Dix ans c’est long pour le sport automobile, mais c’est encore plus long pour le Championnat du monde de Rallye (WRC), où dix ans de domination par des hommes nommés Sébastien – d’abord Loeb, et maintenant Ogier – ont poussé les fans, même les plus endurcis, à jeter un regard nostalgique sur le passé.
Cela fait maintenant une décennie que Richard Burns, dernier champion du monde Britannique en date, est décédé des suites d’une tumeur au cerveau, âgé de 34 ans seulement. Depuis, malgré les efforts du talentueux Nord-Irlandais Kris Meeke, personne n’a été capable d’égaler ses exploits. Le plus remarquable à propos de Burns est sans doute le fait qu’il a été champion alors que la WRC connaissait son âge d’or, une époque durant laquelle les constructeurs investissaient largement dans le sport et pouvaient se permettre de se payer le meilleur pilote du moment.
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On oublie souvent, à cause de la lutte acharnée pour le titre du Rallye RAC en 1995 entre les deux pilotes de Subaru Carlos Sainz et Colin McRae – aujourd’hui décédé – , que ce fut le jeune Burns qui finit troisième. Cette place sur le podium lui a valu un ticket d’entrée chez Mitsubishi, aux côtés de Tommi Makinen – le pilote le plus brillant de l’histoire du sport automobile jusqu’à ce que Loeb entre en lice – en 1996.
« On peut dire ce que l’on veut, c’étaient vraiment les années folles du rallye moderne, il y avait beaucoup de participants et des champions partout où vous alliez, raconte le photographe de McKlein, Colin MacMaster, un des amis les plus proche de Burns. Parfois, il y avait 20 voitures et au moins la moitié d’entre elles étaient capables de gagner. Quand on regarde bien les classements du championnat, les écarts étaient plus serrés parce qu’on ne gagnait que 10 points par victoire. Aujourd’hui c’est déjà arrivé qu’un pilote gagne le championnat avec 150 points. »
Richard Burns gagne son premier championnat en 1998, sur le Rallye Safari, et ne fera jamais marche arrière par la suite. Après le départ de McRae pour Ford en 1999, Burns prit sa place chez Subaru pour finir deuxième en 1999 et 2000, avec à chaque fois plus de points au compteur que lors de sa victoire en 2001, l’une des saisons les plus ouvertes de l’époque. A l’époque, Jon Desborough couvrait la compétition pour Channel 4. Il se rappelle le Grand Prix du Pays de Galles avec plaisir, un rallye que Burns avait gagné trois fois en 1998, 1999 et 2000.
« Ça s’est passé à la dernière compétition de la saison ; il y avait Colin, Richard, Tommi et Carlos, chacun avait sa chance » dit-il. « J’étais avec Zoe, la copine de Richard, et alors qu’on rentrait dans le parking, on a entendu à la radio que la voiture numéro 4, qui était celle de Colin s’était retournée. On s’est regardé, et on a tous les deux réalisé ce que ça voulait dire pour Richard parce que Colin était la plus grosse menace pour son titre de champion cette année-là ».
Sachant qu’il avait juste à finir, Burns roula tranquillement pour récupérer la 3e place et le titre, criant à son ami et co-pilote Robert Reid la phrase aujourd’hui mythique, « t’es le meilleur du monde ! », juste après avoir franchi la ligne d’arrivée.
On ne pouvait pas s’imaginer des personnalités plus différentes entre Burns et McRae, les deux chouchous de la presse britannique. Ça se voyait clairement dans leur manière d’aborder les courses. Burns, très méticuleux, était un modèle de sang-froid au volant et avait toujours une bonne vision d’ensemble, tandis que McRae ne connaissait qu’une vitesse – à fond la caisse. Cette stratégie, plus de risques pour plus de victoires, lui valut beaucoup de fans, mais il en goûta parfois le revers de la médaille, notamment lorsqu’en 2001, lors du final, il dût se contenter de suivre Burns jusqu’à la fin pour gagner.
« Burns n’a jamais été le champion flambeur que Colin était », confirme Desborough. Je me souviens que David Williams – le mec du Craven Motor Club qui l’avait découvert quand il était gosse – et son manager financier Alex Posten, avaient sorti le drapeau de l’Union Jack mais que Richard n’avait personne pour le tenir avec lui. Si ç’avait été McRae, il serait monté sur leurs épaules, le champagne aurait coulé et il aurait ainsi tout de suite montré pourquoi il était réputé pour être fêtard. Mais lui Burns, il lui manquait quelqu’un pour tenir le drapeau avec lui ! Au final un mec appelé Pete Wood, qui était producteur de l’émission de rallye sur Channel 4 lui a filé un coup de main. Tout était toujours discret, c’était comme ça avec Richard. »
« Richard était un pilote très technique et un professionnel accompli. Tout ce qu’il voulait, c’était être champion du monde de rallye et il se dédiait totalement à cet objectif », ajoute McMaster, l’ami proche de Burns. Il avait l’habitude de changer son roadbook tous les ans, ce qui avait le don d’énerver Robert Reid, mais s’il croyait que ça l’aiderait à améliorer ses performances alors il le faisait. Il faisait ses devoirs, se faisait coacher psychologiquement et prenait très au sérieux son régime alimentaire. Colin, lui, passait tout son temps à essayer de battre son record de vitesse – que ce soit sur une voiture de rallye, un kart, une moto ou un bateau, c’était un vrai addict de la vitesse. »
En 2002, Burns part chez Peugeot, et même s’il reste un habitué des podiums, et qu’il talonne Loeb en Allemagne, il ne réussit finalement pas à conserver son titre. Ce fut une année marquée par cette vision desespérée de Burns et Reid, sur le Safari, essayant vainement d’extirper leur 206 du sable alors qu’ils étaient si près des stands, pendant que leurs mécanos les regardent, impuissants.
Après avoir raflé tous les titres (pilote et constructeur) avec Marcus Gronholm en 2002, Peugeot n’était désormais plus le constructeur à battre la saison suivante. En 2004, débarquant au Pays de Galles avec ses toutes ses chances de gagner le championnat, après l’avoir dominé pendant la majeure partie de l’année, Burns passe un marché pour revenir chez Subaru aux côtés du futur champion Peter Sollberg quand il tombe malade. La compétition est terminée pour lui.
Burns aurait-il pu enrichir encore son palmarès ? Personne ne peut le dire, mais ceux qui ont eu la chance de le connaître ne doutent pas que son talent était unique.
« Les personnes qui ont une bonne coordination main-oeil sont souvent bonnes en sports de raquette, et pourtant Burns était affreusement mauvais au tennis, il n’arrivait pas à taper dans la balle ni à se déplacer sur le court », se rappelle Desborough. Mais dans une voiture, il était juste incroyable. Même quand il était gosse, il n’avait qu’une envie c’était de conduire ».