Cet article, initialement publié sur VICE UK, est rempli de spoilers.
Le 12 juillet 1997, aux États-Unis, le paysage audiovisuel a changé pour toujours. C’est ce jour-là qu’a été diffusé le premier épisode d’une nouvelle série, intitulée Oz, qui évoque en détail l’histoire d’Emerald City, une unité pilote située au cœur d’une prison fictive de New York, l’Oswald State Penitentiary (ou Oz, en abrégé). La série suit les gardiens qui maintiennent l’ordre, les autorités qui tentent d’entraver les progrès de l’unité, les docteurs et les prêtres qui essayent de la consolider et les prisonniers qui veulent la détruire. Créée par Tom Fontana alors qu’il travaillait toujours en tant que scénariste sur Homicide – série inspirée des écrits de David Simon – Oz a été la première série de HBO à proposer des épisodes d’une durée d’une heure, inspirant en cela Les Soprano ou encore The Wire.
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« On était une sorte d’avant-poste de HBO, m’explique Tom Fontana, car on était la première série dramatique à être diffusée par la chaîne et, à l’époque, on faisait juste ce qu’on pensait être bien – mais on ne savait pas du tout que ça allait intéresser les gens. »
Avant que Tom Fontana ne propose son idée à HBO, la chaîne diffusait uniquement des films. « Ils ne passaient que des longs-métrages. À vrai dire, quand j’ai présenté mon projet à Chris Albrecht [ancien président de HBO] et qu’il m’a dit qu’il voulait diffuser Oz, j’étais fou de joie. Je me suis dit : “Youpi ! Ça va être génial !” et tous mes amis qui travaillaient dans ce milieu m’ont dit : “Pourquoi tu veux faire une série sur HBO ? Ils ne passent que des films, personne ne va la regarder.” J’ai répondu : “C’est pas faux, mais ils vont me laisser faire cette série comme je le souhaite, donc je m’en fiche si personne ne la regarde.” Comme je vous l’ai dit, c’était une nouveauté il y a 20 ans. »
De nos jours, il semble absurde de dire qu’une série diffusée sur HBO pourrait être un oxymore. Depuis que Oz a été diffusée, la chaîne est associée à des programmes de qualité. Les séries produites ont été au centre des conversations sur le format dont on leur attribue la création. Mais il ne s’agit pas que d’une simple histoire de format : les séries dramatiques aux épisodes d’une heure – combinées à l’apparition du DVD, qui permettait de contenir plus d’épisodes par disque que la VHS, et à une qualité supérieure – ont lancé une nouvelle manière de « consommer » la télévision.
Et Oz a été à l’origine de ce changement radical.
« On m’a dit que j’avais été visionnaire, ce dont je me suis toujours défendu, me précise Tom Fontana. Je n’avais pas de grande vision du futur de la télévision – tout ce dont j’étais sûr, c’est que ce mec allait me laisser faire ma série complètement folle sur la prison, et sans censure d’aucune sorte. »
Il y a 20 ans, la télévision américaine était grandement cadenassée par le puritanisme de la société – notamment via des personnalités telles que Tippie Gore, à l’origine de la création des autocollants « Parental Advisory : Explicit Content » sur les CDs. La commande d’une série comme Oz aurait donc pu être un choix risqué. Cependant, Chris Albrecht n’y a pas réfléchi à deux fois.
« Il avait envie de produire une série sur la prison, se souvient Tom Fontana. Je pense qu’il a su que le public serait intéressé ; HBO avait déjà connu de grandes réussites avec des documentaires sur les prisons. Dès que j’écris un scénario, je commence par les personnages, du coup j’ai commencé à lui présenter tous les personnages principaux. Il m’a dit : “Je m’en fiche qu’ils soient sympathiques, mais je veux qu’ils soient intéressants.” C’était tout ce que je voulais entendre. »
Dean Winters – qui joue le personnage de Ryan O’Reilly, un romantique irlando-américain à l’ancienne, un peu fourbe, qui tire les ficelles – travaillait dans un bar de l’Upper East Side à New York avec son frère Scott – qui allait se retrouver à jouer Cyril, le frère handicapé mental de Ryan dans la série. Nous étions en 1992, et Dean avait du mal à s’en sortir dans sa carrière d’acteur : il était prêt à abandonner cette voie lorsque Tom Fontana, qui venait de temps à autre boire un verre dans le bar en question, lui a rendu visite sur le tournage du thriller politique de Mel Gibson, Complots.
« J’étais dans ma caravane, et j’étais en train de me dire que la vie d’acteur n’était vraiment pas faite pour moi, me précise Dean au téléphone. Tom est arrivé et m’a dit : “Écoute, n’abandonne pas maintenant – je suis en train de lancer cette série expérimentale pour HBO ; c’est la première fois qu’ils acceptent une série, et j’ai écrit un personnage incroyable juste pour toi.” Tom s’est inspiré de deux choses pour mon personnage : le personnage de Iago dans Othello, et de moi en train de tenir le bar. Quand j’étais barman, j’avais une sorte de leitmotiv : “Si tu sors de mon bar avec assez d’argent pour te payer un taxi, j’ai échoué en tant que barman.” Tom a réussi à voir ce qu’il y avait entre ces deux mondes totalement différents, et c’est comme ça qu’il a créé le personnage de Ryan O’Reilly. »
Dean Winters n’a pas été le seul membre du casting à avoir servi Tom Fontana dans le passé. « Je ne savais pas ce qu’il faisait comme boulot », m’explique Lee Tergesen, qui joue le personnage de Tobias Beecher, un père de famille alcoolique et timide qui se transforme peu à peu en fou furieux. « Je savais juste qu’il était sympa et qu’il commandait toujours du blanc de poulet. » Tom Fontana a déniché Lee Tergesen dans un petit restaurant du quartier de Chelsea, à Manhattan, et est allé le voir jouer dans une pièce de théâtre.
« Il venait tout le temps au restaurant. On aimait bien se raconter des conneries. À l’époque, je jouais dans une pièce avec quelques amis, dans le centre-ville. Le soir de la dernière représentation, le metteur en scène est arrivé en trombe dans les coulisses et nous a dit : “Il y a un producteur dans le public, il a travaillé sur la série médicale Hôpital St Elsewhere !” Et puis il a nous a dit le nom de ce gars, Tom Fontana, et j’étais choqué ! C’était en 1990. »
Est-ce que Tom Fontana trouve tous ses acteurs dans des bars anonymes et des petits restaurants ? « C’est un taré ! », ajoute Lee Tergesen en riant.
Mais tous les rôles n’ont pas été attribués aussi facilement. Ça a été le cas de Kareem Saïd, finalement interprété par l’acteur britannique Eamonn Walker.
« J’avais beaucoup de mal à trouver un acteur pour ce rôle, car tous les acteurs noirs qui venaient passer l’audition étaient trop street, résume Tom Fontana. J’essayais de trouver quelqu’un qui avait une sorte de noblesse en lui. C’était vraiment la galère, et on se rapprochait de plus en plus de la date de tournage, et j’étais au téléphone avec Lynda La Plante [créatrice de la série britannique Suspect Numéro 1], je lui racontais à quel point j’avais du mal à trouver mon acteur pour ce rôle, et elle m’a dit : “Oh, mon chou, je connais le mec parfait. Je te l’envoie immédiatement.” »
« Le truc, c’est que quand elle m’a dit “Je te l’envoie immédiatement”, j’ai pensé qu’il était dans la 58e rue et qu’elle allait l’envoyer chez nous, dans la 13e, mais en fait il était à Londres et elle l’envoyait ici, à New York. Je lui ai dit : “Pitié, ne fais pas ça, je t’en supplie !”, parce que je me suis dit que ce pauvre gars allait prendre l’avion, arriver ici complètement épuisé par le décalage horaire et faire n’importe quoi pendant son audition. Je me sentais mal de lui faire faire un tel trajet. Il est arrivé dans la pièce, il a lu à peine cinq répliques, et j’ai su que j’avais trouvé mon acteur. Lynda avait complètement raison. »
« Je suis arrivé sur les lieux de l’audition et Tom Fontana m’a dit : “Tu sais, je te reçois uniquement parce que j’adore Lynda, et je sais que tu adores Lynda, donc, tu vois, voilà, on n’a qu’à faire cette audition” », se souvient Eamonn Walker.
Le personnage de Kareem Saïd est exceptionnel à bien des égards. Moitié Malcolm X, moitié Louis Farrakhan (ou, du moins, c’est ce qu’il pense), il se voit comme un être magnanime qui se fraie un chemin dans un univers empli de duplicité ; sa piété est détruite lorsqu’il commet le péché ultime et tombe amoureux d’une femme blanche. Tom Fontana n’avait jamais créé un tel personnage auparavant, ce qui explique peut-être les difficultés de casting.
« La figure idéal-typique du détenu noir et musulman, je n’en avais jamais entendu parler avant d’aller en prison pour faire des recherches, explique-t-il. J’ai fini par lire le Coran pour essayer de comprendre les fondements de l’islam, histoire de ne pas avoir l’air d’un gros débile. »
« C’était une super opportunité pour pas mal de types qui n’avaient pas beaucoup d’expérience. À vrai dire, j’étais l’un des vétérans du groupe », raconte J.K. Simmons, qui joue le monstrueux violeur néonazi Vern Schillinger, le vrai grand méchant de la série. J.K. Simmons avait déjà joué un horrible nazi dans Homicide – qui semble avoir été un terrain d’essai pour les futurs membres du casting d’Oz – et l’acteur craignait d’être catalogué dans un certain type de rôle. « Je me rappelle avoir pensé : “Cette série peut devenir emblématique” et j’avais un peu peur d’être coincé dans un rôle de nazi pour le reste de ma carrière. Je ne voulais pas que ça m’arrive, mais en même temps c’était une opportunité en or pour moi, du coup, j’étais méfiant et excité. »
Au final, de tous les acteurs d’Oz, J.K. Simmons est celui qui a connu la carrière la plus brillante depuis la fin de la série, ayant notamment gagné un Oscar pour son rôle dans Whiplash.
En résumé, Tom Fontana a choisi de nombreux jeunes acteurs inexpérimentés pour jouer sa joyeuse bande de prisonniers, et quelques pros chevronnés pour interpréter le personnel pénitentiaire, comme Ernie Hudson et Rita Moreno. Dans les premières saisons, on a également pu voir Edie Falco jouer le rôle de Diane Whittlesey, gardienne stoïque mais perturbée. Par la suite, Edie Falco a décroché des rôles acclamés par la critique et le public, comme celui de Carmela Soprano ou de Jackie Peyton dans Nurse Jackie.
Thématiquement parlant, Oz aborde la dure réalité carcérale de manière frontale, tout en ayant recours à des ressources narratives assez nouvelles dans le monde des séries. Si la brutalité typique des prisons – bagarres, agressions à l’arme blanche, viols, etc. – est représentée, les scènes sont souvent entrecoupées de flash-back, ou d’incursion d’une voix extra-diégétique. La plus célèbre de ces incursions extérieures est sûrement celle d’Augustus Hill, joué par Harold Perrineau, qui, chaque épisode, narre les évènements de l’unité depuis sa cellule en plexiglas.
« On voulait que sa voix sorte un peu de nulle part, explique Tom Fontana, mais on refusait d’en faire un simple narrateur. On a beaucoup insisté sur son personnage, et ses interactions avec les autres prisonniers. »
Augustus Hill est le narrateur principal de la série. À chaque épisode, il délivrait des sermons touchant à différents thèmes qui, selon lui, se rapportent toujours, d’une manière ou d’une autre, à la prison. Comme Tom Fontana voulait qu’Augustus Hill puisse fournir la vision la plus approfondie des tourments de l’humanité, il l’a rendu paraplégique – et donc extrêmement observateur.
« Pour préparer la série, j’ai visité beaucoup de prisons, et il y a une chose qui m’a frappé à chaque fois : les prisonniers ne s’ouvrent pas aux autres, avance Tom Fontana. Ils doivent se protéger, et il n’y a donc aucune discussion profonde ou philosophique entre eux : ça serait la preuve d’une forme de vulnérabilité. Après avoir bossé sur Homicide, où nous mettions en avant des scènes où les détectives échangent de longues conversations sur la mort, la vie, l’argent, tout et n’importe quoi, je me suis rendu compte qu’on ne pourrait pas avoir ce genre de scènes dans Oz. Du coup, je me suis dit : “On va piquer l’idée du chœur des dramaturges grecs, mais au lieu d’avoir plein de monde, on va juste avoir un seul type.” »
Et le scénariste de poursuivre : « Je voulais qu’il soit Noir ou Latino, je voulais qu’il fasse partie d’une minorité, et après je voulais qu’il soit en fauteuil roulant pour être encore plus minoritaire, d’une certaine manière. Comme le personnage souffre à la fois des préjugés et du défi qu’être en fauteuil roulant dans une prison représente, j’ai pensé que ça lui donnerait une sorte de connaissance du monde qu’un autre personnage, comme un petit voyou de Brooklyn par exemple, n’aurait pas pu avoir. Pour moi, il était logique que cet Afro-Américain en fauteuil roulant comprenne mieux le monde que tout le reste des prisonniers. »
Il est également important de préciser qu’Augustus Hill est sans doute le personnage noir et handicapé le plus célèbre de l’histoire de la télé. « Tout ce que je voulais, c’était représenter la diversité des populations en prison, diversité que j’ai pu observer lorsque je faisais mes recherches, rappelle Tom Fontana. Pour moi, c’était la partie la plus importante de l’histoire : représenter un échantillon de la population américaine cohabitant dans le même bâtiment. »
La théâtralité a œuvré au triomphe de la série. Si beaucoup de superproductions assument un côté théâtral de nos jours (Game of Thrones étant l’exemple le plus flagrant), Oz n’hésitait pas à mélanger les genres, et à en jouer. On peut le voir de manière évidente lors d’une scène clé de la série : le meurtre de Vern Schillinger par Tobias Beecher lors de la représentation de Macbeth. Cette ingéniosité a disparu de la mémoire collective au fil des années. De nos jours, la plupart des gens à qui je parle d’Oz me disent qu’il s’agit de la série « avec plein de viols ». En Grande-Bretagne, les épisodes étaient diffusés tard dans la nuit.
« J’ai l’impression que la violence ambiante est ce dont les gens se rappellent le plus », avance Terry Kinney, qui interprétait le responsable d’Emerald City, Tim McManus (Terry a également réalisé quelques épisodes). « Beaucoup de gens me disent : “Oh, je voulais voir la série, mais certaines scènes sont trop dures à regarder”, et je trouve que c’est vraiment dommage de ne pas profiter du scénario magnifique et des longues scènes prenantes. Le scénario et les dialogues sont les éléments principaux de la série, pas la violence. »
Le « chœur à un homme » n’a pas été la seule influence grecque dans la série. La relation tumultueuse entre le comploteur sociopathe Chris Keller (Christopher Meloni) et Tobias Beecher rappelle par certains aspects l’amour vengeur d’Achille et Patrocle. D’après Lee Tergesen, qui interprète Beecher, une telle relation tranchait par rapport à ce qui se faisait à l’époque dans les grandes œuvres populaires, où l’homophobie était souvent latente.
« À l’époque, il y avait ce film avec Will Smith qui venait de sortir, Six Degrés de Séparation, et Denzel Washington lui avait dit de ne pas embrasser un autre homme à l’écran, explique Lee Tergesen. Et il ne l’a pas fait, même si c’était dans le scénario [dans le film, la scène d’embrassade entre Will Smith et Anthony Michael Hall a été réalisée à l’aide de trucages et de placements de caméra]. Il y avait cette sorte d’homophobie ambiante, du coup j’ai dit : “Hey, Chris, et si on allait manger ensemble [histoire de parler du scénario]”, et on venait juste de se rencontrer. On s’est rejoints et je lui ai dit : “Écoute, cette série est dure, elle est violente, déplaisante et brute – il faudrait qu’on essaye de la rendre sexy.” Il m’a regardé en faisant “Wooooh !” [rires]. Mais je pense qu’on a réussi [à la rendre sexy]. On a tout donné. J’étais content de voir qu’on a pu jouer nos rôles comme on le souhaitait. »
C’était une autre révolution pour le monde de la télévision : deux hommes parlant librement de leurs ébats, dans l’atmosphère toxique d’une prison de haute sécurité.
Christopher Meloni et Lee Tergesen n’étaient pas les seuls acteurs à être amis dans la vraie vie. Le détail qui est revenu systématiquement lors de mes discussions avec les acteurs avait trait à leur incroyable amitié tout au long de la durée du tournage. Ils affirment tous que l’ambiance était au top, en permanence.
« Je ne me rappelle pas avoir vécu un moment désagréable. Tout le monde s’entendait bien », avance Kirk Acevedo, l’acteur qui prête ses traits au gangster désaxé Miguel Alvarez. « Personne n’a jamais fait de scènes. Vous traîniez avec différentes personnes tous les jours, et le travail se passait super bien. On était les rois de New York pendant un moment. On était cette bande de 20 types ayant plus ou moins la vingtaine, et on sortait au moins quatre ou cinq nuits par semaine. Non seulement on travaillait ensemble à longueur de journée, mais en plus on se voyait en dehors du boulot ! Certaines nuits, on allait faire du bowling, d’autres on regardait de la boxe sur HBO. De mémoire, il n’y a jamais eu aucun problème entre nous. »
Kirk Acevedo a été, avec Edie Falco, l’un des premiers acteurs de la série à profiter du succès grandissant de la chaîne. Plus les saisons d’Oz s’enchaînaient, plus HBO commandait de nouvelles séries – Sex and the City, Les Soprano, Six Feet Under, pour n’en nommer que trois. Le côté « box-office » de la chaîne (HBO est l’acronyme de Home Box Office) est devenu réalité grâce à la mini-série épique de Steven Spielberg sur la Seconde Guerre mondiale, Band of Brothers. Kirk Acevedo y a décroché le rôle du sergent-chef Joe Toye, et il ne pouvait plus participer aux deux séries en même temps.
« J’ai eu un entretien avec Tom Fontana et je lui ai dit : “Ecoute, j’ai décroché ce rôle dans une série produite par Spielberg, t’y crois ça ? ! Le tournage va durer 11 mois, c’est une opportunité en or.” Mon agent me disait qu’il allait passait un coup de fil à Tom, mais pour moi – et pour d’autres gars aussi, comme Dean et Lee par exemple – il était hors de question de faire passer une telle nouvelle par nos agents. J’ai dit aux gens qui travaillent avec moi : “Je dois annoncer la nouvelle à Tom moi-même.” Du coup, je suis allé le voir dans son bureau, et je lui ai tout dit. Il m’a regardé et m’a demandé : “Tu veux toujours faire partie de ma série ?” Et je lui ai répondu : “Bien sûr que oui !” Il m’a dit : “Tu veux t’évader ? Et ensuite on te capture et on t’envoie à nouveau en prison ?” Je lui ai dit que oui, du coup il a fait : “OK, c’est parti !” Je savais que Tom avait prévu de faire s’évader le personnage de Simon Adebisi (joué par Adewale Akinnuoye-Agbaje), mais il ne voulait pas le faire trop rapidement après le mien pour ne pas affaiblir l’arc narratif de la série. »
La bonne ambiance qui régnait sur le lieu de tournage était également liée à la confiance placée par Tom Fontana en ses acteurs. À la fin de la deuxième saison, le personnage joué par Kirk Acevedo, Miguel Alvarez, poignarde un gardien au visage sur les ordres du boss de son gang, Raoul Hernandez (joué par Luis Guzmán), car ce dernier se pose alors des questions sur la loyauté d’Alvarez, et questionne son appartenance au gang latino, car il est plus « blanc » que les autres – une scène née de la collaboration inhabituelle entre les membres du casting et Fontana.
« À la fin de chaque saison, Tom faisait des réunions avec nous – ce qui est très rare, soit dit en passant : je n’ai jamais connu d’autre auteur faisant ça, et je suis acteur depuis 20 ans, rappelle Kirk Acevedo. C’est le seul auteur qui, saison après saison, me recevait dans son bureau individuellement – et recevait tous les acteurs individuellement, d’ailleurs – et demandait : “Qu’as-tu pensé de la saison ? Que penses-tu du développement de ton personnage ? Qu’est-ce que tu t’imagines pour la prochaine saison ?” »
L’acteur de poursuivre : « Vous savez, je suis Portoricain et j’ai grandi dans le sud du Bronx. J’ai des oncles qui sont noirs, des cousins qui sont blonds aux yeux bleus. Quand j’ai grandi dans le Bronx, j’étais celui qui avait le teint le plus pâle et je me battais souvent avec les autres gamins qui m’appelaient « blanc-bec ». J’en ai parlé à Tom, et il a écrit cette scène pour la deuxième saison. »
En plus de s’apprécier énormément, les acteurs d’Oz partagent un autre point commun : le respect profond qu’ils ressentent à l’égard de Tom Fontana. Lorsqu’ils parlent de lui, il apparaît comme un patriarche bienveillant qui a guidé ses jeunes acteurs dans leur carrière. C’est son admiration pour Fontana qui pousse Dean Winters à le défendre hardiment – comme lorsqu’il était l’invité du talk-show The Artie Lange Show et que quelqu’un avait appelé pour dire que les premiers épisodes de la série étaient « clichés ».
« C’est très personnel pour moi, raconte Dean Winters. J’ai rencontré Tom en 1992 et on a commencé le tournage en 1997. On a formé une forte amitié sur ces cinq ans. Mon frère dans la vraie vie jouait mon frère dans la série. Mon autre frère [Brad Winters] était un des scénaristes. Et pour couronner le tout, l’autre au téléphone vient me dire que le premier épisode était cliché ! Je n’ai aucune patience pour ces gens-là, les foules d’incultes. Je n’ai aucune patience, aucun respect et aucune minute à leur accorder… J’étais présent à la naissance de cette série. Je suis allé voir Roméo et Juliette avec Tom parce qu’il voulait faire passer une audition à Harold Perrineau, et il m’a dit : “Je veux ton opinion sur ce type.” J’étais là dès le début, dès les prémices, donc c’est très personnel pour moi. Quand quelqu’un dévalorise cette série avec une attaque aussi débile, ça me rend dingue : qu’ils aillent se faire foutre ! Tous les sujets abordés par Tom – le sexe, la religion, la drogue, la famille, la violence, l’éthique, la morale – étaient liés les uns aux autres de manière géniale, et je le prends vraiment très mal lorsque quelqu’un résume toute cette œuvre en un seul mot. »
Un grand merci à Bill Butler, Diego Aldana, Andrew Loane et Matthew Nemeth pour leur aide sur cet article.
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