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Saura-t-on un jour qui est vraiment Kurt Vile ?


Toutes les photos sont de Marina Chavez.

Kurt Vile a passé ces dix dernières années sur le devant de la scène indie. Après avoir débuté sa carrière en 2005 chez les folkeux de War on Drugs aux côtés d’Adam Granduciel, Vile a sorti cinq albums solo. Du brumeux Constant Hitmaker au joyeusement décousu Wakin on a Pretty Daze, Vile n’a cessé d’évoluer, tentant sans cesse d’expérimenter avec les structure de ses morceaux. À en croire Kurt, son dernier album studio, B’lieve I’m Goin Down (qui sortira ce vendredi via Matador) est une version plus cohérente et plus mature de tout ce qu’il avait pu faire jusque là.

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Si l’on retrouve son style inimitable, entre fingerpicking nébuleux et solos flamboyants, Goin Down… met incontestablement l’accent sur la production et les paroles. Plus que jamais, les morceaux semblent appartenir à un même ensemble cohérent. Du très joyeux « Pretty Pimpin » qui ouvre l’album, à l’hymne paisible « Wild Imagination », qui le referme, les morceaux s’enchaînent naturellement, avec une souplesse et une fluidité désarmantes de naturel.

J’ai pu parler à Kurt, au téléphone, alors qu’il était en pleine répétition dans sa ville natale de Philadelphie. Pendant que le groupe jouait en fond sonore, j’ai discuté avec Kurt de son amour pour Philadelphie et de son personnage foncièrement relax.

Noisey : Avec ton nouvel album, tu t’éloignes plus que jamais de tes premiers disques, tout en retournant, paradoxalement, vers certaines sonorités qu’on trouvait à débuts. C’était volontaire cet équilibre entre le passé et le présent ?
Kurt Vile : Ouais, je vois ça comme une version plus travaillée de ce que je faisais auparavant, parce qu’à l’époque, je tentais plein de trucs à la fois, sans forcément avoir de vision claire et précise de ce que je faisais. Là, je suis arrivé à un mélange plus cohérent et plus mature entre folk et de rock électrique.

On se réfère souvent à toi comme à un musicien de Phiadelphie. Tu t’identifies toujours autant à cette ville ?
Je m’identifie à Philadelphie pour plein de raisons. Je m’étais d’ailleurs proclamé « Philly’s Constant Hitmaker » sur MySpace, même si je n’avais encore aucun hit à mon actif à l’époque. C’était plus une sorte de slogan déconneur, une réferencet au premier album des Rolling Stones, England’s Newest Hit Makers. J’ai mis Philly sur la carte, et moi avec par la même occasion. Je pense que c’est un scénario assez unique en son genre. Pour une fois, il n’est ni question de New York, ni de LA.

Dès qu’un musicien réussit, et qu’il n’est pas de New York ou de LA, qu’il vient d’un endroit plus inhabituel, on se réfère toujours à lui en fonction de ça. Genre : « le mec du Minnesota », tu vois ? C’est pour ça que j’ai ce lien avec Philly. Parce que les gens de Philly ont un accent assez bizarre et un sens de l’humour assez particulier. Je suis fier de représenter cette ville.

C’est justement très typique de l’humour local, se truc de t’auto-proclamer « Philly’s Constant Hitmaker » avant même que tu sortes quoi que soit.
Ouais, il fallait que je balance cette accroche avant que quelqu’un d’autre ne me la pique.

Quand on écoute ta musique, on a l’impression d’avoir affaire à quelqu’un de très détendu, relax. Tu es vraiment comme ça dans la vraie vie ?
Je peux être quelqu’un de relax, c’est un truc que j’aime bien chez moi. Mais je peux aussi l’être nettement moins. Parfois, je stresse aussi. Mais dès que je me mets dans la peau de mon personnage, dès que je monte sur scène ou que je me retrouve derrière un micro, c’est comme ça que je me sens. Après, est-ce que les gens ont la même impression, ça je ne sais pas.

C’est marrant de créer une sorte de mythologie autour de soi, de se fabriquer un personnage. Même si ça ne va pas aussi loin que quelqu’un comme Keith Richards, par exemple. C’est juste un truc en plus pour moi. Ça doit être dur de tenir son rythme tout le temps. Enfin, c’est sa façon de faire.

À l’époque où j’habitais encore à Philly, je me rappelle qu’il y avait déjà toute cette mythologie autour de toi. Mes potes parlaient de toi comme d’une créature légendaire, ils étaient là : « Wow, j’ai croisé Kurt à ce concert ». C’est bizarre pour toi d’entendre ça ?
Je me balade beaucoup. Parfois, les gens me saluent, mais ça n’arrive pas si souvent. Enfin, si les gens viennent me dire bonjour, mais j’aimerais qu’ils viennent encore plus vers moi ! Je suis un type normal. Je suppose que j’agirais de la même manière si je croisais un mec dont j’étais fan. Je dirais à mes potes : « Les mecs, je viens de croiser untel ! » Mais non, mec, viens me voir, c’est cool.

Okay, donc on va faire passer le mot. Saluez tous Kurt Vile et allez vers lui si vous le croisez.
[Rires] Bon, peut-être que je déconnais à moitié, hein ! Ne venez pas me saluer à chaque fois, juste une fois de temps en temps.

Quand j’écoute ton nouvel album, j’ai l’étrange impression que tu essayes de nous dire, en filigrane, quelque chose comme « vous ne voudriez pas être à ma place ». Je me trompe ?
Oui et non. Je ne dis pas ça ouvertement, il y a une part de satire là-dedans. Et comme dans toute satire, ça peut être pris dans n’importe quel sens. Du coup, en faisant ça, je dis aussi que j’adore la vie que je mène.

Un jour, je t’ai vu jouer « Puppet to the Man » d’une manière bien plus brutale et rapide que sur l’album. En concert, tu ne te sens pas lié par les versions studios de tes morceaux ?
C’est délicat. Je m’attache aux albums que je sors. Je l’intègre à fond, mais je ne peux pas faire du karaoké tous les soirs. À mon sens, tu ne peux pas complètement ignorer l’album que tu as sorti. J’essaye de trouver un entre-deux.

Pour finir, c’est peut-être une question clichée, mais qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’écoutais plein de trucs que je n’écoute plus beaucoup aujourd’hui. Quand on me posait cette question, je répondais Pharoah Sanders, Alice Coltrane et John Coltrane — période Spiritual. Avant ça, j’écoutais Jon Fine et Randy Newman. Parmi les trucs sortis récemment, j’écoute pas mal Grouper. J’étais très fan pendant un temps, et j’y reviens là. Courtney Barnett, également, j’adore son morceau « Depreston ». Il tourne en boucle.

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B’lieve I’m Goin Down… sortira ce vendredi 25 septembre via Matador Records.