur votre visage. De plus, n’imaginez pas vous en sortir en vous contentant de passer des soirées uniquement sous coke. La Concrete, ce n’est plus de votre âge, et les jeunes de 19 ans qui n’ont pas dormi depuis 3 jours et qui dansent tout de même plus énergiquement que vous seront là pour vous le rappeler.
VOUS VERREZ DES PHOTOS DE VOS ANCIENS CAMARADES PORTANT TOUJOURS LEUR POLO ACHETÉ AU BDE DE VOTRE FAC, ET VOUS AUREZ ENVIE DE GERBER
Franchement, qui est assez con pour acheter une telle merde et la garder pendant des années ?
VOTRE FUTUR PATRON SERA PLUS JEUNE QUE VOUS
Peu importe que vous deveniez astronaute ou vendeur chez Foot Locker, vous aurez forcément à faire face à cette situation avilissante. Vous vous direz : « Putain ! Où est-ce que j’ai merdé ? J’ai pourtant 30 ans et un poste plutôt pas mal ! » Sachez que votre patron, âgé de 24 ans, ne sera pas forcément plus doué ou plus ambitieux que vous, non. Il aura juste obtenu un diplôme ayant plus de valeur que le vôtre, ou alors il connaitra votre N+2 en personne.
Il est également possible qu’il fasse partie des gens qui connaissaient l’existence de l’expression « N+2 » avant de connaître leur premier coït, alors ne soyez pas trop dur avec vous même. Ces gens-là sont des psychopathes, susceptibles de péter un câble à tout moment et de tronçonner la moitié du bureau sur un coup de tête. Gardez vos distances avec eux, voilà tout.
VOUS PARTICIPEREZ À UNE BOURSE AUX LIVRES AFIN DE VOUS PAYER UN PEU DE NOURRITURE
Vous vous souvenez du Samuelson & Nordhaus que vous avez acheté 55 euros et que vous n’avez jamais ouvert parce que vous étiez ontologiquement nul en économie ? Ou encore du Code de la propriété intellectuelle 2014 qui vous a servi à vous donner un peu de crédibilité lors de vos oraux de fin d’année ? Vous y aviez laissé 80 euros et une partie de votre amour-propre.
Un jour, quand vous enchaînerez votre quatrième mois sans consommer de viande de qualité — le steak haché n’appartient pas à cette catégorie, je préfère le préciser —, vous regarderez l’intégralité des objets de votre appartement en vous demandant ce dont vous n’avez pas vraiment besoin. Vous n’oserez pas vendre votre canapé, par peur que votre appartement ressemble à celui d’un jeune Américain mangeur de Cheetos. Par contre, vous n’aurez aucun scrupule à vendre l’intégralité des livres achetés pendant vos études. Sauf que vous aurez oublié un point essentiel. Ces livres ne vaudront plus rien.
En effet, une analyse économique du marché du livre de cours révèle deux points intéressants. Premièrement, la valeur d’un livre semble décroitre de manière exponentielle un an après sa sortie. Deuxième, peu importe l’état du livre que vous désirez vendre, sa valeur ne varie que très peu, car elle est presque nulle. Une conclusion s’impose : le livre de cours connait le même destin que n’importe quel produit de chez Apple, c’est donc un attrape-couillon.
VOUS RÉALISEREZ QUE VOUS NE DEVIENDREZ JAMAIS UN ARTISTE
Comment se porte laguitare qui traîne dans ton salon ? Et ton appareil photo reflex acheté 1 000 euros, il va bien ? Voilà le genre de questions que vos amis n’oseront jamais vous poser, sans doute pour ne pas vous voir vous effondrer en larmes. En effet, ils vous ont toujours soutenu quand vous déversiez votre bile en soirée sur tous ces individus qui n’en ont rien à foutre de l’art. Vous, vous étiez différent et vous alliez le prouver.
Après avoir raté le concours d’entrée de la Fémis, vous pesterez contre tous les amoureux de l’art subventionné, en mentionnant le nom de VRAIS artistes – ceux qui ont toujours vécu à la marge, comme Arthur Rimbaud ou Matthieu Kassovitz. Autant que vous le sachiez dès aujourd’hui : votre carrière d’artiste ne décollera jamais, et la seule performance dont vous pourrez vous vanter est une série de 17 victoires consécutives à FIFA.
VOUS DEVREZ CONSULTER VOTRE COMPTE EN BANQUE QUOTIDIENNEMENT CAR VOS PARENTS NE SERONT PLUS LÀ POUR VOUS AIDER
Le temps de l’insouciance est désormais révolu. Si vous ne voulez pas atteindre le plancher océanique de votre compte courant, mieux vaudra y jeter un œil de temps en temps. Et en cas de problème pour payer votre loyer, n’oubliez pas : avant le 31 mars, fin de la trève hivernale, tout est permis !
VOUS ENVISAGEREZ DE MONTER UN BAR AVEC VOS AMIS, CHOSE QUE VOUS NE FEREZ JAMAIS
Jamais.
VOUS FINIREZ PAR RÉALISER À QUEL POINT VOTRE DIPLÔME NE SERT À RIEN
Si un niveau d’études très élevé permettait d’accéder mécaniquement à la réussite, il faudrait m’expliquer pourquoi certains Bac+10 ne trouvent pas de travail tandis que le PAF est rempli d’illettrés notoires, qui ont l’air de captiver certains Français peu exigeants.
Quiconque prend un peu de recul à la fin de ses études comprend qu’un bon réseau et beaucoup de chance sont deux choses qu’un excellent CV ne pourra jamais égalé. Vous connaissez 4 langues étrangères ? Les entreprises s’en foutent, tant que vous savez balbutier en anglais. Vous êtes un expert des logiciels Adobe ? La seule chose que votre future boîte vous demandera avec Photoshop est de savoir détourer une image, un truc que la plupart des lycéens sont capables de faire.
Aujourd’hui, la seule compétence universellement requise est la maitrise de l’envoi de mails. Ma grand-mère de 75 ans sait envoyer des mails. Vous pouvez en déduire beaucoup de choses.
VOUS PERDREZ UN AN POUR UN JOB DONT VOUS N’AVEZ RIEN À FOUTRE
Un jour ou l’autre, vous accepterez une offre d’emploi qui ne vous tente pas. Pourquoi ? Par ennui, ou alors parce que Pôle Emploi menace de vous retirer tous vos droits. Vous finirez derrière un bureau, à un comptoir d’accueil, ou alors à parcourir la France en costume-cravate Zara trop grand pour vos frêles épaules de post-adolescent qui n’a pas fait de sport depuis la classe de Première.
Vous vendrez des choses que vous ne voudriez jamais acheter, vous parlerez à des gens dont les deux sujets de conversation lors de la pause déjeuner sont les arabes et « les impôts qui nous étranglent, nous, les classes moyennes ». Vous déprimerez et démissionnerez. Et il vaudra mieux pour vous que vous ne fassiez pas le bilan de l’année qui vient de s’écouler.
VOUS APPRENDREZ – PEUT-ÊTRE – QUE VOTRE PIRE ENNEMI DE LA FAC À UNE VIE DE MERDE
Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont eu un ennemi à la fac, et les autres. Si vous faites partie de la seconde catégorie, je ne peux rien pour vous. Votre vie ressemblera à l’encéphalogramme de Lloyd Christmas et vous ne pourrez même pas vous réconforter de manière sadique en profitant du malheur des autres.
En revanche, si vous appartenez à la première catégorie, vous trouverez peut-être une lueur d’espoir au fond du gouffre existentiel dans lequel vous vous trouvez depuis des années. À force de traîner sur l’Internet, vous finirez par tomber sur la page Linkedin du type qui avait couché avec votre copine de la fac, lequel s’avèrera être l’adjoint du chargé de communication du Conseil général du territoire de Belfort. C’est une des maigres consolations que la vie a à vous offrir.
EN PARLANT DE ÇA, VOUS QUITTEREZ LA FILLE/LE MEC QUE VOUS AVEZ RENCONTRÉ À LA FAC
Vous serez là, assis sur votre canapé à lire votre magazine préféré. Votre moitié entrera dans la pièce et vous demandera : « Tu veux manger quoi ce soir ? ».
Vous répondrez : « Oh, comme tu veux, rien de spécial, je suis mort. »
Il/elle acquiescera et ira prendre une douche bien méritée.
Vous serez assis à table. Il/elle vous demandera : « Alors ta journée, ça a été ? »
Vous répondrez : « Oui, très bien, rien de spécial aujourd’hui. »
Vous serez dans votre lit. Il/elle vous demandera : « On voit Romain et les autres samedi soir ? »
Vous répondrez : « Oui, avec plaisir ! »
Puis un jour, vous réaliserez que Bill Murray s’est inspiré de votre vie pour son personnage dans Un jour sans fin. Et là, vous aurez beau repenser à vos grands-parents parlant de vos futurs petits-enfants lors du dernier repas de famille, vous saurez que c’est fini.