Armen Djerrahian (Photo – Michael Beauplet)
Des success-stories, on en connaît un paquet dans le rap game. Certaines sont médiatisées. D’autres, en revanche, se jouent à l’ombre des reportages télés et des pages glacées des magazines. Celle d’Armen Djerrahian, par exemple, est un cas d’école. Passé du BMX à la photographie, puis au vidéo-clip, formé auprès d’Alliance Ethnik, La Cliqua, Ideal J ou Booba, le Français a longtemps shooté la scène rap française avant d’aller conquérir les Etats-Unis. Ces dernières années, l’ancien freelance de Rap US, L’Affiche et Get Busy a ainsi réalisé des clips pour Ryan Leslie, Styles P et Jim Jones, a fait poser Usher en couverture de Vibe et a même travaillé avec Spike Lee le temps d’une publicité pour une marque de lunettes. De son appartement new-yorkais, on comprend alors qu’Armen Djerrahian est un de ces mecs qui pèsent.
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Noisey : Tu as commencé à photographier des rappeurs au milieu des années 90. Tu faisais quoi avant ?
Armen Djerrahian : Pour tout dire, le hip-hop m’a touché en 1982-1983 lors de la venue à Paris du New York City Rap Tour et d’Afrika Bambaataa. J’avais 13 ans, j’écoutais déjà beaucoup de funk et j’allais presque tous les dimanches à la Scala, qui était le seul endroit où les mineurs pouvaient entrer. À la même période, j’ai commencé à faire du BMX et, en 1991, ce sport va m’inciter à me lancer dans la photographie. J’écrivais dans un magazine spécialisé et ce dernier m’a permis d’illustrer par moi-même certains de mes articles. J’ai alors compris que ce qui m’intéressait, ce n’était pas l’écriture, mais l’aspect visuel. Ensuite, j’ai été objecteur de conscience et ça m’a permis, pendant deux ans, d’effectuer un service alternatif à l’armée dans lequel je pouvais exercer ma passion pour la photographie. En fait, je faisais des portraits de ministres toute la journée. Ça n’a pas été facile parce que je venais du BMX, du hip-hop et du graff, des milieux assez libres en fait, mais ça m’a permis de rentrer chez moi le soir et de m’exercer sur un matériel assez dingue. Quand tout ça s’est fini, le monde du BMX était en train de s’écrouler… Heureusement, le rap français, en tout cas celui qui m’intéressait, donc pas celui de NTM, IAM ou Assassin, commençait à éclore.
C’est avec La Cliqua que tu commences réellement à imposer ta patte. Comment s’est faite la rencontre ?
En 1994, un pote me dit qu’il faut que je rencontre un groupe qui s’appelle La Cliqua. Il me dit que ce groupe ne peut qu’exploser en raison du talent des différents MC’s, mais qu’ils cherchent un photographe et que je suis apparemment le seul qui puisse leur offrir l’imagerie souhaitée. Le soir-même, La Cliqua ouvre un concert d’House Of Pain, le lendemain, ils font un freestyle à Nova et je finis par les rencontrer deux jours après. C’est ce qui m’a permis d’entrer à L’Affiche et de me voir confier mon premier shooting avec un groupe de jungle.
Qu’est-ce qui te plaisait chez La Cliqua ?
Disons que c’est vraiment le truc qui m’a mis une gifle musicalement. Ça semblait être dans la même vibe que le hip-hop produit par les américains, avec des flows et des paroles que personne n’avait jamais entendu dans le rap français. NTM, Assassin et IAM, c’était quand même très conscient. La Cliqua, eux, rappaient la rue. En plus, au-delà de l’amitié, c’est une collaboration très importante pour moi parce qu’elle m’a permis de travailler avec tout le rap français, quitte à le faire gratos lorsque les artistes en question n’avaient pas de grosses maisons de disques derrière.
Tu es conscient que la pochette de leur album a toujours fait débat ?
Faut remettre les choses dans leur contexte : ce disque arrive en 1998, après Conçu pour durer, la compilation Le Vrai hip-hop et l’album solo de Rocca, presque disque d’or à l’époque. Autant dire qu’il y a trois albums essentiels avant la publication de celui-ci, né dans la douleur : deux artistes étaient partis, il y avait des embrouilles avec le label et les membres restants n’avaient plus la même vision musicale. Mais Rocca, Daddy Lord C et Raphael se mettent quand même au travail et, avec JR Ewing, on commence à piocher de l’inspiration dans les pochettes de heavy metal. Au-delà de la soul, on trouvait que c’était le genre musical qui avait les meilleures pochettes, de celles qui pouvaient rendre un groupe culte. On évoque aussi l’affiche du film Métal Hurlant avec cette guerrière sur un dinosaure en se disant qu’il faut que l’on développe un délire similaire. On a ainsi découpé la pochette en trois parties : comme Daddy Lord C faisait de la boxe, on a pensé à Pégase, Rocca, on l’a représenté à travers la figure de l’amazone et Raphael est représenté par la foudre parce qu’il défonçait tout une fois sur scène. Au final, ça a donné cette pochette qui toujours fait débat parce qu’il n’y avait jamais eu et il n’y a toujours pas de pochettes similaires dans l’histoire du hip-hop.
Pour La Cliqua, tu as aussi réalisé le clip « Les Jeunes de l’Univers »…
À l’époque, il y avait une véritable guerre entre Arsenal Records et Barclay, qui ne voulait pas que je fasse le clip. Les mecs voulaient un réalisateur confirmé, mais tous les synopsis qu’’ils recevaient ne convenaient pas. Ça ne correspondait pas à La Cliqua. Donc JR Ewing a forcé le truc et m’a dit qu’on ferait quand même le clip ensemble parce que j’étais le seul à bien connaître l’univers visuel de La Cliqua. À l’époque, j’avais monté un label avec Xavier de Nauw (Realeyez), LE photographe attitré de L’Affiche. Il avait déjà l’expérience du plateau parce qu’il avait réalisé le clip de « Viens voir le docteur » de Doc Gynéco. Je lui ai donc demandé de m’assister et on s’est lancé dans le projet en demandant de l’aide à notre entourage. Le petit qui joue dans le clip, par exemple, n’est autre que le petit frère d’un pote. On a tourné dans le square de Barbès à une époque où aucun clip de rap ne se tournait là-bas parce que le quartier était en plein Paris. Et pourtant, c’était tendu, il fallait des autorisations de tout le monde, des jeunes du quartier ou autre. On a aussi pris une voiture, une caméra 16mm et on a fait le tour de toutes les banlieues de Paris histoire que toutes soient représentées et figurent dans le clip. « Je représente, nous représentons. »
Tu avais un gros budget pour réaliser un tel clip ?
C’est difficile de comparer avec un budget de clip actuel parce qu’on tournait en film et que l’on parlait en francs. Aujourd’hui, ça représenterait environ 35 000 euros, mais ça pourrait se faire de façon nettement moins coûteuse avec le numérique ou autre.
Et pour « Hardcore » d’Ideal J, le budget était plus conséquent ?
Non, j’avais moins de budget parce qu’on ne savait pas si le clip allait passer à la télé. La situation était compliquée, d’ailleurs. En plus d’Arsenal et Alariana, on bossait aussi avec Barclay et le label pensait que le morceau ne passerait pas à la radio. Du coup, il ne voulait pas produire un clip qui aurait toutes les chances de ne jamais passer à la télé. Mais une fois de plus, JR Ewing a forcé le truc et « Hardcore » est devenu le titre culte que l’on sait. Il y a même eu deux clips. Le mien, l’officiel, et celui que JR Ewing avait fait pour choquer. Il venait de se faire opérer des ligaments croisés, il était chez lui et se faisait chier. Alors il a enregistré ce qui lui semblait le plus choquant à la télé. Tout le monde fait ça sur le web aujourd’hui, mais, à l’époque, c’était une première. D’autant qu’il le faisait sur des bandes VHS et qu’il en avait collecté une petite centaine. Quand il m’a montré le résultat, je ne voulais d’ailleurs pas réaliser le clip. Pour moi, c’était impossible de faire mieux, d’avoir la même force visuelle. Il se passait tellement de choses dans l’actualité qu’on ne pouvait que trouver de l’inspiration.
L’idée de départ, c’était quoi ?
L’idée est venue d’une question : si, demain, il y avait une troisième guerre mondiale, quelles personnes seraient postées sur le front ? Selon moi, ça ne pouvait être que des personnes similaires aux membres de la Mafia K’1 Fry. J’ai alors l’idée de tourner dans Paris avec des tanks et d’autres trucs complétement dingues pour donner une ambiance digne de la Révolution française. Mais ça coûtait trop cher, il a fallu adapter nos idées au budget. Avec Xavier, on pense alors à Larry Flynt, le film réalisé sur le patron du magazine Hustler, où le personnage principal se pointe au tribunal avec un T-shirt «I wish I was black », et on se dit qu’il faut reprendre l’idée pour Kery James et lui faire porter un T-shirt « I wish I was white ». Dans le clip, on voit aussi un hommage à ce tirailleur sénégalais de 104 ans, Abdoulaye N’Diaye, décédé un jour après avoir reçu sa légion d’honneur. Pour la petite histoire, l’acteur qui joue ce rôle dans le clip n’est autre que le père du petit garçon dans « Les Jeunes de l’Univers ». Comme quoi, on faisait tout en famille.
Dans le clip, on retrouve également l’ambiance de la pochette de l’album, Le Combat continue…
Si tu veux, le dos de la pochette devait être la cover originale. On avait fait appel à un homme d’origine africaine, l’oncle de DJ Mehdi en l’occurrence, et on l’avait enroulé dans le drapeau français. Mais ce n’était pas assez fort, selon moi. Alors, je lui ai demandé de serrer le drapeau le plus fort possible, comme si la France lui appartenait, et on a retenu cette image. L’idée, c’était de choquer, il fallait être violent. Ministère A.M.E.R. l’était aussi, mais c’était compliqué de choquer la France sans couper la tête de Marianne ou autre. Donc on s’est attaqué au drapeau.
Pour L’Affiche, tu as également photographié un nombre incalculable d’artistes. Tu as des souvenirs plus marquants que d’autres ?
Il y a en deux qui ressortent clairement. Le premier, c’est ma rencontre avec Jay-Z, que j’ai eu la chance de shooter deux fois. La première fois, c’était à l’époque où il faisait la première partie des Fugees. Personne ne savait qui il était et personne ne savait que Reasonable Doubt était un album de malade. De mon côté, je savais que c’était le pote de Biggie et je connaissais son histoire. J’appelle alors Olivier Cachin et je lui dis qu’on ne peut pas passer à côté d’un tel artiste. Il fallait qu’on ait une photo de lui avant qu’il ne devienne trop gros. La photo validée, je prends contact avec son management et on me dit qu’il part pour l’Angleterre à 13h et qu’il ne peut me consacrer que cinq minutes. Pas de souci. Il sort de l’hôtel, je tire à peine dix photos et on en publie une. Celle qu’il finit par racheter après avoir vu le magazine pour illustrer le EP Wishing On A Star.
Le deuxième souvenir, c’est à l’occasion du second album du Wu-Tang Clan. Avec Xavier, on a fait pas mal d’allers-retours pendant un mois entre les États-Unis et la France, et, avec sa caméra VHS, on filmait tout ce qu’on faisait. Ce n’est jamais paru, mais on a un véritable documentaire de 52 minutes sur le Wu-Tang avec des images d’ODB complètement folles, de RZA en train de faire des beats dans sa chambre ou d’un concert qui part en couilles sur scène entre les membres du groupe et d’autres personnes. À l’époque, on était en contact avec Canal pour le diffuser, mais la chaîne venait de connaître un flop avec un documentaire sur IAM….
À l’inverse, j’imagine qu’il y a des artistes que tu aurais aimé photographier ?
Bien sûr ! Ne pas avoir shooté Big Punisher reste mon grand regret. C’était mon rappeur préféré, je devais aller le rencontrer à l’étranger, mais il y avait un problème à l’époque avec ces labels qui donnaient ou ne donnaient pas d’argent aux magazines pour réaliser des articles ou autre. Du coup, ça n’ ajamais pu se faire. Cela dit, le plus grand regret, c’est sans aucun doute le jour où je pars à Londres pour photographier Biggie. Arrivé à l’aéroport, on me dit de faire demi-tour parce qu’il a été tué la veille. J’ai fini par apprendre qu’il avait tout annulé et que, de toute façon, j’allais à Londres pour rien, ça reste l’une des plus grosses déceptions de ma vie.
En parallèle, tu entames aussi une longue collaboration avec Booba.
La rencontre avec Booba, ça remonte à 1994, à l’époque où il trainait beaucoup avec La Cliqua. Ali et lui étaient déjà potes, ils avaient déjà monté Lunatic et faisaient les backs de Daddy Lord C. Au bout d’un moment, ils ont fini par aller voir les mecs d’Arsenal pour leur signaler que, soit ils intégraient le collectif, soit ils signaient ailleurs. Comme le label n’avait pas les moyens de produire Lunatic, Ali et Booba se sont tournés vers Beat 2 Boul et Time Tomb. Et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à réaliser leurs premières photographies. C’était pour L’Affiche, dans le cadre d’un gros dossier autour de Time Bomb. Comme ils me connaissaient depuis l’époque de La Cliqua, ils respectaient mon travail. Et on est resté en contact par la suite. Pour Temps Mort, je me suis d’ailleurs occupé des deux pochettes CD, tandis que Xavier s’est occupé de shooter Booba dans un cimetière américain pour le vinyle.
Tu n’as pas réalisé celle de Panthéon, mais tu es revenu pour faire celle de Ouest Side, peut-être sa pochette la plus mythique.
Pour Panthéon, je n’étais pas là et Booba avait rencontré des mecs qu’il aimait bien. Mais on a été amené à retravailler ensemble pour une couverture de Groove. Après le shooting, il me demande de passer en studio pour me faire écouter Ouest Side et on est parti sur une nouvelle collaboration. Il est d’une telle arrogance dans ce disque que j’ai tout de suite pensé à ceux qui allaient le jalouser. Un peu comme cette fameuse image de Malcolm X, je voulais représenter cette éventuelle parano de sa part. C’est né assez vite, finalement. Pareil pour le clip de « Boulbi ». On était dans sa voiture, on racontait des conneries et on a commencé à penser à tout ce délire. C’est super agréable de bosser avec Booba parce qu’il est très impliqué dans tout ce qui concerne sa musique, il t’écoute en permanence et parvient toujours à s’inspirer de ce que tu peux lui dire pour se réinventer. Là où des mecs comme NTM ou IAM ont grandi et vieilli avec leur public, lui se régénère en permanence. Il n’y a qu’à voir ce qu’il fait avec OKLM : seul Kenzy, qui avait participé à la mise en orbite de Trace TV en parallèle du Secteur Ä, a tenté de mettre en place une telle structure.
Tu penses que cette collaboration t’a ouvert des portes ?
Clairement ! Avant Booba, il y avait La Cliqua, Ideal J, Different Teep, la Mafia K’1 Fry, Cut Killer ou Busta Flex, dont la pochette de Sexe, violence, rap et flooze est inspirée d’une photo de Miles Davis, mais il a indéniablement contribué à changer ma réputation. Après ça, les gens s’intéressaient plus concrètement à mon travail, à ce que j’avais pu produire par le passé. D’ailleurs, je commence à me demander si je ne devrais pas exposer mon travail….
Pour en terminer avec Booba, il y avait aussi ce fameux shooting avec Busy P…
J’ai connu Pedro quand il était encore un jeune skateur du Trocadéro. Je crois même qu’on a fait notre première soirée ensemble quand il a commencé à vouloir être DJ. Il était fan des Neptunes et de Timbaland et achetait absolument tout ce que ces mecs sortaient. C’est ce parcours atypique que j’aime chez lui : un fan de heavy metal, de skate et de hip-hop qui finit par produire la scène électronique branchée de France. Le shooting, lui, s’est fait dans le cadre des 25 ans de la Air Force 1. Comme j’étais un grand collectionneur de cette basket, les mecs m’ont contacté. L’idée, c’était de réunir des univers très différents. Pedro avait conçu sa basket, Booba aussi et on voulait leur faire enregistrer un morceau commun. Ce qui n’a pas été facile parce que Booba ne trouvait pas le bon flow pour rapper sur ce morceau, tandis que Pedro s’était mis une pression de malade pour composer le beat. C’était super important pour lui. De notre côté, on s’est inspiré de la photo de Michael Halsband avec Basquiat et Warhol et on l’a reproduite à notre manière. Je pense d’ailleurs qu’elle a tout pour être aussi classe que la photo originale.
Pourquoi ne pas avoir laissé une trace de toute cette période sur ton site ?
Parce que ces photos ont vieilli et ne relatent plus mon travail actuel. Ça fait dix ans que je ne fais plus uniquement des artistes, que je fais aussi de la mode et que ce n’est jamais bon de montrer ce que tu fais depuis le début. Il faut montrer ce que tu proposes aujourd’hui, convaincre les gens que tu es dans l’air du temps et pas bloqué dans une époque révolue. D’ailleurs, c’est pour ça que j’ai mis Stromae en avant sur mon site. Pour moi, c’est le véritable génie musical de cette décennie. J’ai d’ailleurs rarement pris autant de plaisir à travailler avec quelqu’un…
Même avec Spike Lee ? D’ailleurs, il n’a pas été trop difficile à diriger ?
Quand on m’a dit que j’allais faire Spike Lee pour une marque de lunettes, j’étais très content. C’est un personnage et j’ai vu tous ses films. Toutefois, on m’avait dit que ça serait un calvaire, qu’il ne ferait qu’une seule pose, qu’il ne me serrerait pas la main parce que je suis Blanc, etc. Et c’est vrai qu’il y un racisme revanchard contre l’Amérique blanche de la part de tous ces artistes afro-américains. En gros, soit t’es extrêmement riche et on respecte, soit t’es incroyablement fort comme Eminem, là où, en France, on te juge avant tout sur tes qualités. J’avais donc beaucoup d’appréhension avant de rencontrer Spike Lee, mais j’ai fini par y aller au culot et avec un profond respect, comme lorsque je prenais le RER pour aller shooter la Mafia K’1 Fry à une époque où aucun photographe ne voulait y aller. J’ai aussi eu la chance de débarquer à notre rendez-nous avec une casquette des Knicks, un club dont j’étais fan depuis gamin. En arrivant, il m’a demandé si je l’avais fait uniquement pour lui, mais il a fini par se rendre compte qu’il était face à un mec qui connaissait très bien l’histoire du club et du basketball. Du coup, on s’est mis à parler, de la ségrégation en France et en Amérique, et tout s’est bien passé.
Est-ce qu’il y a une différence de travail entre des artistes français comme 113 ou la FF et des mecs comme 50 Cent, Usher et Rick Ross ?
Oui et non. Ce que je peux affirmer, par contre, c’est que n’importe quel rappeur français est 10 000 fois plus intelligent que la plupart des rappeurs américains. Je sais que ça va faire scandale ce que je dis, mais je suis tombé sur des mecs vraiment stupides aux États-Unis. Un mec comme Rim’K par exemple a tellement plus de culture et de saveur dans son écriture, même quand c’est brut et méchant, que Rick Ross. Les Américains ont tellement grandi dans des milieux défavorisés, ils sont tellement des électrons de la machination dans laquelle ils ont grandi qu’ils manquent souvent de culture. Honnêtement, c’est très rare de rencontrer un rappeur américain qui va t’impressionner en interview. Il y a en eu et il y en a encore, mais ce n’est pas courant. Avec Sear, au sein de Get Busy, on a eu des interviews incroyables, mais la majorité des mecs avaient plus de choses à dire dans leur musique qu’en face de toi.
Dans ce cas, pour terminer, quelles ont été tes pires expériences en vingt ans ?
Je sors d’un procès de deux ans et demi avec un rappeur américain qui s’est servi d’une de mes photos, mais ce n’est pas à lui que j’en veux. Ce sont plus aux bras cassés avec qui il travaille. Du coup, ce n’est pas lié avec une expérience avec un rappeur en tant que tel… Disons que le pire est de photographier un type avec qui tu n’as aucun point commun, qui n’en a rien à foutre de toi et réciproquement. Cela dit, je n’ai jamais shooté quelqu’un dont je n’aimais pas la musique. Après, leur personnalité c’est autre chose… Mais, au final, j’ai bien plus de très bons souvenirs que de mauvais. Comme cette fois où je ramène des flingues à 50 Cent pour le convaincre de poser avec le reste du G-Unit pour une couverture de Rap US, à une époque où il ne faisait plus de photos. Comme Jay-Z également qui se balade dans les bureaux de Def Jam avec la double page de L’Affiche réalisée à l’occasion de la tournée Hard Knock Life. Dans la foulée, on m’appelle pour me demander de venir au bureau parce qu’il voulait me rencontrer. Et ça reste un excellent souvenir, même si, aujourd’hui, je prends plus de plaisir à faire des photos de mode et à rendre les femmes jolies qu’à photographier des rappeurs. D’abord, parce que certains font parfois ça depuis vingt ans et n’en ont plus rien à foutre, et puis parce que ça me permet d’avoir du temps pour faire des photos. Tu sais, à l’époque, tous les journalistes français prenaient le même avion, se retrouvaient dans la même chambre d’hôtel et recevaient les mêmes consignes de la part des labels : 5-10 minutes pour faire les photos. Va trouver une idée originale avec ça !
Apparemment, ça ne t’a pas trop dégoûté quand même. Il paraît même que tu serais de l’aventure si Get Busy reprenait du service…
Get Busy, ça été une expérience qui m’a permis de bosser avec des musiciens, des acteurs, des politiques ou des humoristes. C’était dur, mais on a bien rigolé. Là, c’est un peu plus compliqué, je suis quand même à 6 000 kilomètres de la France. Mais, en effet, il n’est pas dit que cette aventure soit finie…