Grève des étudiants pour le climat
Photos: Hadrien Brice pour VICE FR 

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ecologie

Les lycéens ont massivement séché les cours pour qu’on arrête de niquer leur mer

Abattre le capitalisme, fermer les centrales nucléaires et arrêter de manger de la viande. On est allé prendre la température à la marche des jeunes pour le climat.

Vendredi 15 mars, dans 2000 villes à travers le monde, les jeunes ont massivement séché l’école et se sont mobilisés dans une grève scolaire pour le climat. Ils étaient entre 29 000 et 40 000 à Paris, majoritairement collégiens et lycéens. Cette mobilisation répond à l’appel du mouvement international « Friday for future », initié par Greta Thunberg. La jeune adolescente suédoise de 16 ans, diagnostiquée Asperger, manifeste tous les vendredis devant le parlement de son pays depuis six mois.

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« On ne reconnaît pas la voix des lycéens et on a l’impression qu’elle est beaucoup moins importante alors que la jeunesse c’est le futur », s’indigne Émilie, 15 ans. Le mouvement des « gilets jaunes » et ses débordements occupent l’attention. Les jeunes ne se sentent pas écoutés. « On veut que le gouvernement reconnaisse le mouvement qui a été initié par les lycéens. On marche et on entreprend des choses, à l’échelle de notre lycée, de la ville et du monde », appuie la jeune fille. Loin de se laisser démonter, les élèves du secondaire se sont mobilisés comme jamais. Ils ont déchaîné leur bonne humeur toute l’après-midi entre la place du Panthéon et l’esplanade des Invalides. Dans la marche, les pancartes sont presque aussi nombreuses que les manifestants et des revendications très fortes tentent de se faire entendre. Les ados veulent en finir avec le capitalisme, consommer moins de viande, fermer les centrales nucléaires, être mieux informés et pourquoi pas apprendre aux garçons à quoi sert le clitoris.

« Désolé papa maman je sèche comme la planète ». C’est le message qui orne la pancarte d’Aïssatou, 15 ans, en troisième au collège Robert Doisneau dans le 20e arrondissement. « Tout le monde n’a pas séché », regrette-t-elle. « Le gouvernement devrait mieux utiliser son argent et s’occuper des choses prioritaires. Il faut fermer les centrales nucléaires », lance Aïssatou. « S’il y a d’autres occasions de sécher pour venir donner notre opinion, il n’y a pas de souci », affirme-t-elle, déterminée.

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Aïssatou, 15 ans, élève de troisième au collège Robert Doisneau dans le 20e arrondissement de Paris.

Le fait que l’activité humaine réchauffe l’atmosphère et mette en péril la mer préoccupe fortement la jeunesse. C’est donc naturellement que les allusions facétieuses à la pollution des océans fleurissent partout dans le cortège. La formule a essaimé aux quatre coins l’Île-de-France. Thibaut, 14 ans, marche avec une pancarte « Faut pas niquer ta mer ». Une version plus policée du hit de la mobilisation qui conjure plutôt les autorités de cesser cette pratique. « On est un groupe de six et on l’a faite tous ensemble », nous prévient le garçon, en troisième au collège Rameau de Versailles. « C’est inspirant et ça reflète la jeunesse », coupe son amie qui assume la formule. Pas évident de sécher les cours dans la ville royale où la petite bande fait figure d’exception. Peu de Versaillais sont venus marcher. « Leurs parents ont refusé parce que Paris c’est trop dangereux et les autres trouvent que manifester pour le climat n’est pas très utile », nous explique l’amie de Thibaut.

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Thibaut, 14 ans, élève de troisième au collège Rameau de Versailles.

Maë, 14 ans, est en troisième au collège Gambetta dans le 20e arrondissement. Elle se promène avec sa pancarte sur laquelle on peut lire : « Ta mer est chaude comme la planète ». Avec ses copines, elle a séché le sport pour venir à la marche. « Tout le monde a séché, on préfère sauver la planète plutôt que d’aller en cours. C’est plus important », nous explique-t-elle. Maë a conscience que le temps presse. Au dos de sa pancarte, la jeune fille a écrit : « Je suis sûre que les dinosaures aussi pensaient avoir du temps ». Elle propose des solutions : « Si je devais demander quelque chose au gouvernement ce serait qu’on recycle, qu’on arrête d’utiliser des moteurs à essence ou gasoil et surtout qu’on utilise moins d’électricité. Il faudrait éteindre les lampadaires, les lumières des magasins et celles des entreprises ».

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Maë, 14 ans, collège Gambetta dans le 20e.

« Sauvons le système, pas le climat », entend-on dans le cortège. C’est aussi ce que l’on peut lire sur la pancarte d’Anta, 17 ans, en terminale au lycée Alexandre Dumas de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). « Tout le monde n’est pas intéressé par l’écologie, mais la majorité des élèves ont séché. On trouve ça inadmissible, en 2019, de ne pas faire plus d’efforts à l’échelle de la planète. Il faut agir maintenant et c’est déjà un peu tard », nous explique celle qui a décidé de venir à la marche plutôt que d’aller en cours. « Il faut mettre plus de budgets dans des infrastructures plus écologiques et les rendre plus accessibles, égrène-t-elle. Parce que c’est trop cher ». Anta, ne comprend pas que l’écologie puisse être réservée aux plus riches, elle nous confie qu’elle voudrait abattre le capitalisme. « Il faut changer tout le système économique », confirme-t-elle.

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Anta, 17 ans, en terminale au lycée Alexandre Dumas de Saint-Cloud.

« Même ton lycée Henri-IV est en grève Macron ! », lit-on dans le dos d’un jeune adulte. Les mèches blondes au vent, Camille, 18 ans, est élève en Cycle pluridisciplinaire d’études supérieures (CPES) à l’université de recherche Paris-Sciences-et-Lettres (PSL). Ses mystérieux acronymes désignent une formation très sélective, dont la première année se déroule au sein du prestigieux lycée Henri-IV, dans le 5e arrondissement. C’est l’occasion d'apprendre ce qui se passe chez les premiers de la classe. Ceux qui, quoi qu’il advienne de la planète, se savent promis à un bel avenir. « Ça dépend pas mal des filières, mais il y a une grosse mobilisation à Henri-IV, affirme Camille. Il y a des gens très motivés avec nous, notamment en BL et AL ». Derrière ces formules obscures, comprenez : même les machines à concours qui préparent l’inaccessible Normale Sup’ se soucient de l’environnement au point de rater des cours. Difficile de prendre la future « élite de la nation » pour une bande d’idiots et les élèves d’Henri-IV se sentent roulés par le gouvernement. « Là il y a un ministère de la transition écologique, mais on a un peu l’impression qu’on essaie de faire de l’économie et de la politique pour régler nos problèmes et que l’on regarde seulement ensuite ce que ça donne d’un point de vue écologique. Alors que l’on devrait faire l’inverse et remettre l’écologie au centre des débats », analyse l'élève.

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Camille, 18 ans, est élève en Cycle pluridisciplinaire d’études supérieures à l’université de recherche Paris-Sciences-et-Lettres.

Émilie, Isis et Bianca ont bricolé leur pancarte : « Il ne reste même plus une goutte d’eau pour Ninho ». Pour Émilie, la référence coule de source. « Ninho, en ce moment j’ai envie de te dire : tout le monde écoute. Le titre Goute d’eau c’est un truc qui parle à tous les jeunes ». Elles ont 15 ans et sont en seconde au lycée Maurice Ravel dans le 20e arrondissement. « Les trois quarts de la classe ont séché », clament fièrement celles qui ont renoncé à une sortie scolaire au théâtre. « Ce n’est pas une question de préférences. C’est un besoin de venir ici », justifie Émilie. Elle veut fermer les centrales nucléaires, mais aussi changer de mode de vie. « À son échelle personnelle, il faut réduire sa consommation de viande et arrêter d’acheter des vêtements de grandes chaînes ». Elle cite deux géants mondialement connus du prêt-à-porter, l’un espagnol, l’autre suédois. « Il faut faire du boycott parce que ça n’est plus possible pour les droits de l’Homme et l’impact hyper néfaste sur la planète ».

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A droite, Emilie, 15 ans.

« Bouffe mon clito, pas mon climat ». Le slogan s’étale sur la pancarte fièrement arborée par Chloé et Mina, élèves en seconde, âgées de 15 et 16 ans. Les filles tiennent à expliquer ce double message. « Le clitoris, plein de garçons ne savent pas ce que c’est, ni où ça se trouve ni à quoi ça sert. Ce n’est pas dans les manuels scolaires. On a aussi une démarche féministe ». Pour les deux jeunes lycéennes, la marche est une intersection où les luttes doivent se rejoindre. « Même si on dit que les femmes ont autant d’importance que les hommes, on se rend compte que l’on connaît beaucoup moins les femmes. Il y a un manque de communication ». Pour elles, ce sont les lacunes dans l’éducation qui sont en cause en matière d’écologie comme de féminisme. « On veut aussi avoir connaissance des dégâts écologiques parce que c’est notre futur et on est tous concernés ».

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Chloé et Mina, élèves en seconde, âgées de 15 et 16 ans.

« Donnez autant d’attention au climat qu’aux Kardashian » a écrit une adolescente sur son bout de carton. Marjolaine, 15 ans, étudie en troisième au collège Deux-Sèvres où toute sa classe a séché. « Récemment, il y a eu plein de News sur les Kardashian parce Jordyn Woods, la meilleure amie de Kylie [Jenner NDLR], elle a couché avec le mec de sa sœur [Khloé Kardashian NDLR] », détaille Marjolaine. Sa connaissance des potins people ne traduit pas un réel intérêt. « Ça a fait plein de polémiques alors que le climat n’en fait pas assez donc je voudrais dénoncer ça ». Dans la folle course au clic actuelle, les ados ne sont pas dupes et veulent être informés. Ils en ont ras le bol d’être inondés de merde par des médias en quête de rente publicitaire.

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