Avec le sosie d’Elvis qui reproduit à l’identique les décors de Star Trek

Il n’est pas rare – surtout aux États-Unis, nous en convenons – d’entendre des gens affirmer à tue-tête qu’ils sont les fans ultimes de la saga Star Trek. Désolé les gars, mais j’ai bien peur que vous fassiez fausse route. Le plus grand fan de Star Trek est sans aucun doute James Cawley, un quinquagénaire new-yorkais qui, dans la vie, est un sosie officiel d’Elvis Presley. Cet homme un peu extravagant gère le « Star Trek Original Series Set Tour », situé à Ticonderoga – population : 5 000 habitants, et un célèbre fort construit par les Français. Ce musée ouvert au public est d’un genre bien particulier. Entièrement financé par l’argent gagné par James lors de ses performances d’Elvis, il est devenu une Mecque pour les Trekkies.

Une fois sur place, se dresse devant vous un immeuble de 1 200 mètres carrés qui abritait autrefois une vaste épicerie. À l’intérieur, cependant, vous tombez sur des répliques incroyablement fidèles de différents décors de la série Star Trek, lancée en 1966.

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La fidélité est la caractéristique principale de ces répliques, et l’objectif majeur du propriétaire des lieux. Il est parfois bluffant de constater à quel point James a respecté l’atmosphère des différents vaisseaux de la saga, et lors de votre balade dans les couloirs de l’Enterprise, les différents décors fabriqués il y a plus d’un demi-siècle dans un studio hollywoodien semblent avoir été transposés par ici, quelque part dans la banlieue de New York. De l’infirmerie aux salles des machines, jusqu’au clou du spectacle, le pont principal, toutes les couleurs, formes et matériaux semblent être identiques. Le liquide présent dans une bouteille qui traîne dans le laboratoire de Bones McCoy est en tout point semblable à celui visible dans la série. Les boutons, une fois pressés, génèrent le même bruit. Même les ombres sur les parois ont été reproduites fidèlement.

« Ma volonté d’être le plus précis possible est ce qui rend ce défi excitant, résume James. Il n’est pas rare que certains visiteurs connaissent les détails des décors avec une précision incroyable – il ne faut donc pas les décevoir, parce qu’ils remarqueraient la moindre erreur. » Alors que je discute avec lui, un couple du Connecticut – qui a fait quatre heures de route pour visiter le musée – disserte sur le costume du capitaine Kirk porté dans un épisode de la deuxième saison intitulé « Mirror Mirror ».

Pour ces fans, la visite « est bien souvent émouvante », remarque James. Là, il montre du doigt une porte coulissante, passée par des milliers de visiteurs – certains originaires d’Éthiopie – depuis l’ouverture du musée. « J’ai vu des visiteurs fondre en larmes en entrant dans telle ou telle pièce. » Et cet amoureux d’ajouter que pour tous les Trekkies, la destruction des décors lors de l’annulation de la série en 1969 a été vécue comme un déchirement. « Ce musée est un rêve devenu réalité pour certains », ajoute James.

Cet endroit est la conclusion de deux décennies de travail intense au cours desquelles le New-Yorkais a réalisé plusieurs épisodes d’une web-série qui l’a vu interpréter Kirk, tandis que les « vrais » Chekov et Sulu – soit George Takei et Walter Koenig – ont repris du service. Les épisodes, d’une durée atteignant parfois l’heure, ont été tournés à l’intérieur du musée et dans la ville de Ticonderoga, utilisant de plus en plus les décors que James s’est mis à construire en 1996. Au départ simple hobby contenu dans l’espace de la ferme de son grand-père, cette entreprise est devenue titanesque au fil des années et des reproductions.

Mais l’obsession de James Cawley n’a pas débuté dans les années 1990. Comme de nombreux gamins des années 1970, lui et ses amis traînaient dans les rues et reproduisaient des scènes de l’univers Star Trek. Âgé de 17 ans, James a tenu à fabriquer son propre costume de Kirk. Pour ce faire, il a téléphoné directement à Paramount dans l’espoir de parler à Bill Theiss, le costumier en chef de la série.

« J’ai toujours eu cette obsession de créer l’objet parfait, qui soit en tout point semblable à celui que je désirais faire à l’origine – c’est pour ça que j’ai téléphoné », sourit James. Par il ne sait quel miracle, il a eu la chance de parler directement à Theiss, qui lui a fourni un tas d’informations essentielles. Au fil des discussions, les deux hommes sont devenus amis, et James a fini par être accepté en stage sur le tournage de Star Trek : La Nouvelle Génération.

Peu de temps après, James, alors aspirant acteur, a commencé à effectuer plusieurs représentations en tant que sosie d’Elvis – ce qui s’est révélé extrêmement lucratif. Theiss, disparu en 1992, aurait sans doute été très fier de ce qu’est devenue la carrière de son protégé. Inspiré par son mentor, James Cawley a regardé l’ensemble des épisodes de la saga Star Trek des dizaines de fois, afin de noter l’intégralité des détails des décors, n’hésitant pas à contacter certaines personnes ayant bossé sur les tournages.

James a également réussi à acheter différents accessoires de la série – du moins, ceux qui n’avaient pas été détruits à la fin des années 1960 – grâce à l’argent gagné en tant qu’Elvis. « Elvis m’a rendu riche », précise James en riant. Après la ferme de son grand-père, il a racheté un immeuble pour y installer les décors qu’il avait déjà fabriqués.

Aujourd’hui, James Cawley est toujours autant obsédé par la précision. Il continue à passer ses journées à regarder des épisodes de Star Trek, observe le moindre détail, note les différentes formes, et tente de déceler ce qu’il n’aurait pas vu lors de ses précédents visionnages. Tout cela conduit généralement à de très légers ajustements, presque imperceptibles. « Je n’en ai jamais marre, me précise James. Jamais. »

Il y a quelques années, James en a eu marre d’une chose : sa web-série. Il a avoué sur Facebook que celle-ci était avant tout source d’emmerdes. Les tensions régnant entre les différents protagonistes gangrenaient complètement l’atmosphère sur le plateau. La course à l’échalote pour savoir quel était le fan le plus absolu de la série a totalement gâché un projet qui reposait avant tout sur le bénévolat – et sur les dépenses de James.

Pendant des années, CBS/Paramount – à la tête des droits liés à la franchise Star Trek – ont détourné le regard et n’ont pas cherché à se disputer avec les fans quant à l’utilisation des images des films et des séries, avançant qu’aucun revenu n’était généré par cette passion.

Tout cela a changé en 2015 lorsqu’Axanar, société de production, a levé plus d’un million de dollars pour réaliser un « film de fans », engageant une équipe de tournage professionnelle. Paramount et CBS ont alors attaqué Axanar pour utilisation frauduleuse de l’image d’une franchise. Les différentes parties se sont arrangées l’année dernière, mais tout cela a créé une jurisprudence. Désormais, il est interdit à quiconque de produire un film de plus de 15 minutes sur l’univers Star Trek, et de lever plus de 50 000 dollars.

Mais tout cela n’a pas dérangé une seule seconde James Cawley. Alors en postproduction de l’un des derniers épisodes de sa web-série, il a préféré tout annuler afin de ne pas avoir d’ennuis. Ayant énormément de décors sous la main, il a alors pris une décision qui s’est rapidement transformée en réussite : ouvrir un musée, ce que CBS a accepté sans broncher, entretenant de très bonnes relations avec James. Lorsqu’il n’est pas sur la route à chanter du Elvis, ce dernier joue au guide touristique, tout en gérant la boutique du musée.

Il y a quelques semaines, James a annoncé une grande nouvelle : William Shatner en personne fera le déplacement en mai prochain dans le cadre d’une semaine spéciale. « C’est un gros coup, tu sais », me dit James, la voix tremblante, comme dépassé par l’idée de discuter avec son héros de toujours dans des décors qu’il a passé 20 ans à construire. Le quinqua sait à quel point une telle scène l’émouvra, mais se demande ce qu’il en sera de Shatner. « Vous ne savez jamais ce qui peut se produire dans une telle situation, conclut-il. J’espère qu’il se dira quelque chose comme : “Wow, c’est quoi cette faille temporelle ?” »

Michael est sur Twitter.