Roxy Hervé, la photographe qui pénètre dans l’intimité des couples

Roxy Hervé, artiste parisienne de 27 ans résidant à Londres, photographie des inconnus dans leur intimité. Dans leur intimité sexuelle. Ses sujets ne sont ni des professionnels, ni des artistes, simplement des gens qui l’invitent dans leur chambre. Son projet photographique s’appelle Lovers, et selon elle, c’est une exploration « précise » de « la forme humaine et de son environnement ». Évidemment, on a voulu en savoir plus.

[Attention : certaines images sont légèrement NSFW.]

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VICE : Bonjour Roxy. Comment ce projet est-il né ?
Roxy Hervé : Un couple parisien m’a contacté et m’a dit : « J’aime vos photos et j’aimerais faire un shooting avec mon copain, seriez-vous intéressée ? » J’ai aussitôt accepté.

Que s’est-il passé après ça ?
Nous nous sommes rencontrés dans leur appartement, et ils ont commencé à me parler, sans détour, de leur relation. Nous avons passé toute la soirée à boire, et ils m’ont raconté des trucs super intimes que je n’étais pas censée savoir ; on ne s’était jamais rencontrés avant ça. Nous sommes devenus proches et j’ai fini par les prendre en photo dans leur chambre. J’ai aimé l’expérience et j’ai eu envie de continuer.

D’un point de vue technique, est-il difficile de photographier des gens qui se tortillent sur un lit ?
Ça l’est, en particulier si je me tiens debout au-dessus d’eux. Quand j’estime que ça vaut vraiment le coup, il m’arrive de leur dire : « Cette pose est vraiment sympa, ne bougez plus ». Mais en général, j’essaie d’anticiper leurs positions pour avoir le temps de prendre les bonnes photos. Mais on se parle beaucoup – c’est une collaboration.

Pensez-vous que les sujets agissent différemment quand il y a quelqu’un dans la pièce avec un appareil photo ?
Au début, peut-être – je sens toujours un peu de gêne, mais je la dissipe avec des plaisanteries. Je gagne peu à peu leur confiance.

Comment établissez-vous la confiance ?
C’est ce qui prend le plus de temps, en réalité. Dans le cadre du processus, je les enregistre. Je pose à chaque partenaire, de manière individuelle, la même question : « Vous souvenez-vous du moment où vous vous êtes rendu compte que vous aimiez l’autre ? Pas le moment où vous avez été attiré, mais celui où vous avez compris que vous l’aimiez vraiment, et pas seulement pour le sexe ? » Cela aide à instaurer la confiance, je pense aussi que ça aide que je sois une fille, les filles ne sont pas trop timides, ce sont surtout les mecs qui le sont.

Y a-t-il eu des gens que vous connaissiez personnellement ?
C’est arrivé deux fois. Je les avais déjà vus à des fêtes, mais c’était bien. Mais j’ai un shooting à venir qui, à mon avis, va être beaucoup plus gênant. J’essaie de trouver des sujets plus âgés, plutôt que des personnes dans la vingtaine et la trentaine, alors j’ai demandé à mes parents s’ils connaissaient quelqu’un qui accepterait de poser. Les meilleurs amis de ma mère, que je connais depuis mon enfance, m’ont contactée. Mais ils sont gentils et polis, donc je pense que ça va être une bonne expérience.

Comment faites-vous la distinction entre photos érotiques artistiques et photos pornographiques ?
Quand je regarde les miennes, je ne trouve pas qu’elles ont quoique ce soit de pornographique. On ne voit pas de pénis en érection ou de vagin. On voit des seins, certes, mais pour moi, les seins n’ont rien d’érotique – ce ne sont que des seins. Dans mes photos, il est davantage question de positions et de fusion de corps plutôt que de parties spécifiques.

Qu’avez-vous appris sur la sexualité humaine à travers ce projet ?
Je ne sais pas bien quoi répondre parce que le projet ne porte pas vraiment là-dessus. Mes photos ne sont pas érotiques à bien des égards. Elles sont au seuil de l’érotisme, mais ce n’est pas le sujet. Il s’agit plus du moment où les corps se mélangent. Je prends des photos de corps, mais selon la façon dont je recadre les photos, le corps prend une autre dimension – il s’éloigne du corps humain pour prendre une forme totalement différente.

Avez-vous appris quelque chose à propos de vous-même ?
Oui, je suis quelqu’un d’un peu bizarre ; je ne me fais pas des amis très facilement. Mais le fait de rencontrer des gens que je n’avais jamais rencontrés auparavant, de les mettre suffisamment à l’aise pour qu’ils se déshabillent devant moi et qu’ils me laissent les prendre en photo m’a donné un peu plus confiance en moi.

Où ce projet va-t-il vous mener ?
Plusieurs galeries m’ont contactée. J’aimerais faire une exposition qui mêle sons et images, avec des enregistrements sur lesquels les couples racontent leur histoire pour accompagner les grandes photos.

Dans le cadre de son projet, Roxy Hervé recherche des modèles. Vous pouvez la suivre sur Instagram ou la contacter par mail à l’adresse suivante : onlylovers@yahoo.com.

Simon Doherty est sur Twitter.