Devenir un artiste radical en Chine est un projet ambitieux. Les censeurs ont banni des ondes radio le paroxysme de l’inoffensivité, à savoir Katy Perry, parce qu’ils ont estimé qu’elle était trop vulgaire (sans oublier que les autorités ont aussi fait disparaître l’artiste Ai Weiwei parce qu’il a posté des photos de lui à moitié nu sur Internet). Ça n’a pas empêché Ren Hang, un photographe chinois, de remplir son portfolio d’anus béants, de pénis en érection et de modèles se pissant les uns sur les autres. Ce qui est une bonne chose. Ren Hang parvient à désexualiser des corps nus en les transformant en sculptures humaines parfois drôles, parfois belles, parfois noueuses et poilues, qui donnent envie de se mettre tout nu avec ses amis, de se peindre la bite en rouge et de partir se promener sur les toits de Pékin. J’ai passé un coup de fil à Ren pour parler de son boulot.
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VICE : Pourquoi est-ce que chaque personnage présent sur vos photos est nu ?
Ren Hang : Les gens viennent au monde nus et je considère le corps nu comme l’apparence authentique d’une personne.
C’est pour ça que les corps ne sont pas présentés de manière conventionnellement « sexy », même si les photos sont sexuelles ?
Non, je ne prends pas de photo avec un but précis ou en suivant un plan particulier – je saisis tout ce que je peux attraper. Je ne me demande jamais si une scène est sexy ou pas quand je prends une photo.
OK, et pour la pisse ?
Encore une fois, je ne considère pas l’urine comme un sujet. Le modèle urine, et moi je shoote.
Bon, je peux déjà deviner la réponse à cette question étant donné que vous ne suivez pas de but précis, mais les bites, là : il y a un tas de bites. Est-ce une déclaration sur le patriarcat ou est-ce que vous aimez tout simplement juste les bites ?
Prendre des photos de pénis est sans intérêt. Mais je suis convaincu que les pénis en érection sont les plus beaux et les plus vrais des pénis. Certaines personnes vont même jusqu’à oublier qu’elles ont un pénis quand il n’est pas en érection. Mais je ne m’intéresse pas juste aux bites, j’aime tirer le portrait de chaque organe d’une manière fraîche, vivante et émotionnelle.
Qu’est-ce que vous trouvez le plus beau : le corps d’un homme ou celui d’une femme ?
Le genre n’est pas important quand je prends des photos, il l’est seulement quand je couche avec quelqu’un.
Quelle est votre opinion sur le sexe ? Vous pensez que c’est important ?
Ouais, je pense que le sexe est important, mais j’essaie de ne pas trop exagérer son importance. Après tout, le sexe fait partie d’une vie saine et normale, comme manger et dormir.
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C’est vrai. Qui sont tous ces modèles ? Vos amis ?
Oui, la majorité de mes modèles sont mes amis. J’aime les prendre en photo parce qu’ils me font confiance, ce qui me permet d’être plus détendu ; travailler avec des étrangers me rend nerveux.
Comment est chorégraphiée chaque photo ?
Je ne prévois rien avant de shooter. L’inspiration me vient quand je regarde mon modèle à travers le viseur. Je shoote, tout simplement. Même si la plupart du temps, les modèles suivent mes instructions au lieu d’agir par eux-mêmes. Donc oui, dans une certaine mesure, je suppose qu’on peut dire que mes photos sont chorégraphiées.
Quelle est la réception faite à vos photos en Chine ?
Mes photos, particulièrement celles montrant des corps nus, sont interdites dans les galeries chinoises. Exceptionnellement, celles qui ne sont pas explicites arrivent à être exposées, mais même avec celles-là, j’ai beaucoup de difficultés. Par exemple, une de mes expositions a été annulée par le gouvernement chinois pour « soupçon de sexe ». Un jour aussi, un visiteur a craché sur une de mes photos. Et ce ne sont que quelques exemples des problèmes que j’ai eus. Aucun éditeur chinois ne publiera mes livres, et j’ai déjà été arrêté alors que je shootais en extérieur.
Ce n’est pas frustrant ?
Eh bien, j’y suis habitué maintenant. Mais j’aime la Chine et j’aime prendre en photo le peuple chinois. Je suis né ici et j’ai toujours un lien très étroit avec ma ville de naissance. C’est vrai que mon art est entravé ici, mais plus je suis limité par mon pays, plus j’ai envie que mon pays m’accepte pour ce que je suis et ce que je fais.
Retrouvez le travail de Ren sur son site web
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