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Le guide Noisey des meilleures sorties Dischord que vous n’avez (probablement) jamais écoutées

Dischord Bandcamp

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Void Faith Lurid Traversal Of Route 7 de Hoover Dag Nasty le premier EP de Teen Idles Flex Your Head Nation Of Ulysses Q And Not U

RAIN – La Vache Qui Rit (1987)
Groupe issu du « Revolution Summer » (mouvement né à l’été 1985 au sein de la scène punk/hardcore de Washington DC rejetant toute forme de violence et de sexisme pour se diriger vers une musique plus profonde et complexe), Rain n’a sorti qu’un seul et unique album, le très mystérieusement nommé La Vache Qui Rit, initialement publié sur Peterbilt Records, label de Guy Picciotto (de Rites Of Spring, qui rejoindra plus tard Fugazi). Un disque à l’opposé de sa pochette : frais, grisant et orageux, qui sonne bizarrement, avec le recul, très indie-punk anglais du début 90 (on pense en vrac à Mega City Four, à Ned’s Atomic Dustbin, voire même aux premiers Manic Street Preachers sur « That Time Of Year ») et sur lequel on croise Eli Janney et Scott McCloud, qui formeront plus tard Girls Against Boys.

SHUDDER TO THINK – Curses, Spells, Voodoo, Mooses (1988)
« Je suis une merde, j’écris des petites chansons sans intérêt, Shudder To Think, eux, ce sont des génies. » Une citation pour le moins radicale, qu’on ne doit pourtant pas à un obscur troubadour punk finissant ses soirées dans le caniveau mais au regretté Jeff Buckley, grand fan du groupe de Washington D.C. qu’il avouait avoir tenté d’imiter sur quelques-uns de ses morceaux. Un soutien qui ne suffira malheureusement pas à sortir Shudder To Think de l’ombre où ils sont restés confinés tout au long de leur parcours, malgré (ou à cause de, justement) une signature sur Epic en 1994. Restent six albums fabuleux, dont quatre sortis sur Dischord, parmi lesquels on retiendra le premier, Curses, Spells, Voodoo, Mooses (paru en réalité sur Sammich Records, label d’Amanda MacKaye, la jeune soeur de Ian, qui sera par la suite « absorbé » par Dischord), plus brut et moins sophistiqué que les suivants, et où les vocalises acrobatiques de Craig Wedren font déjà des merveilles.

3 – Dark Days Coming (1989)
Sans doute ce que Dischord a sorti de plus proche du pop-punk tel qu’on le conçoit aujourd’hui (comprendre : ultra-mélodique, hyper-enjoué et un rien crétin), même si on est tout de même beaucoup plus proche, au final, de Dag Nasty que de NOFX. 10 titres et que des tubes sur Dark Days Coming (dont la version CD contient en bonus les 11 titres de la première démo du groupe), unique album de 3 réunissant Jeff Nelson et la quasi-totalité des membres de Gray Matter – qui se reformeront l’année suivante, marquant, de fait, la fin pour le moins abrupte de ce très éphémère projet.

LUNGFISH – Talking Songs For Walking (1992)
Je vous vois venir : c’est bien gentil mon gars, mais Lungfish, on connaît. OK, regardez-moi bien dans les yeux et osez me dire que vous avez vraiment écouté un des douze albums de ce groupe dont les fans font clairement partie des gens les plus chelous et ingérables que j’ai jamais rencontré (outre le fait qu’ils n’aimaient que Lungfish et rien d’autre, ceux que j’ai connu vivaient dans des garages ou des garde-meubles et se nourrissaient exclusivement d’aubergines) ? Non, bien sûr. Alors commencez par Talking Songs For Walking. Ce truc est plus habité que mon appart’ et Daniel Higgs y déverse sa logorrhée verbale avec une vigueur propre à faire rougir un métayer aveyronnais.

CIRCUS LUPUS – Solid Brass (1993)
Un groupe qui sonne tellement Touch And Go (l’autre label post-hardcore US incontournable, fondé au début des années 80 à Chicago par Corey Rusk) qu’on en oublie souvent qu’il était signé chez Dischord. Difficile en effet de ne pas penser à Jesus Lizard, Shellac ou Girls Against Boys à l’écoute du noise-rock psychotique de Circus Lupus, groupe mené par Chris Thomson, l’ex-bassiste d’Ignition. Ne croyez pas pour autant avoir affaire à une vulgaire copie : personne à ce jour n’a su égaler les aboiements hargneux de Thomson ni le son de guitare au rasoir de Chris Hamley qui atteignent des sommets sur Solid Brass, deuxième et dernier album du groupe avant sa séparation fin 1993.

SLANT 6 – Inzombia (1995)
J’ai lutté pour ma survie dans le pit de plusieurs concerts de Slayer au début des années 90, j’ai perdu mes chaussures (deux fois !) sur la tournée Around The Fur des Deftones en 1997, je me suis fait brûler par un joint en slammant à un concert des Beastie Boys en 1998, j’ai vu Kickback une quinzaine de fois au cours des 20 dernières années, j’ai eu mon lot de concerts de ska envahis par des skins d’extrême-droite, et pourtant si je devais désigner le concert le plus malsain et le plus violent auquel j’ai assisté, ce serait de loin celui de Slant 6 donné au Jabberjaw de Los Angeles en 1994. La faute à une bande de fans de Nation Of Ulysses (Ian Svenonius, leur leader, était un proche de Slant 6, dont il a écrit plusieurs morceaux) débarqués en nombre pour distribuer les mandales au premier regard de travers. Bien qu’il ne me soit rien arrivé, voir ces trouducs anorexico-gominés déclencher des bastons tout au long de la soirée avec des emo-kids snobino-binoclards avait quelque chose d’à la fois surréaliste et complètement dérangeant. Déjà parce que, même s’ils ne s’habillaient pas de la même façon, ces types écoutaient visblement tous la même musique. Ensuite parce que se battre à un concert de Slant 6, groupe de surf-punk minimaliste qui sonne comme du B-52’s joué par des membres de la Famille Addams sur le matos de Bikini Kill (en vérité Christina Billotte -ex-Autoclave- Myra Power et Marge Marshall), c’est à peu près aussi incongru que de baiser en pyjama éponge sur du math-rock. Et enfin parce que s’il y a un album de Slant 6 qui mérite qu’on se batte, c’est le génial Inzombia qui est sorti l’année suivante. Mais j’imagine qu’à ce stade, les anorexico-gominés et les snobino-binoclards avaient déjà dû entrer à la fac et lâcher l’affaire.

SMART WENT CRAZY – Now We’re Even (1996)
Smart Went Crazy y étaient justement, eux, à la fac, et pas pour déconner. Ce qui explique pourquoi leur groupe ne tournait et n’enregistrait que pendant les vacances scolaires. Ce qui explique aussi pourquoi ils n’ont existé que trois petites années, entre 1995 et 1998 et n’ont sorti que deux disques, dont on vous conseillera avant tout le premier, Now We’re Even, petit chef d’oeuvre à mi-chemin entre indie-rock canal historique et post-hardcore faction dissidente, sur lequel on trouve, entre autres, l’imparable « Spy vs Spy », le sublime « Pallbearer’s Blues » et le très Pixies « Sugar In Your Gas Tank ».

THE WARMERS – The Warmers (1996)
Terreau particulièrement incestueux, la scène de Washington DC a vu naître pléthore de side-projects et supergroupes éphémères, de Egghunt (réunissant Ian Mackaye et Jeff Nelson) à Crownhate Ruin (formé par une moitié des membres de Hoover) en passant par les Warmers, discrète formation où se sont croisés Alec MacKaye (frère de Ian, ex-Faith, Ignition et Untouchables), Juan Luis Carrera (bassiste de Lois) et Amy Farina (batteuse de Lois, qu’on retrouvera plus tard avec Ian MacKaye dans The Evens) le temps d’un album qui sonne grosso merdo comme du Unwound période New Plastic Ideas (pas franchement la pire) et qui leur a valu de tourner avec Sonic Youth et Blonde Redhead (pas exactement les plus mauvais non plus).

HAPPY GO LICKY – Will Play (1997)
On reste dans les groupes consanguins avec Happy Go Licky, soit ni plus ni moins que les quatre membres de Rites Of Spring (parmi lesquels -faut-il encore le rappeler ?- Guy Picciotto et Brendan Canty, futurs Fugazi), mais sous un autre nom. Le groupe n’existera que quelques mois entre 1987 et 1988, et verra l’intégralité de sa production compilée sur ce Will Play, sorti quasiment 10 ans après leur séparation et regroupant, outre leur unique EP, divers inédits et enregistrements live (dont une reprise débridée du « White Lines » de Grandmaster Flash & Melle Mel et une impro sur le « Join In The Chant » de Nitzer Ebb).

JOE LALLY – Nothing Is Underrated (2007)
Vous connaissez évidemment Joe Lally, l’impassible et impressionnant bassiste de Fugazi (tous ceux qui ont eu la chance de les voir en concert le savent : la vraie star du groupe sur scène, c’était lui). Vous connaissez aussi très probablement Joe Lally, l’acolyte de l’ombre de John Frusciante (avec qui il a enregistré deux albums sublimes sous le nom d’Ataxia). Mais connaissez-vous Joe Lally, l’homme seul face à lui-même et sa propre personne, qui a sorti trois albums solo magnifiques entre 2006 et 2011, et dont le plus beau est sans doute ce Nothing Is Underrated tout en tristesse contenue et lignes de basse feutrées ? Non, je ne crois pas. Alors allez l’écouter. Allez l’écouter maintenant.


Au cas où vous ne l’auriez toujours pas intégré, le Bandcamp de Dischord est ici.

Lelo Jimmy Batista n’est ni sur Bandcamp ni sur Twitter mais il traîne régulièrement dans le coin.