Il y a près de 43 ans, le champion du monde en titre de Formule 1, Niki Lauda, terminait quatrième du Grand Prix d’Italie. Même si son plus grand (et unique) rival, James Hunt, l’empêcha de remporter la course, c’était un bon résultat.
Mais le combat de Lauda, ce jour-là, était tout autre que la victoire et le titre de champion du monde 1976. Six semaines plus tôt, l’Autrichien était couché dans un lit d’hôpital suite à son accident au Grand Prix d’Allemagne au cours duquel il perdit le contrôle de sa voiture qui s’embrasa spectaculairement et le laissa pour mort.
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Inconscient et prisonnier des flammes, le pilote Ferrari a été sorti in extremis de sa voiture. Un accident qui est intervenu durant une période sombre dans le milieu de la Formule 1. Dans les trois années précédant son accident, six pilotes ont perdu la vie sur les circuits. Malgré la violence de l’accident, il était pourtant presque impensable que Lauda puisse rejoindre ces derniers dans l’au-delà.
Il n’y avait rien de casse-cou chez ce jeune homme de 27 ans. Son approche très rationnelle de la F1 s’opposait à celle des pilotes intrépides qui prenaient autant de risques sur les circuits que dans leur vie de tous les jours. James Hunt en faisait partie, mais il n’était pas le seul.
La maturité de Niki derrière le volant, combinée à sa connaissance et son contrôle des voitures, lui ouvre les portes de Ferrari en 1974 avec qui il domine la saison dès l’année suivante. En 1976, il est en passe de devenir champion pour la deuxième année consécutive, devançant Hunt avec une avance confortable de 23 points avant même de disputer le Grand Prix d’Allemagne.
Ce Grand Prix d’Allemagne s’est déroulé au Nürburgring, un circuit de plus de 20 kilomètres de long que le triple champion du monde Jackie Stewart avait surnommé « L’Enfer Vert ». L’angle de l’un des virages du circuit était si aigu que réunir toutes les mesures de sécurité étaient presque impossibles. En 1970, le circuit est d’ailleurs boycotté par les pilotes et subit plusieurs modifications, minimes compte tenu de sa dangerosité.
Pour le Grand Prix d’Allemagne, la passion prend le pas sur la raison, et Lauda décide de disputer la course. Un choix coûteux : lors du deuxième tour, sa Ferrari subit une défaillance au niveau des suspensions. C’est l’accident, la voiture prend feu, laissant Lauda inconscient en train de brûler pendant que la fumée toxique remplit ses poumons.
Bien que conscient quelques minutes après l’accident, Niki tombe finalement dans le coma. Les médecins craignent fortement que le champion ne survive pas jusqu’au lendemain.
L’accident du Nürburgring a lieu le 1er août et Niki Laudra revient sur les circuits le 12 septembre, à peine six semaines plus tard. Un retour remarquable pour certains, inconsidéré pour d’autres.
« Six semaines après, les brûlures étaient encore vives sur son visage. Piloter sa F1 ce week-end-là à Monza était la chose la plus courageuse que je n’aie jamais vue dans le sport automobile » – Nigel Roebuck, journaliste
Dans son livre consacré à James Hunt, le journaliste Gerald Donaldson écrit que Lauda « était évidemment encore très faible à son retour, son visage défiguré était difficile à regarder, sa tête lourdement bandée et beaucoup avaient des doutes concernant son état physique et mental ».
À son retour, Lauda était encore en tête au classement, bien que Hunt eût rattrapé son retard, se positionnant ainsi à deux points du leader. Dans son livre, Donaldson rapporte que Hunt a très rapidement compris la décision de Lauda.
« Vous avez beaucoup de temps pour réfléchir à l’hôpital et une fois sa décision prise, Niki voulait passer à autre chose. Sa motivation était intacte, parce qu’il était toujours en tête du championnat et qu’il voulait vraiment le gagner. C’était pour lui un nouveau challenge, qu’il a décidé de relever et qui l’aiderait à accélérer son rétablissement. »
Après un départ en cinquième position sur la grille, Lauda termine à la quatrième place du Grand Prix d’Italie. Une performance étonnante quand on pense à la gravité de ses blessures.
Nigel Roebuck, journaliste spécialiste du sport automobile, a écrit que le retour de Lauda était une épreuve plus compliquée que le simple fait de remonter dans une voiture. « J’étais dans les stands Ferrari après la course, et j’ai vu comment Niki à lui-même délicatement retiré sa cagoule collée par le sang séché. Six semaines après, les brûlures étaient encore vives sur son visage. Piloter sa F1 ce week-end-là à Monza était la chose la plus courageuse que je n’aie jamais vue dans le sport automobile ».
Le récit de Donaldson donne également un aperçu saisissant de l’état d’esprit de Lauda au départ de la course. « Je suis en quatrième position au départ de la course, ce que beaucoup trouvaient bien. Mais je me suis caché la vérité, a déclaré l’Autrichien. En théorie, je suis intransigeant avec la peur. Avoir peur est intolérable. Je me suis dit je ne pouvais pas conduire une voiture dans ces conditions. J’ai donc attendu, volontairement, que la voiture dérive. Mon expérience de pilote a repris le dessus pour stabiliser le véhicule. Après cette sortie de piste, le plus dur était passé, le pire était derrière moi. Je reprends la course et franchis la ligne d’arrivée une fois de plus à mon allure habituelle.
« Sa course parle pour lui, a ajouté Hunt. Il tutoie la mort et seulement six semaines plus tard il termine quatrième d’une incroyable course ».
Il n’y aura malheureusement pas de happy end pour Lauda cette saison-là. Au Japon, une pluie diluvienne le contraint à déclarer forfait pour des raisons de sécurité, après seulement deux tours. Hunt, qui termine troisième avec seulement un point d’avance sur Lauda, remporte donc le titre suprême lors de la dernière course. Il va sans dire que sans l’accident du Nürburgring, Lauda aurait été champion du monde de Formule 1 en cette année 1976.
Bien plus que la victoire de Hunt, c’est l’accident, puis le retour de Niki Lauda qui resteront dans les mémoires du sport automobile en 1976. Pas simplement héroïque, ce retour était significatif de l’état d’esprit de l’Autrichien et de sa détermination. À sa place, beaucoup ne seraient pas parvenus à surmonter un tel accident, et certainement pas aussi rapidement. Lauda l’a fait. Et quand il a senti que la course au Japon ne se déroulerait pas comme prévu, il a préféré rejoindre les stands. Même si ses décisions semblent contradictoires, elles révèlent simplement les traits de caractère de Lauda : il fait ce qui lui semble bon, sans se préoccuper de ce que pensent les autres.
Cette année-là, une légende est née. En 1977, Lauda reprend son titre mondial et se permet même de se brouiller et de claquer la porte de Ferrari avant la fin de la saison. Il prend sa retraite en 1979, mais après deux ans loin des circuits de F1, il reprend la compétition en 1982 et remporte son troisième titre mondial en 1984.
Après sa retraite en 1985, Niki Lauda n’est jamais resté très loin des paddocks. En 2012, il devenait président non exécutif de Mercedes, avant que son état de santé de dégrade.
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