Silicose Valley

Photo: Rip Hopkins


La silicose est une maladie provoquée par l’inhalation de particules de poussières de silice. On l’appelle le «cancer des mineurs» parce qu’elle s’est répandue comme la peste chez les mineurs de charbon à partir des années 1950. Elle se traduit par «une réduction progressive et irréversible de la capacité respiratoire», nous a expliqué le chef du service de pneumologie de l’hôpital de Forbach. En gros, ça doit faire l’effet d’avoir fumé vingt paquets de Gitanes par jour pendant trente ans. «Les mineurs ayant travaillé sur une période relativement longue et ayant été exposés à la poussière ont fini leur vie atteints par cette maladie leur causant une insuffisance respiratoire et une souffrance qui se termine par des complications cardiovasculaires pouvant aboutir à la mort». Nicolas est l’un d’entre eux.

Videos by VICE

J’ai passé trente-cinq ans au fond de la mine. Je suis entré à l’école des mineurs à quatorze ans. À seize ans, j’étais tailleur: j’extrayais le charbon à la pelle. À vingt-quatre ans, j’ai eu mon premier accident. J’ai reçu un gros bloc de charbon sur la jambe, triple fracture. Alors, je suis devenu boiseur: là où il n’y a plus de charbon, il faut poser des étançons, des grosses poutres de bois qui font tenir les galeries. Puis, je suis devenu haveur, ce sont les ouvriers mécaniciens chargés de la récolte du charbon dans la veine. Douze ans à travailler sur des machines. Mais, ils m’ont encore déplacé parce que je n’entendais plus très bien. Je suis devenu presque sourd, à cause du bruit de ma machine. Les cinq dernières années, je m’occupais du transport du charbon vers le jour.

La silicose, vous la sentez arriver progressivement. Vous êtes jeunes, et vous vous rendez compte que vous ne pouvez plus respirer comme avant. Vous souffrez quand vous montez une côte ou même un escalier. Vous vous la sentez la silicose mais eux, les patrons et les docteurs, ils ne disent jamais rien des risques. En 1970, à la suite d’un incendie, j’ai passé quatre jours à l’hôpital. Je sentais bien que je commençais à avoir du mal à respirer, j’ai demandé aux deux médecins qui m’ont ausculté: «Qu’est-ce que j’ai? C’est la tuberculose ou c’est la silicose?» Ils m’ont répondu: «C’est rien mon vieux, vous êtes un costaud. Vous avez une simple bronchite chronique.» Mais j’ai bien entendu quand l’un des deux à dit à l’autre: «Il a au moins 25% de silicose.»

En 1982, après une visite médicale, ils ont enfin reconnu que j’avais la silicose. Je suis passé devant une commission, j’ai eu 10% d’incapacité pulmonaire. D’après eux, mes poumons étaient abîmés à 10%. Deux ans plus tard, j’ai fait une autre demande, j’ai eu encore 10%. Puis encore 5% deux ans après. Puis 15, puis 20% de plus. Ça fait quatre ans maintenant que les médecins ont déclaré que je souffre de 90% d’incapacité pulmonaire. Je suis obligé de vivre avec un respirateur, toute la journée, 24 heures sur 24. J’ai commencé avec un litre, mais maintenant j’ai besoin de deux litres d’oxygène par jour. Je n’en veux à personne, je m’en veux juste à moi-même d’avoir été à la mine. Je suis content que les mines aient fermé. Vous savez, à la mine, c’est comme à la guerre, ce sont les généraux qui prennent les décisions, mais ce sont les soldats qui meurent au front.

PROPOS RECUEILLIS PARLA RÉDACTION DE VICE