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Music

Avant de devenir le meilleur reporter français, Alex Jordanov a monté un club avec Ice-T

Et il a aussi enregistré un morceau avec Dr Dre.

Alex Jordanov avec Ice-T dans le New Jersey, juin 2015.

Des origines du rap aux reportages de guerre, Alex Jordanov a tout connu. Au début des années 1980, fraîchement diplômé d'une école d'ingénieur, le Français d'alors à peine vingt ans ouvre à Los Angeles une boîte de nuit fréquentée par Prince, Chaka Kahn et Madonna. Entre deux mondanités, celui que l'on surnomme « Super AJ » trouve le temps d'enregistrer un morceau avec Dr. Dre. À la fermeture du club, il devient peintre.

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En 1999, de retour en France, Jordanov décide d'être journaliste et intègre la bande de reporters du Vrai Journal, l'émission de Karl Zéro sur Canal+ mêlant humour et journalisme de terrain. Durant plusieurs années, l'homme au crâne chauve tourne des reportages sur l'intervention américaine en Irak ou les free parties belges. Suivront des documentaires sur le meurtre de Tupac ou le procès de Phil Spector. En parallèle, il écrit quelques piges de luxe, notamment pour le New Yorker.

Aujourd'hui âgé de 51 ans, Alex Jordanov vient tout juste de signer son retour aux affaires. Après deux ans d'enquête et d'entretiens à travers le monde, le journaliste publie ces jours-ci Merah, l'itinéraire secret, un livre fouillé sur le parcours du « tueur au scooter ». J'en ai profité pour discuter avec lui de têtes nucléaires bulgares, de journalisme français et de rap américain.

VICE : Avant d'être journaliste d'investigation, vous avez été artiste mais aussi patron de club à Los Angeles. On raconte notamment que vous avez enregistré un morceau avec Ice-T et Dr. Dre au début des années 1980.
Alex Jordanov : J'ai rencontré Ice-T dans le ghetto, à South Central, en 1983. Il dormait sur un matelas dans le garage de sa tante. Ensemble, on a monté The Radio, un club hip-hop. Ice-T s'est imposé comme MC, il animait les soirées. À l'entrée, c'est le chanteur des Red Hot Chili Peppers qui prenait les tickets. Il avait besoin de thunes. Un jour, la chaîne BET a décidé de faire un documentaire sur nous. À l'origine, la musique du projet devait être faite par des compositeurs dans les collines d'Hollywood. Très fier, du haut de mes 19 ans, j'ai dit au producteur qu'on pouvait produire un titre nous-mêmes et je lui ai promis de l'enregistrer pour le lendemain. Le soir même, Ice-T m'a emmené dans un quartier tout pourri, sur la 110e rue, au croisement avec Alameda Street. Il m'a présenté Andre [ Andre Romell Young, mieux connu sous le nom de Dr. Dre ], qui avait le même âge que nous. Avec sa boîte à rythmes, on a fait « boum boum boum » et on a enregistré le morceau. Bon, c'était pas terrible.

Que conservez-vous de cette période hip-hop à Los Angeles ?
À part un tour en prison qui était moyen, c'était une belle époque. Hollywood, c'est un zoo où le nombre d'animaux bizarres au mètre carré est élevé. Il se passe plein de choses. À 19 ans, la First Interstate Bank m'a dit que j'avais 100 000 dollars sur mon compte. Avec Ice-T, on a fait l'aller-retour à Tokyo pour manger des sushis. On a amené toute notre bande du ghetto, c'était n'importe quoi. À l'époque, grâce à un ami qui travaillait dans une compagnie aérienne, on pouvait prendre l'avion gratuitement. Autant te dire qu'on ne voyageait qu'en première classe ou en Concorde. Il y avait plein d'artistes et de musiciens qui habitaient dans mon loft à Hollywood : Grandmaster Flash, Melle Mel, Cold Crush, DST, Tone Loc ou Jean-Michel Basquiat. C'était un peu la Gare de Lyon. Il n'y avait qu'une seule règle : on ne rentre pas dans ma chambre.

Aujourd'hui, ça vous arrive encore d'écouter du rap ?
En France j'adore Kaaris, l'un des rares rappeurs avec Booba qui aient le sens du show. Il aime l'entertainment, ça va au-delà des rappeurs qui râlent sur la société. J'ai aussi beaucoup de respect pour Ärsenik et Oxmo Puccino, un immense poète français. Le reste, c'est des buses. En rap américain, j'aime bien Birdman. Et puis Ice-T, bien sûr. Un grand monsieur et un formidable acteur mais un mauvais rappeur. Lui-même le reconnaît – il préfère le metal. On prépare un documentaire ensemble. Ce sera sur le business du rap : comment se fait-il que des gens comme 50 Cent ou Dr. Dre, des Noirs qui sont sortis du street corner, se retrouvent au déjeuner des milliardaires avec Warren Buffet et Steve Forbes ? Lire l'intégralité de l'interview avec Alex Jordanov sur VICE