Le projet du temple mormon au Chesnay. Photo via
Très bientôt, on entendra parler de la petite ville cossue du Chesnay dans les Yvelines pour autre chose que Parly 2, son centre commercial aux 250 boutiques. Un énorme chantier est en cours sur un terrain de 7 000 mètres carrés à deux kilomètres à peine du château de Versailles, celui du premier temple mormon sur le sol hexagonal. Un temple mais pas seulement, puisque vont aussi sortir de terre une résidence hôtelière pour accueillir les fidèles, un parking souterrain et des jardins ouverts au public.
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Les membres de la religion fondée en 1830 aux États-Unis ont déjà un temple en France, mais à Tahiti, en plein milieu de l’océan Pacifique. Ça faisait un peu loin pour les quelques 30 à 40 000 mormons de France qui étaient contraints de se rendre dans d’autres villes européennes, comme Londres, Berne ou Madrid. Pour eux, le « temple est un lieu de rencontre entre Dieu et l’Homme », où sont célébrées des cérémonies qui ne peuvent pas l’être dans la centaine d’églises mormones de France. Ils y fêtent par exemple les mariages et les baptêmes des morts, des sacrements essentiels dans la religion mormone.
Les fidèles qui ont établi leur capitale à Salt Lake City, dans l’Utah aux États-Unis, ne sont pas listés en tant que secte en France selon le rapport parlementaire de 1996. Mais certaines associations continuent de les pointer du doigt, notamment pour leur obligation de reverser 10% de leurs revenus à l’Eglise ou leur fâcheuse tendance à vouloir baptiser nos ancêtres morts.
Les responsables de l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (le vrai nom des mormons) n’ont pas voulu répondre aux questions de VICE au risque de « choquer » les fidèles en étant à côté « d’articles sur le sexe ». Alors on a décidé d’interviewer celui qui a donné le permis de construire le 27 octobre 2011 pour ce premier temple en France métropolitaine, Philippe Brillault, le maire UMP de la ville.
VICE : Vous avez autorisé la construction du temple mormon fin 2011. Mais au départ, vous n’étiez pas favorable au projet. Pourquoi ?
Philippe Brillault : Comme tous les Français, pour moi mormons ça voulait dire secte. Avec beaucoup d’a priori, j’imaginais une petite communauté fermée. Ça m’évoquait plutôt des ondes négatives. Et pour être très clair et direct, quand on est maire et qu’on vous parle des mormons, on se dit : « encore un dossier dont je n’ai pas forcément besoin parce qu’il va y avoir de la contestation ».
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
C’était ça au départ, mais nous nous sommes rencontrés pour tenter de comprendre qui ils étaient, ce qu’ils voulaient et ce qu’ils faisaient. De toute façon, le seul moyen d’empêcher la réalisation de ce temple sur ce terrain était de l’acheter. C’était hors de question. Donc on a réalisé une enquête et on a appris à voir qui étaient les mormons. On a vu que ce n’était pas une secte, qu’ils étaient comme tout le monde. Ils sont accusés de polygamie, mais c’était à une autre époque. Le prosélytisme, ils n’en font pas plus que tous les autres.
Comme vous le pressentiez, vous avez fait face à beaucoup de contestations. Il y a notamment eu des recours et des pétitions.
La contestation a d’abord été politique avec deux-trois de mes opposants dans le cadre des municipales. Ils ont rameuté toute la France sur les mormons. Mais les seules pétitions qui m’ont semblé intéressantes étaient celles des riverains. On les a réunis pour voir les améliorations possibles sur le projet. En réalité, la contestation est soit d’origine politique, soit liée à l’objet, c’est-à-dire les mormons, soit sur la construction du temple. Pour la construction, on a réglé le problème. Pour la politique, j’ai été élu au premier tour des municipales avec 60% des voix donc j’ai considéré qu’il n’y avait pas de problème.
Et la contestation concernant les mormons ? Certaines associations pointent du doigt des déviances sectaires. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Vu les gens qui le disent, je m’interroge aussi sur la qualité de ces personnes. Les associations officielles qui traitent sérieusement des phénomènes de sectes ne se sont jamais positionnées auprès de moi. Les vraies associations internationales ne m’ont jamais écrit. J’ai saisi le préfet, j’ai saisi l’évêque, personne ne m’a répondu qu’il y avait un problème majeur.
Certaines pratiques posent quand même question. Le fait que les mormons doivent reverser 10% de leurs revenus par exemple.
Et le denier du culte ? Je pense que l’évêque serait bien content que les catholiques reversent 10% de leurs ressources. Certains le font obligatoirement, d’autres le font facultativement. Chacun fait ce qu’il veut. Si vous êtes libres et que vous donnez 10% de vos ressources, c’est que vous l’avez accepté.
Vous êtes catholique pratiquant ?
Oui, bien sûr, profondément croyant. On prie peut-être le même Dieu d’ailleurs. Je suis capable d’aller dans une synagogue, d’aller dans une mosquée, je prie Dieu avec tout le monde. On n’a peut-être pas tous la même idée du visage de nos dieux et de sa façon d’être. Mais ça, on le saura quand on passera dans l’au-delà.
Votre religion a-t-elle joué dans votre décision ?
Non, c’est avant tout le fait d’être représentant de la laïcité, de respecter toute personne humaine à partir du moment où ses idées sont compatibles avec les règles de la République. Or, ce dossier respecte complètement les lois de la République. En tant que croyant, je me suis dit que les catholiques n’avaient pas à craindre les mormons dans une ville où il y a trois églises et où les offices sont pleins le dimanche. On n’a jamais peur de la concurrence quand on est sûr de soi.
Quel impact prévoyez-vous pour votre ville ?
Je ne me rends pas compte. Je leur ai d’ailleurs demandé quelles pourraient être les retombées touristiques. En 1970, on venait visiter le centre commercial de Parly 2, après on venait visiter Orly, est-ce qu’on viendra visiter le temple mormon demain ? Je ne sais pas encore. Peut-être que tout le monde sera très content d’avoir un monument intéressant à visiter.
On parle d’un chantier qui pourrait coûter autour de 80 millions d’euros. N’est-ce pas un peu disproportionné pour une ville de 30 000 habitants ?
Chacun fait ce qu’il veut avec son argent. Je considère que c’est un problème privé. Il y a aussi des gens qui achètent des maisons et mettent beaucoup d’argent dedans. En France, on a encore un peu de liberté. Tant que ce n’est pas l’argent des contribuables, il n’y a pas de problème. Les Américains et toutes les personnes qui investissent sur le projet font ce qu’ils veulent. J’aurais même tendance à dire que ça va profiter à l’économie française. Au moins, ce chantier va faire travailler des Français.
Est-ce que votre ville avait besoin d’un temple mormon ?
La réponse est claire, c’est non. Mais il faut relativiser. Est-ce qu’à partir du moment où il va effectivement voir le jour, cela devient un handicap pour la ville ? La réponse est non aussi.
Merci Monsieur le maire.