Photos – Melchior Tersen
Avec sa mixtape A7 et le succès quasi-immédiat qu’elle a rencontré, le rappeur Sch a posé une solide carte de visite sur la table, achèvant d’installer un personnage et un style aussi uniques qu’identifiable. Voix complètement décalée, paroles pas franchement joyeuses et gimmicks décomplexés qui peuvent parfois rappeler certains volatiles. Le rappeur officie depuis 2006 mais c’est vraiment cette année que sa carrière a pris son envol, avec une signature chez Def Jam France et tous les avantages que cela implique, comme des interviews dans des jolis bureaux et des bouteilles de Ciroc gratuites. On a rencontré le Rye Gerhardt du rap français qui nous a expliqué comment la chenille s’était transformée en papillon.
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Noisey : Alors je me suis penché sur ton vieux skyblog, t’en as parcouru du chemin depuis l’époque.
Sch : Allez ! C’est fou. T’es arrivé à bien me remonter. À cette époque c’était pas trop élaboré. J’étais jeune, en terme de prod et tout, il se faisait pas ce qui se fait maintenant, autotune, on connaissait pas trop. C’était les moyens du bord, quoi. J’ai toujours été solo, même si j’avais des potes à Aubagne qui faisaient de la musique. Et puis il y a quelques années, j’ai rencontré le A et le M, qui sont 2 bons potos. C’est suite à ça qu’on a formé 13 miles 4.
Il y a eu une grosse évolution niveau dégaine aussi.
J’étais archi jeune, pas trop axé sur la mode, je savais pas qu’il fallait travailler une image avant de travailler la musique. Énormément de gel sur les cheveux, beaucoup de survets… C’était pas vraiment une dégaine en fait, c’était juste les habits qu’on foutait tous les jours pour descendre. C’est vrai que vestimentairement parlant, on était pas au point [Rires].
La comparaison caricaturale « Young Thug Blanc » tu l’as déjà entendue ? T’en penses quoi ?
Ben, ça me fait plaisir. J’écoute beaucoup le rap de l’autre continent et j’aime beaucoup Young Thug. Je m’inspire pas forcément de ce qu’il fait, mais quand tu écoutes beaucoup la musique de quelqu’un ça agit sur le cerveau. Les gens peuvent voir une ressemblance. Mais comme l’a dit Alkpote dans une interview à lui, j’assume pas le… Enfin, disons que lui, il vit bien son… hum [Rires]. Il a une manière d’assumer sa part de féminité et de la revendiquer, qui est bien plus grande que la mienne, je suis pas là-dedans du tout. Après c’est vrai que musicalement, c’est un génie. On était au concert de Kaaris mais on a pas eu l’occasion de se parler. À quoi bon ? J’aime sa musique mais je me vois pas faire de featuring avec lui, d’autant que ça a déjà été fait par des Français. Je préfère surprendre.
Tes influences ont toujours été plus américaines que françaises ?
Tout jeune, sous la barre des dix ans, j’écoutais les disques du daron. Joe Dassin, Eddy Mitchell, rien à voir quoi. Puis il y a eu l’époque 8 Mile, 50 Cent et Eminem, ça m’a mis une tarte énorme. Ça m’empêchait pas de toujours kiffer le rap français même si j’en écoutais moins. Là, j’écoute beaucoup Drake, Young Thug, Meek Mill. Mais aussi des vieux projets de rap français qui n’ont pas de date de péremption pour moi, comme Temps Mort. J’ai aussi beaucoup écouté Zekwe Ramos, quand j’avais 14-15 ans. Je trouvais qu’eux, c’étaient les mecs qui arrivaient à avoir du son à la ricaine mais fait correctement en français. Pareil pour Green, avec cette façon qu’il avait de gérer l’autotune. C’était rare. Je pense que ces gens-là étaient précurseurs de ce qui se fait aujourd’hui. Ils aurait dû être plus mis en avant.
T’es plus marqué par le rap parisien que marseillais en fait.
Carrément, ça me fait plaisir que tu soulèves ça. J’ai grandi dans le climat IAM, FF, Le Rat, j’ai beaucoup écouté Le Rat Luciano, mais de tout le reste, j’ai survolé que les classiques : « Demain c’est loin », etc. Mais « Ma Benz » de NTM ou « That’s My People » ça m’a percuté. Je voyais le rap de Paris un peu comme l’élite, c’est en grandissant que j’ai vu que l’élite n’avait pas de code postal. Suffit d’avoir de vraies idées.
Toi-même, tu te sens rappeur marseillais ou bien tu calcules pas ?
Je suis né à Marseille et j’y ai vécu jusqu’à 10 ans. Après je suis parti à Aubagne, j’ai fait mon collège là-bas et pour le lycée je suis reparti pour Marseille. Donc, Aubagne j’y ai passé réellement 5 ans. 5 ans sur un banc… Je me sens Marseillais vu que j’y suis né et à Aubagne je me sentais aussi à Marseille, parce que c’est la banlieue proche. Plus jeune, sans voiture, en se coltinant les trafics pour aller en ville, je me sentais banlieusard, parce que ça me paraissait loin. Mes influences viennent d’ailleurs mais mon rap est marseillais. Y’a pas cet accent parce que j’ai l’impression qu’on passe pour des cons dès qu’on s’en sert. D’autres le font très bien, c’est pas plus mal de le leur laisser. Perso, je me force pas, c’est devenu une habitude et c’est mieux d’être neutre. Juste à cause de ça, des gens pourraient ne pas m’écouter, même si c’est bête. Ça fait 3 ou 4 ans que j’ai plus d’accent quand je pose, même quand je te parle, là, j’ai l’impression de perdre de plus en plus mon accent d’en bas.
J’utilise pas non plus énormément d’argot marseillais, parce qu’il est ultra complexe à comprendre pour vous. Si tu parles à un Marseillais dans l’âme, le Nord pour lui c’est au-dessus de Lyon. Au-delà, limite plus personne nous comprend. En tant qu’artiste, ce que tu veux c’est l’exposition et c’est pas en se mettant des barrières de vocabulaire que tu vas te faire comprendre de tout le monde. Et encore, les jeunes commencent à propager le truc. Sur Marseille, ça commence à parler comme ailleurs, ça commence même à faire du verlan… Mais c’est différent. Au lieu de dire « regarde » on dit « vé » ; « vé ça, c’est trop méchant », c’est des trucs qu’on dit à longueur de journée, si tu mets un mec de Lille à côté il va dire « laisse tomber » [Rires].
Quand on te parle on s’aperçoit que tu fais un gros travail sur ta voix, avec aussi pas mal de gimmicks improbables…
Bien heureusement, c’est pas ma voix naturelle [Sourire]. Depuis tout tit-pe, quand je rappe j’ai la voix qui se casse, on me l’a toujours dit. Les gimmicks, au début je n’y faisais pas gaffe, mais j’ai compris peu à peu que c’était vraiment ce qui aide à caractériser ton son. Ça part de trucs archi-bêtes, d’ambiance : je suis en cabine, je fais un « wraaaah ! », pareil pour « mathafack ! » et du coup c’est vrai qu’aujourd’hui j’ai un joli petit pot pourri à disposition. Au final, ça se travaille avec le temps, tout comme la voix. Y’a des trucs que je pensais impossibles y’a 6 mois et y’en a que je découvre encore, c’est pour ça que je dis que je cherche mes limites, parce que je suis surpris à chaque fois.
Ça t’arrive d’écrire et de poser complètement sobre ?
Ça m’arrive très rarement. Quand je me lève, je bois mon café, je fume une clope, j’allume le PC, je roule un joint. Donc, dès le matin, on quitte déjà la sobriété. Bon, ça m’est arrivé d’être sobre pour 3 sons dans A7. C’est une manière différente de travailler. Ça met plus de temps à se mettre en route, mais c’est bien aussi. Tu approches la prod d’une autre façon. Et puis ça peut être un frein de se dire qu’on est bons que sous alcool, tu peux douter de toi-même. À quelques reprises, comme pour écrire et poser « Je reviens de loin », j’ai volontairement pas pris de teille ou de shit pour voir comment le texte sortirait, et je trouve que c’est des bons sons quand même. Des prods se prêtent à une certaine euphorie en cabine, mais à jeun, tu peux faire pareil qu’ivre, c’est juste du travail, de la comédie, un truc d’interprétation.
S’il y a trois ans on t’avait montré le Sch d’aujourd’hui, tu y aurais cru ?
J’ai 22 berges, je suis né le 6 avril 1993, Bélier ascendant Bélier [rires]. Y’a 3 ans, j’y aurais peut-être pas cru au niveau de l’évolution, mais même quand je rappais dans ma chambre tout seul, sur la vie de ma mère j’étais sûr qu’il allait se passer quelque chose. Pas à si grande échelle. Et je me serais pas imaginé faire des gimmicks fous comme ça. Avec le recul, je me dis qu’il y a une progression logique.
La phrase « Se lever pour 1200 euros c’est insultant » a été mal prise par certains. Tu peux revenir dessus ?
Je pense que ces gens n’ont pas compris. Je trouve que se lever un cul pas possible pour 1200 euros, pendant que des gens prennent des comm’ de 20 000 tous les mois, en faisant des graphiques dans des bureaux, etc. Y’a quand même une assez grande inégalité des salaires. C’est dans ce sens-là que je le dis, et surtout pas pour blâmer les gens qui se lèvent pour 1200, c’est eux les vrais héros, et pas les autres. Donc ouais, petite rectification pour ceux qui l’ont mal pris, c’était pour donner de la force, je suis avec eux. Je l’ai fait moi, tu as vu. Porter des palettes à 5h du matin à 0° sur un Fenwick, à l’extérieur avec un pétard au bec… Je l’ai fait et sur la vie de ma mère, c’est dur. De savoir que y’a encore des gens de 50-60 ans qui font ça et des petits jeunes qui vont faire ça toute leur vie, ça me révolte. Je me range de leur côté.
Quand tu pousses tes intonations, parfois ça aboutit un peu à une voix de Donald Duck, tu t’en es rendu compte ?
[Rires] Ouais ! On me l’a répété au quartier, y’a un poto qui m’a dit « Hé, on dirait un canard ». Quand tu te penches dessus et que tu tends l’oreille, c’est vrai que ça se rapproche ! Mais bon on n’est pas des canards, on dit ce qu’on pense [Rires]. Après c’était pas prévu, je pensais pas imiter un bruit d’animal. Pour moi c’est un cri « satanique », un cri de quelqu’un qui est possédé, habité, comme si quelque chose voulait sortir de son corps. Désolé pour ceux qui y ont vu le canard [Rires]. Ah, putain…
Par rapport à ce côté possédé, le délire « rappeur gothique », c’est un univers qui te parle ?
J’aime bien toutes ces inventions que les gens créent autour du mal, du diable, du 666, j’aime jouer avec ça. J’ai toujours été inspiré par des choses sombres. C’est ma peine qui m’inspire, c’est la nuit, donc ça se sent dans ma musique, ce côté négatif un peu « poétique », que je retranscris d’une manière un peu étrange. C’est ça que les gens kiffent chez Sch, cette noirceur qu’on comprend pas trop. Du mal ? Du bien ? J’aime créer ce mélange qui interroge l’auditeur. Nous on cultive cette image parce qu’elle me plaît. Je préfère rapper les flammes que les nuages. C’est un choix, et il appartient à chacun. Moi il me réussit, à partir de là je vois pas pourquoi j’irais rapper sur les bisounours.
Un clip comme « Massimo », si tu regardes bien, c’est même pas sombre, c’est décalé. Peut-être pas gothique, mais bizarre, les couleurs ressortent, etc. Et puis ramener 50 mecs on peut le faire, ça sert à rien. Pour au final dire quoi ? « Y’a du monde derrière » ? On n’en est plus là. Tu peux pas réussir tout seul même si les gens s’en rendent pas compte… C’est clair que tu te dirais pas « je vais mettre A7 pour partir en Espagne faire la route ». Je veux pas amener le public vers ce qui les ambiance habituellement, mais provoquer ce sentiment étrange : « le mec dit des trucs noirs et pourtant je bouge ma tête ». Ça se bosse. Si je voulais juste faire de l’ambiance je me prendrais beaucoup moins la tête lyricalement. Tu vois que le public est pas si bête, tu peux pas lui faire manger que de la merde. Quand tu te prends la tête, les gens sont 2 fois plus présents. On se serait pas imaginés que le public soit aussi réactif, quand on fait des shows, on voit qu’ils connaissent les paroles et savent qu’on dit pas n’importe quoi.
Le côté glacial quand tu parles de meufs, c’est voulu ?
À la base, je suis vraiment pas quelqu’un comme ça, mais j’ai été beaucoup déçu par la gent féminine. Une en particulier, parce que pour dire la vérité je suis pas non plus un Casanova. Donc une femme m’a beaucoup déçu, mais je me venge pas sur toutes les femmes, loin de là. Par contre j’aime mettre au grand jour ce côté « homme » de la femme. C’est beau qu’une femme dise tous les jours « faut pas être machiste, tout le monde sur un pied d’égalité », mais à ce moment là ça devrait être la même chose quand on parle de sexe. Une femme a la même sexualité qu’un homme pour moi, en tout cas celles que je côtoie aujourd’hui. Donc ouais, ce genre de lyrics ça vient de beaucoup de déceptions et de la volonté de montrer ce mauvais côté… Non, pas ce mauvais côté, ce côté masculin de la femme, simplement.
Ce qui revient aussi, c’est les déceptions au niveau des potes.
La trahison du proche, de l’ami… C’est indescriptible en vérité. Plein de fois dans ta vie tu vas être déçu par quelqu’un que tu aimes, je suis pas le seul sur Terre. C’est ça que je voulais faire passer, c’est vrai, ça revient pas mal… C’est dur à encaisser : tu es jeune, ça traîne à 10-15, du jour au lendemain vous êtes que 2, tu comprends pas. Je voulais retranscrire ce sentiment. La différence principale avec mes débuts c’est que je me suis beaucoup détaché des collègues. J’ai eu un déclic en fait, vers 18-19 ans. C’est pas les collègues qui te font avancer, qui vont rajouter des zéros sur tes chèques, t’apporter de la caille ou te mettre en avant. Si tu restes dans leur galère ils t’aimeront mais si tu en sors avant eux…
D’où les phrases « je serais à terre, tu me dirais rien », « on s’en ira, ils nous ont ni aimé ni aidé »…
Bon c’est aussi suite à des déceptions je te l’accorde. L’autre truc c’est qu’il y a énormément de rap avec des jeunes qui prônent une seule chose : la galère. Un tas de jeunes en bas d’une tour devant une caméra, c’est des copies de copies de copies. Si je m’étais lancé là-dedans je me serais enfoncé. Réalise d’abord tes objectifs, et après les collègues ils viennent à la tonne, tu pourras même faire ta sélection.
Tu as une technique particulière, notamment jouer sur les intonations pour faire rimer des mots qui ne riment pas normalement.
Carrément [Sourire]. Je me le permets de plus en plus et je le gère de mieux en mieux. Les gens vont beaucoup retrouver ça chez moi prochainement. Les Français font pas trop ça, et arriver à faire rimer ce qui rime pas. C’est pas prestigieux parce que bon, n’importe qui peut le faire, mais faut quand même se creuser la tête. C’est ça le charme du truc, ce côté magique.
Pour toi le texte est aussi important que l’interprétation ?
On arrive à une époque où les gens qui t’écoutent sont pas bêtes. Pour me comprendre, faut tendre l’oreille, je le sais. Le rap est vu comme une sous-culture qui appartient à des gens débiles. Donc commençons par bien tourner de vraies phrases et peut-être qu’on fera avancer les choses à notre échelle. Je suis beaucoup motivé par l’image. « Je vais te tuer » c’est sympa mais y’a 36 000 manières de le dire. « Je vais te faire rechercher l’air dans l’eau », tu as direct l’image du mec qui essaie de respirer. J’aime bien. Je sais que ce sera un travail sur le long terme d’éduquer mon public à me comprendre. Certains commencent à vraiment saisir mon délire. Une fois que tout sera automatique, tu fermes les yeux et tu vois un film dans ta tête. C’est le but.
J’aimerais que tu reviennes sur la genèse de deux morceaux : « Champs-Élysées » et « Rêves de gosse ».
« Champs-Élysées » c’est particulier, je l’ai fait avec Kore, synchro. J’écris le couplet et Kore me trouve un yaourt de ouf, qu’il pose en cabine, juste une vibe comme ça. Moi j’ai repensé à la phrase « gamos sur les Champs, il est pas loué », lui il devient fou en l’entendant, et c’est parti. Par contre pour les couplets, j’avais pas de yaourt. « Rêves de gosse » à l’inverse je l’ai fait tout seul dans ma bre-cham. Quand j’écris je suis pas un thème prédéfini. Le plus chiant c’est de trouver la 1ère phrase. Ensuite j’écris linéairement, bêtement, et c’est seulement à la fin, au bout de quelques heures ou quelques jours, que je m’aperçois qu’il y a une idée qui se dégage et je me dis « putain en fait c’était de ça que je parlais ». Mais à la base, j’en suis pas conscient, j’écris sans thème. À chaque fois je pète ma tête en me demandant quand ça va arrêter de me faire ça.
Le vieux qui n’arrête pas de se faire péter en contresens sur la A7, c’est un pote à toi ?
J’ai vu ça ! Peut-être qu’il a écouté le skeud et que des trucs de ouf lui sont passés par la tête. Il se passe des trucs de dingue sur cette route, avec des causes diverses à chaque fois. La A7 c’est l’autoroute de toutes les dingueries. C’est sympa de sa part, ça a apporté un truc en plus au projet [Rires].
T’es d’origine allemande, à la base tu t’appelais Schneider, ton aka c’est Götze, du coup tu soutiens quelle équipe ?
C’est le grand-père qui est venu de Berlin en France pour pondre le daron. Je suis pas trop un Footix, j’ai fait du foot très longtemps quand j’étais jeune puis la fumette m’a pris et j’ai délaissé le terrain de foot pour le terrain de shit. Ce qui m’a marqué chez Götze c’est l’image : le jeune espoir qui rentre sur le terrain, fait gagner son équipe mondialement et ressort avec la Coupe. Ça m’a plu parce que nous à la base on était rien, personne nous connaissait, et on a réussi à gagner quelque chose. Donc j’aime m’approprier l’image de Götze. Et puis… C’est l’Allemand ! Tu le vois en photo avec Rihanna, c’est frais.
T’aurais aimé être né à l’époque du France-Allemagne de 82 ?
Ah, quand il s’était passé une dinguerie, avec Battiston, tout ça ! C’est des trucs chauds t’as vu, c’est des rivalités, je pense aujourd’hui elles sont oubliées mais j’aurais aimé être né à l’époque, parce que quand mon grand-père m’en a parlé, wow. J’aurais voulu voir en direct cet arrêt, ce coup de genou, tout, magnifique. C’est légendaire.
Tout le monde t’a parlé du fait d’avoir tourné « Gomorra » au même endroit que « Le Monde ou rien » de PNL, mais ce qui m’a étonné c’est pourquoi vous n’êtes pas allés dans d’autres décors de la série à Naples ? Les gens t’auraient pas emmerdé.
Pour ma part, « Gomorra », le son je l’ai posé bien avant d’être au courant de leur clip. C’est vrai que comme tu dis on aurait pu tourner ailleurs en restant à Naples mais on s’est dit que les lieux n’appartenaient à personne, et ensuite, on a constaté qu’on aurait une approche différente au niveau de l’utilisation de la cité. PNL ils sont aux abords du tieks, dans les rues principales, et c’est plus leur cameraman, Kamerameha je crois, qui a filmé des inserts à l’intérieur du bâtiment. Nous on était logés chez l’habitant, on a pu se plonger dans La Scampia, c’était un bon moment… Du coup, on s’est dit pourquoi se mettre une barrière ? Je m’étais buté à la série et j’avais envie de prendre ces foutus décors. Et puis, ça a été un challenge aussi ! Le rap c’est du sport et PNL font des bons chiffres, du bon rap : c’était bien pour jauger. Si « Gomorra » était vraiment claqué, c’est simple, personne aurait fait gaffe. J’ai écouté « Le Monde ou rien », le son est bon, j’ai rien à dire là-dessus, mais la Scampia sert « juste » à illustrer ; pour mon morceau, tout tourne vraiment autour de la série, c’est différent et je pense que les gens l’ont compris. Quand la saison 2 va sortir je vais me plonger dedans pendant 4 jours et la manger vite fait bien fait car je manque de temps. Plus jeune, j’étais cinéphile à mort, j’en ai trop regardé mais je me rappelle jamais les titres, juste l’histoire.
Quel est ton perso préféré dans la série ?
Mon perso préféré… Écoute, je pense que dès le début la production veut nous mettre dans la peau de Ciro, jusqu’à ce qu’il faute. C’est quand même un jeune qui veut sortir de la merde, on lui fait des misères au sein de la famille, des belles misères et au final il n’a jamais ce qu’il veut. Je vais pas dire que je comprends ce qu’il fait, parce qu’on n’a pas le droit de faire ça, c’est intolérable, y’a un code. Mais il a quand même ce charisme que je respecte à mort, même si j’adore Conte aussi. Je reste sur Ciro de par ses couilles, sa façon d’avoir peur de rien, même de la mort.
Tu as lâché récemment « Morpheus », qui n’est pas dans ta mixtape, c’est une sorte de cadeau pour le public ?
A7 c’est la carte de visite, faut que les gens l’écoutent mais faut pas en faire le projet de ma vie parce que beaucoup de belles choses arrivent. « Morpheus » c’est pour dire « c’est en vente depuis une semaine mais t’inquiètes, on est là, tiens je t’envoie ça en plus ». Vu qu’on enregistre tout le temps, faut continuer. Ça nous aide à nous rappeler que parfois faire un simple freestyle ça a toujours autant d’impact. C’est filmé chez moi, y’a un playback à la gare St Charles et l’Hôtel Intercontinental, le plus prestigieux de Marseille, pour ceux qui connaissent. Encore un hommage à ma ville.
Jusqu’au choix du vin d’ailleurs…
C’est un Côtes de Provence ! On a le souci du détail parce que les gens tu peux plus les gruger. Ils demandent à te voir et ils veulent être surpris. Parfois tu peux aussi surprendre avec des choses simples.
Et dans le refrain tu balances une référence surprenante à Manon Des Sources.
Et ouais ! Ça c’est un vrai hug à Aubagne à travers Marcel Pagnol, à Daniel Auteuil et aussi à mon ex que j’ai perdue pendant la musique. Enfin je dis « perdue », elle est toujours en vie Dieu merci, mais je suis plus avec elle. Du coup big up à elle, big up à Marcel Pagnol [natif d’Aubagne] et big up à Daniel Auteuil, c’est une triple dédicace. Je trouvais que c’était une belle image : « Je t’ai cousue sur mon cœur, pute, comme Daniel Auteuil, mais je l’ai arraché, revenir plutôt crever d’orgueil ». Ouais on est des hommes, on a une fierté, on revient jamais nous ! [Rires]
Tu penses que ton doigt peut devenir aussi célèbre que l’orteil de Kaaris ?
Espérons qu’il le soit autant ! J’aime le symbole du doigt, ça représente les jeunes, ça représente tellement de choses. Tu as bien vu, sur la pochette je suis délesté de tout, je lève un doigt, je suis à nu, juste une lumière sur moi, mais la photo a un sens.
Cette pochette est aussi un clin d’œil au film Blow.
Carrément. J’ai beaucoup regardé de films de gangsters, celui qui m’a le plus choqué c’est Blow. C’est mon classique parce que Johnny Depp, parce que histoire vraie… Y’avait le parallèle avec « que le doigt », le mec fait ça quand il se fait péter la première fois par la police… J’invite les gens qui ne connaissent pas à voir le film. Et Public Enemies aussi. Il est bon cet acteur, il m’inspire pas mal. Deux grands films.
Ensuite, il y a la comparaison que tu fais entre toi et John Wick.
C’est beaucoup plus récent, j’ai regardé beaucoup d’avis, c’est pas forcément calibré classique du cinéma, mais j’aime l’image du mec qui peut déterrer sa haine. C’était l’époque du clip « On fait pas ça remix », j’avais exactement la même coiffure, dès que j’ai mis lecture j’ai fait « oh ! Il me ressemble ce fils de pute » [Rires]. La scène où il fracture le béton pour récupérer sa malle d’armes, j’ai dit ok j’ai la tête à John Wick. Je valide la noirceur du mec, la revanche sur soi-même et ses ennemis, sortir la vengeance du congélo… Ces étapes-là, c’est méchant à retranscrire !
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?
On peut me souhaiter un disque d’or pour A7, un appart pas loué sur les Champs… Je promets de belles choses, et on ne fait pas des promesses en l’air. Merci à vous aussi, de m’avoir consacré [il regarde l’enregistreur], 1h11 et 32 secondes de votre temps. À la prochaine pour de nouvelles aventures.
Yerim ne regarde jamais l’enregistreur. Il est sur Twitter.