Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Français ne consomment pas de substances psychoactives de plus en plus jeunes. L’âge moyen d’expérimentation de la cigarette, de l’alcool ou du cannabis est relativement stable dans le pays.
« Premier verre d’alcool, première cigarette, première ivresse puis premier joint de cannabis se succèdent en moyenne entre 13 et 15 ans, sans changement majeur de l’âge moyen d’expérimentation, » note François Beck, un des auteurs du dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), intitulé Jeunes et addictions. Pour le chercheur, ce rajeunissement des usages est avant tout un « mythe ».
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L’ambition de ce long rapport fouillé, accompagné d’un site dédié, est de décrire au mieux les usages de produits addictifs par les Français âgés de 11 à 25 ans (soit une population de près de 12 millions de personnes).
Les trois produits les plus consommés chez les jeunes Français sont l’alcool, le tabac et le cannabis — si bien que 92 pour cent des jeunes de 17 ans ont déjà testé au moins l’un des trois. Concernant ces trois substances, il apparaît que le cannabis bénéficie d’une large diffusion en France, que le tabagisme reste à un niveau élevé et que la fréquence des API (alcoolisations ponctuelles importantes) est en hausse.
La MDMA, une « drogue phénix »
La MDMA est récemment redevenue une substance « emblématique » pour une partie de la jeunesse, note le rapport. L’expérimentation de cette drogue est en effet plus importante chez les jeunes que dans le reste de la population — si bien qu’elle est actuellement la deuxième substance illicite la plus consommée chez les jeunes Français (après le cannabis et devant la cocaïne).
Ce regain d’intérêt pour cette drogue est étonnant sachant qu’elle avait presque disparu de la circulation en 2009. On assistait à une pénurie d’ecstasy à cause des destructions de cultures de sassafras (un petit arbre duquel on extrait le safrole, qui permet de créer de la MDMA). Les chercheurs parlent à ce titre de « drogue phénix », puisqu’elle a pu renaitre de ses cendres.
En effet, alors qu’elle était à la mode entre les années 1980 et 2000, ce qu’on appelait à l’époque “pilule de l’amour” ou ecstasy est devenue ringarde vers 2002, d’autant plus que la qualité de cette drogue déclinait. Mais en 2010 après la pénurie, on a assisté au retour en grâce de cette drogue sous sa forme cristal de la MDMA (de petits blocs translucides). Le comprimé d’ecstasy est lui aussi revenu sur le marché grâce à l’ « effort manifeste des producteurs en matière de fabrication des comprimés, probablement dans le but d’attirer les plus jeunes consommateurs, » pointe le rapport.
La communauté des « e-psychonautes »
Autre tendance actuelle, comme le retour de la MDMA chez les jeunes, est l’apparition des « e-psychonautes », comprendre les personnes qui ont un rapport indissociable aux drogues et à Internet. « Ces personnes ont un usage des produits qui les rapprochent du psychédélisme tandis qu’Internet, via les forums de discussion, est un élément important de leur vie sociale, » précise le rapport.
En règle générale, le « e-psychonaute » français a moins de 27 ans, vit dans une grande ville et bénéficie d’une situation socio-économique stable. L’objectif recherché de cette population est de trouver un produit qui « créé un état cognitif modifié, sans créer un état de dépendance ». Le rapport note que s’ils consomment des NPS (nouveaux produits de synthèse) comme les consommateurs d’opiacés, ils essayent une multitude de substances.
Les « e-psychonautes » ont une approche quasi scientifique de la prise de produits, puisqu’ils publient des avis sur leurs expériences sur des forums spécialisés créant une sorte de communauté d’initiés. Pour eux, il s’agit en quelque sorte de « l’acquisition d’un savoir […] afin d’éviter la dépendance ».
Les médicaments psychotropes
L’usage détourné de médicaments psychotropes est aussi une autre tendance soulignée dans le rapport. « 11 pour cent des jeunes scolarisés de 16 ans, rapportent avoir consommé au moins une fois un tranquillisant ou un somnifère sans ordonnance, les filles étant davantage concernées que les garçons (15 % contre 8 %), » indique-t-on. Et la France se place dans les plus hauts niveaux d’expérimentation d’Europe concernant cette pratique.
La prise de médicaments à des fins récréatives répond à deux grandes logiques, note le rapport. D’un côté, elle répond à une logique d’opportunité, puisque ces produits sont faciles d’accès et peu chers. De l’autre, les jeunes estiment que les médicaments réduisent les risques liés à d’autres produits consommés.
Si les jeunes adeptes de médicaments ne redoutent généralement pas de sanctions, le rapport rappelle qu’elles s’élèvent à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende pour « le transport, la détention, l’offre, la cession ou l’acquisition illicite » de ces substances médicamenteuses.
Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray