Parce qu’à l’époque où les supermarchés vendent des bananes en sachet individuel, il est important de renouer avec ses valeurs et ses racines, nous avons proposé à des contributeurs Noisey et des invités de nous présente une playlist exclusivement constituée d’artistes de leur ville d’origine, dans le cadre d’une rubrique intelligememnt baptisée « Tour de France » . Après Bayonne, visite-express de La Rochelle, de Jesse Garon à Forever Pavot, en passant par Weak et Asyl, avec notre contributeur Pierre Jouan.
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On commence par la fierté locale, Bruno Fumard, alias Jesse Garon (du nom du jumeau d’Elvis décédé à la naissance), qui sort au beau milieu des années variétoche quelques tubes de rockabilly bien inspirés, dont le mythique « C’est lundi » (1984) qui arrive à ne pas sonner ringard une seule seconde, et à planer deux stratosphères au-dessus de ses voisins de rayon – les Danny Brillant et autres Forbans de triste mémoire. Las, le désormais « Jessé Garon’ » (dans sa version francisée) finira avec ces mêmes ringards sur les plateaux « spécial Yéyé » de Michel Drucker. Prenant sans doute acte du néant de toute chose, il s’est lancé dans la naturopathie et l’étude du Livre des Morts Tibétain, comme nous l’apprend sa page wikipédia, un peu trop apologétique pour être honnête.
Bon, j’ai une info pour vous : Etta James n’est pas née à La Rochelle. Mais la ville fut un des plus célèbres spots « mods » de France, fin 80’s-débuts 90’s, et on y a dansé sur la Northern Soul plus qu’ailleurs. Avec Saintes et Royan (même département), La Rochelle a été une terre d’accueil pour toutes les migrations annuelles de scooteristes, qui exposaient leurs engins customisés le long du port entre deux all-nighters, suant leurs amphèt’ sous leurs parkas recouverts de patchs tout en profitant des routes de campagne ensoleillées, autour d’une ville balnéaire où, contrairement au quartier des Halles à Paris, personne ne les emmerdait. Si la scène a disparu depuis un moment, faute de chair fraîche, la plupart des acteurs y vit encore, tenant qui un bar, qui un salon de coiffure, qui un commerce de 45 tours spécialisés, héros anonymes d’une époque de légende dont il ne reste aucune trace… Présent ingrat.
À noter que beaucoup des acteurs des scènes mod et garage de La Rochelle se sont installés à Paris dans les années 2000, et y ont principalement monté des bars, des salles de concert, et des plans DJ’s à l’arrache (on compte en revanche assez peu de Prix Nobel de Physique), lieux que vous connaissez tous s’il vous arrive de vous intéresser un peu au monde extérieur : Ne Nous Fâchons Pas, La Mécanique Ondulatoire, Le Plastic, Le Tiki Lounge, Le Lone Palm, soit le cœur vivant du rock à Paris depuis dix ans… Tous rochelais. Eh ouais. Vous pouvez aujourd’hui encore rencontrer un membre des Guzzlers derrière le comptoir d’un petit nouveau… le « Rochelle », 103 rue de la Folie Méricourt. Ça ne s’invente pas.
Il y a aussi eu une scène hardcore/skate-punk à La Rochelle à la fin des années 90, et votre serviteur y a traîné ses jeans Volcom trop larges plus souvent qu’à son tour. Dans la longue rampe de skate qui relie Paris à la mer en suivant le tracé du TGV, il y a avait un genre de continuité : Orléans avait Burning Heads, Poitiers avait Seven Hate, et nous avions Down to Earth. Bon, le groupe venait en réalité de St-Jean-d’Angély, mais vous pouvez oublier immédiatement ce nom, tant le bled qu’il désigne pue du cul. Les seuls faits de gloire de Down to Earth ont sans doute été d’ouvrir pour des groupes plus connus qu’eux, et j’ai pour ma part un souvenir ému du concert de Châtellerault, en première partie de No Fun At All. Autres lieux, autres temps…
Clin d’œil sympa de l’histoire, quand la « scène de musiques actuelles » attendue depuis trente ans a fini par ouvrir, nommément La Sirène (réputée dans tout l’Hexagone pour ses caterings gargantuesques, en mode « Tu veux quelle marque de Pépito ? On en a quatre ! »), c’est NoFX, les dieux incontestés du skate-core, qui l’ont inaugurée. Autant te dire qu’en 1997, on n’osait même pas en rêver.
Les dignes héritiers de la scène des années 90 : du garage-punk joué à fond les ballons, à la gloire d’une vie légère et inconséquente. À la tête de ce quatuor qui défonce absolument tout, on trouve le célèbre Bart, empereur des gogols, dont on ne compte plus le nombre de formations : Mean Things, Wild Zeros, Janitors, White Fangs, The Skeptics… S’il y a eu une scène à La Rochelle au milieu des années 2000, c’est grâce à lui et sa bande. Son label, Frantic City, continue de sortir des groupes obscurs jetant leur musique trempée dans le sang à la face d’un monde qui ne les mérite pas… Go on, Bart !
Pierre Jouan vit désormais à Paris et écrit régulièrement pour Noisey. Il n’est en revanche pas sur Twitter.