On a tout tenté. Mails, SMS, harcèlement téléphonique… Mais Damien A. a les nerfs solides. Il ne répond jamais aux journalistes. Et a même envoyé bouler Bernard Cazeneuve et François Hollande quand ils ont voulu le décorer, lui qui a été le premier à tenter, seul et à mains nues, d’arrêter Ayoub El Khazzani, le terroriste du Thalys. Déroutés par une discrétion inhabituelle à l’ère personal branding généralisé, la plupart des médias ont tout simplement renoncé à rappeler son rôle ce jour-là. Tout comme Clint Eastwood. Son film, Le 15 h 17 pour Paris, qui sort ce mercredi 7 février sur les écrans français, préfère faire la part belle aux three american heros qui – rappelons-le – ont réussi à neutraliser le terroriste.
Il faut dire que lorsqu’il embarque dans le Amsterdam-Paris de 15 h 17, le 21 août 2015, Damien A., 28 ans, n’a pas vraiment le profil d’un héros de film d’action : diplômé en finances de l’Edhec, il est conseiller en gestion de crise dans la filiale hollandaise du groupe bancaire BNP Paribas depuis 2011. Sa mission touche à sa fin, et il vient de trouver un appartement dans le Sud-Est parisien, où il va s’installer avec sa compagne.
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Comme à son habitude, il passe le début du voyage à la voiture-bar. Il est environ 17 h 35 lorsqu’il se rend aux toilettes situées entre les voitures 12 et 13. La porte est verrouillée, il patiente « 3, 4 minutes », racontera-t-il, plus tard, aux enquêteurs, avant que le loquet ne se soulève. C’est alors que le banquier se retrouve face à face avec Ayoub El Khazzani : le Marocain de 26 ans est torse nu, un sac à dos noir sanglé sur le ventre, une kalachnikov en bandoulière. « Il est lentement sorti des sanitaires. Il m’a regardé, je l’ai regardé. Il avait un regard un peu défiant, du type « barre-toi ». Il a commencé à prendre son arme en mains », relatera Damien A.
Le jeune homme réagit d’instinct, le pousse et lui serre le cou à deux mains. Il plaque El Khazzani contre la porte des toilettes. Mais le terroriste parvient à saisir une arme blanche dans son sac, et le coupe à la main gauche. Blessé, Damien A. ne lâche toujours pas prise. Jusqu’à l’intervention malencontreuse d’un chef de bord qui, en ouvrant la porte, déséquilibre Damien A et lui fait perdre ses appuis… Fin du corps à corps : aussitôt, El Khazzani se dégage, ramasse son arme et pénètre dans la voiture 12. « J’ai alors entendu trois coups de feu. J’ai instinctivement reculé, expliquera Damien A. face aux enquêteurs. L’individu s’est alors retourné vers moi et m’a mis en joue. Je pense que son arme ne marchait pas, parce qu’il n’a pas fait feu ».
Dans la voiture 12, c’est la panique. Les voyageurs hurlent, un passager est blessé par balle, certains se cachent sous les tables. C’est à ce moment-là qu’interviennent Alek Skarlatos, Spencer Stone et Anthony Sadler, les trois jeunes Américains qui réussiront finalement à neutraliser El Khazzani.
Le 24 août 2015, tous trois ont reçu la légion d’honneur à l’Elysée, des mains de François Hollande, et ont signé dans la foulée un contrat d’édition. C’est leur livre-témoignage, 15 h 17 pour Paris, (éditions de l’Archipel, janvier 2018), qui a servi de base au scénario du film de Clint Eastwood.
Et comme on peut être un héros et adepte de l’auto-promo, Skarlatos, Stone et Sadler jouent aussi leur propre rôle à l’écran. Damien A., lui, à reçu sa médaille par la poste, et continue à ne pas vouloir répondre au téléphone. La classe.