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Pour les élèves du secondaire, le vendredi 15 mars n’est qu’un début

« Si on faisait ça juste pour manquer l’école, on resterait chez nous. »
Pour les élèves du secondaire, le vendredi 15 mars n’est qu’un début

Les représentants de cinq écoles secondaires de Montréal. De gauche à droite, en partant du haut : Annabelle, Zachary , Rémi, Maia et Sara. Amita, Estelle, Zoé, Eva-Love, Mathilde et Fanette. Azure, Béa et Léo. Photo : Thomas Chabot

« On demande pas quelque chose d’extraordinaire, on veut juste un futur! » dit Estelle en ajustant le cercle vert qu’elle a épinglé sur son t-shirt. On est même plus adultes que les adultes en fait, parce qu’on prend nos responsabilités! » Le groupe acquiesce en riant.

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Ils ont entre 14 et 17 ans, et ils représentent près de 4000 élèves de l’École internationale de Montréal, de Robert-Gravel, de FACE, du Collège de Montréal et du collège Ville-Marie. Ce mercredi soir, ils se retrouvent chez Zachary pour planifier la marche du 15 mars, mais surtout, pour parler des grèves qui vont suivre.

Car les élèves du secondaire ne comptent pas s’arrêter là.

« La Commission scolaire va être souple pour ce vendredi, mais il faut qu’on s’organise pour la suite », dit Sara. Il est question de l’organisation des examens avec les professeurs : il faut les convaincre de déplacer les tests et d’aider les élèves qui participent aux marches à rattraper les cours. Chacun est aussi invité à prendre connaissance des codes de vie de son école pour savoir ce qu’il est possible de faire pour motiver les autres élèves à venir marcher tous les vendredis.

« Chez nous, c’est interdit de s'asseoir, de faire un sitting », dit Mathilde. « Oui, mais par exemple, je suis sûre que c’est pas dit que c’est interdit de s’allonger! » lui répond Zoé.

Ils discutent de ceux qui disent qu’ils vont marcher le vendredi dans le seul but de rater l’école.

« Je sais pas pour vous, mais moi, ça me tente pas de manquer l’école », dit Amita. Ils hochent tous la tête. « On est rendus à manquer l’école pour ça, pour aller manifester, pour avoir une chance de peut-être ne pas mourir dans une vingtaine d’années, là. Dans un monde idéal, on serait pas en train de manquer l’école. »

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« Si on faisait ça juste pour manquer l’école, on resterait chez nous, ajoute Sara, et personne n’est fâché contre sa direction, ils font leur job. Je suis partie de l’école, je suis pas choquée qu’ils me mettent une retenue, mais l’affaire, c'est qu’on assume. »

« Oui, ils ont mis le nom du directeur dans un article qui parlait des retenues, mais c’est pas sa faute au directeur, il a été obligé de réagir! » dit Annabelle.

Justement, ces retenues, les élèves du secondaire aimeraient pouvoir en faire quelque chose. Pendant ces heures de retenues, la plupart doivent ne rien faire, d’autres doivent copier des textes. Les idées fusent : « Oui, faites nous faire du compost! » « Pourquoi on ne ferait pas les devoirs qu’on a manqués?» « On pourrait aller ramasser les déchets de toute l’école! »

« Je sais que les retenues, ça doit être des punitions, dit Maia, mais c’est un nouveau mouvement, puis on se bat pour notre futur! »

« C’est ça, poursuit Béa, “On va vous punir parce que vous voulez vivre!” »

« Exact, ce serait beau de pouvoir avoir accès à nos devoirs, dit Azure. Vous voyez qu’on veut travailler! Y a des profs qui le voient bien. »

« Oui, nous c’est un secret, mais notre prof de français nous corrige nos textes et nos bannières », dit l’un des élèves. « À notre école aussi! Un prof nous a donné plein de peinture pour les banderoles, mais faut pas le dire », dit un autre.

Zachary change de sujet en proposant une liste de défis potentiels qui pourraient être lancés chaque semaine à la fin de la marche, pour prouver que les élèves veulent poser des actions concrètes. Dans la liste, il suggère de baisser sa consommation de viande, jusqu’à devenir végé ou végane.

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« Nous, on a de la chance, la dame de la cantine est tellement nice, si tu prends l’option végé, t’as la possibilité d’avoir un plat gratuit », explique Amita.

Ils discutent également de l’idée de prendre plus souvent les transports en commun, et de marcher jusqu’à l’école. Au passage, ils se moquent de ceux qui utilisent trop leurs voitures : « Ouais, ça me gosse, les jeunes qui veulent juste faire des tours de char pour le fun! » dit Rémi. Ils rient. « Ouais, nous on veut faire des tours de bus! » « En plus, y a le wifi dans le bus maintenant! »

Fluffy, le chat de Zachary, interrompt la discussion en faisant une entrée de star au milieu du salon : on s’émerveille, on tend les bras pour essayer de le caresser, mais il refuse tout contact et quitte la pièce après avoir lancé un regard méprisant à l’assemblée. La conversation reprend.

On parle maintenant de questions philosophiques et de recherche du bonheur : « Épicure, c’était un grec qui disait : « Yo, le but de la vie, c’est d’être heureux », on veut tous être épicuriens ici, dit Léo. Le but fondamental d’une espèce, c’est survivre, puis on est en train d’aller à l’encontre même de ce but, poursuit-il, on est en train de se détruire, et c’est crissement cave. »

« Et la planète meurt pas, c’est nous qui allons mourir! » ajoute Fanette.

« Mais c’est pas trop tard, dit Eva-Love, le seul outil dont on a besoin, c’est la détermination. »

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« Oui, on est la génération dernière minute, mais on peut le faire! » conclut Azure.

Les écoles de secondaire de Montréal prévoient de marcher tous les vendredis, jusqu’à ce que des mesures concrètes soient prises par le gouvernement pour la défense du climat.

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« Et si vous pensez encore qu’on fait ça seulement pour rater l’école, je sais plus quoi dire, soupire Maia. Entre les réunions, la préparation, la recherche sur les sujets et les marches, personne ne peut nous dire qu’on est lazy. »

En remettant leurs manteaux, ils se donnent rendez-vous ce vendredi 15 mars. Certains se retrouveront dès l’aube, pour bloquer les portes des écoles et permettre ainsi à tous les autres élèves de les rejoindre à 13 heures devant le monument de Sir George-Étienne Cartier.

Marie Boule est sur Twitter.