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Tour de France : Limoges

Parce qu’à l’époque où les supermarchés vendent des bananes en sachet individuel, il est important de renouer avec ses valeurs et ses racines, nous avons proposé à des contributeurs Noisey et des invités de nous présenter une playlist exclusivement constituée d’artistes de leur ville d’origine, dans le cadre d’une rubrique intelligemment baptisée « Tour de France ». Après Bayonne, La Rochelle, Reims, Brest, Lyon, Tours, Poitiers, Rouen, Bordeaux, Toulon, Pau, Angers, Montréal, Le Mans, La Réunion, Rennes et Malestroit, voici Limoges, présenté par the infamous Loïc Sellas.

Limoges. Vous vous êtes sûrement déjà arrêté prendre un double cheese au McDo du Carrefour Boisseuil en descendant vous faire dorer les miquettes sur la Costa Brava. Vous avez certainement déjà mentionné Limoges en citant les villes dans lesquelles vous ne vivriez pour rien au monde, sans vraiment savoir pourquoi. Vous savez juste ce qu’il y a à savoir de Limoges, que c’est paumé dans le centre de la France, la porcelaine, les vaches, tout ça. Ok. Et pourtant si vous aviez déjà cherché des cèpes dans la forêt limousine, enjambant d’un pas décidé l’écorce moussue d’un chêne millénaire, vos mains frôlant l’herbe nimbée d’une rosée matinale éphémère pour ramasser le bolet tant convoité, vous comprendriez.

À Limoges il n’y a pas de star. Comprenez par là qu’aucune personnalité médiatique n’est originaire de Limoges ou de ses environs. On y meurt seulement, comme Pascal Sevran. Et pourtant, ça n’a pas empêché des générations de jeunes perdus de s’acheter des instruments et de s’enfermer dans leurs garages pour se dévouer corps et âmes à la fièvre des musiques alternatives, du rock au metal en passant par le rap. Mais en veillant bien à ne pas trop s’exporter. Par flemme ? Par manque de contacts, d’opportunités ? Par manque de talent ? L’histoire ne le dit pas.

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LE FESTIVAL MEGAFOLIES
Au début des années 90 déjà, alors qu’à Rennes sont organisés les premiers Superbowl of Hardcore, quelques courageux s’aventurent à organiser le Mégafolies Festival près du Lac de St Pardoux, à quelques kilomètres de Limoges. Et décident direct d’envoyer du lourd en invitant Entombed, Napalm Death, Coroner, GBH, Treponem Pal et les Spudmonsters. BIM, malgré les trombes d’eau qui déferlent, les locaux prennent une claque. Vers la fin des 90’s, un autre fest voit le jour, le festival Lemoviskate, mais l’influence des productions Fat Wreck Chords se fait sentir et ce sont des affiches plus ska/punk mélo qui seront organisées au CCM John Lennon, en marge de contests de skate et de BMX. Chaîne et baggy de rigueur, Californie en Limouzi. Dernièrement, j’ai vu que certains s’étaient mis en tête de monter un festival pop rock « d’ampleur nationale » à Limoges comme il en existe déjà des dizaines sur tout le territoire. Vous savez, ce genre de festival lisse et sur-subventionné, tout ça pour faire venir inlassablement les mêmes groupes infernaux type Shaka Ponk, Fauve, Skip the Use et compagnie. Nul doute qu’ils vont réussir leur levée de fonds Kickstarter.

LE 22 RUE DE LA LOI
Adresse mythique du rock underground limougeaud, « le 22 » était un petit bar sans prétention qui a pourtant accueillt dans les années 90 tout un tas de groupes punk hardcore cultes comme Kickback, 25 Ta Life, Blood For Blood, Arkangel, MDC, Youth Brigade, Cause For Alarm et bien d’autres. Ca moshait sévère en sous-sol. Et quand le groupe était trop gros comme Suicidal Tendencies, Madball ou Agnostic Front, hop le concert se faisait au CCM John Lennon. Ce qui fit de Limoges à l’époque, un lieu de passage obligé pour les tourneurs européens au même titre que les Tontons Flingueurs à Rennes ou l’Espace Sedaine / Ornano à Paris. Après avoir été fermé pour diverses raisons, le lieu semble avoir été repris fin 2014 par un éditeur de bandes dessinées et s’appelle maintenant l’Espace El Doggo, café concert et librairie de bd indé. Aujourd’hui, la majorité des shows de la ville se passent au Zic Zinc, à la Fourmi ou au CCM. Ma maman est allée voir la tournée Âge tendre et tête de bois au Zénith aussi, mais j’imagine que vous vous en foutez, non ?

LES EJECTES
Groupe de ska rocksteady présent depuis plus de 25 ans, c’est sûrement la formation la plus connue de Limoges. J’avoue ne jamais avoir été dans leur trip alors je vais les laisser skanker en paix. En 2015, que ce soit la jeunesse post-bab ou celle en chaussures à bout pointus, elle écoute I Am A Band (rock folk), les Lost Communists (rock garage avec clavier – qui ont depuis splitté, dommage c’était chouette), Weird Omen (rock garage), Cold Cold Blood (rock blues country), Pony Clash (rock soul RnB) et sûrement d’autres que j’oublie.

ATTENTAT SONORE / NEGATIVE IQ
Les vétérans de la scène punk limougeaude, présents depuis 1986 malgré moult changements de line-up, ont toujours fait partie du décor au même titre que leurs acolytes de Negative IQ qui, eux, penchaient plus vers le HxC old school voire vers la oi. Hyperactif, Raf le guitariste d’Attentat Sonore a longtemps été à la tête du fanzine Guérilla Urbaine, a également animé l’émission de radio Emergency sur Beaub FM, et organisé des tonnes de shows via leur asso justement baptisée Do It Yourself. Je crois même que c’est l’un d’entre eux qui gère le magasin Undersounds, disquaire et libraire associatif près de la rue du Clocher. Et ce sont encore et toujours eux qui sont à l’origine de la compilation Limoges Punx sortie en 2008.

THE BUSHMEN
Véritables gloires « pop punk » locales, forcément influencés par les Thugs, je ne sais même pas s’ils ont officiellement splitté mais ils sont restés actifs une quinaine d’années, de 1995 à 2010 et n’ont sorti que 2 albums + une poignée de chansons pour des splits et des compiles. Feignasses ! À ranger aux côtés des groupes de l’époque : Six Pack, Portobello Bones, Unlogistic, Seven Hate, les Burning Heads, etc. À noter que le batteur, Simon, officia quelques temps au sein de Kickback. Et pourquoi pas ?

PURGATORY
« Allez Limoges, bougez vos fesses grasses, j’veux voir des chicots voler ! » Ah Purgatory, toujours l’assurance d’une fête de la musique réussie, d’un moment de détente entre amis, d’une mandale qui vous arrive sur le coin de la gueule au détour d’une mosh part ! Point de beatdown ici mais du metal hardcore sombre et tendu, entre All Out War, Integrity et Darkside NYC pour les connoisseurs. Ils auraient mérité de jouer plus, partout, tout le temps. Certains membres ou ex-membres sont maintenant dans ce groupe à la vidéo prometteuse : Death Cult. Niveau hardcore et affiliés en ville, les petits nouveaux s’appellent Backdown, Strike Twice, Nothing Lasts, United We Stand, Galion, Humanity, Murdhock ou Harvest (non, rien à voir avec le groupe de Minneapolis). Et ils sont tous sur Bandcamp.

LA SCENE DE ST-JU
À quelques kilomètres de Limoges, la ville de Saint-Junien. 11 000 habitants, une mairie d’obédience communiste depuis la nuit des temps, pas de pétrole mais parfois quelques idées. Certains choisissent de faire du rugby et de se mettre des caisses à l’Acropolis, haut-lieu du clubbing saint-junien, d’autres de faire du skate et de monter des groupes pour tromper l’ennui. Dans la cour du bahut Paul Eluard, les cassettes de NOFX et de Bad Religion circulaient sans papier, et plusieurs formations y virent le jour comme Switchpole (punk mélo), Hearty Laugh (idem), Keep On Farting (idem), HP (fusion, le Haut-Parleur de toute une génération !), It May Be Time (excellent HxC old to new school) ou encore Atomic Food (HxC old school). Aujourd’hui ? Il semblerait que les jeunes aient défintivement fait leur choix : les boîtes et le rugby.

EXECUTION / ANOREXIA NERVOSA
Pour ceux qui kiffent le talmé, c’est les gars d’Execution qu’il faut connaitre. Fous de death metal, ils organisent également plein de trucs au CCM, Morbid Angel et Saint-Vitus dernièrement par exemple, et vous, vous avez fait quoi ? Gros respect à eux. Anorexia Nervosa, groupe de black metal symphonique limougeaud inactif depuis 2005, avaient eu leur petit succès en signant sur le label Season of Mist à l’époque. Ils défrayèrent la chronique quand 2 jumelles de 14 ans en rébellion contre la hausse du prix des New Rocks décidèrent de se suicider en laissant des paroles de « Suicide is Sexy » sur leur Skyblog. Sexy.

HIGH POWERED FANZINE
À ce que je sache, en dehors du fanzine Guérilla Urbaine précédemment cité, Limoges n’a jamais trop été une ville littéraire. On me dit par contre que le rédacteur en chef de New Noise Magazine serait originaire de Limoges, peut-il confimer ? Je me rappelle cela dit très bien de Will et de son fanzine High Powered, moitié copié / collé moitié Word, et je me disais que c’était quand même sacrément classe d’écrire et d’éditer son propre magazine en dehors des réseaux d’édition classiques, juste par passion. Au sommaire, toujours des interviews de groupes à la pelle, des chroniques, des shows reports, et des photos de mecs en train de slammer dans tous les sens. C’était l’époque sans internet, l’époque du « on se sort les doigts du cul » alors qu’aujourd’hui, on n’a plutôt tendance à se les mettre dedans et à le poster le résultat sur Instagram. Que dire.

LAPOOASS
Ce rappeur du Val de l’Aurence, ZUP de Limoges, ne pouvait pas mieux choisir son nom, un nom qui semble coller à la ville. En 2012, il a dû verser 1500 euros de dommages et intérêts à un policier pour l’avoir pris à parti dans un de ses morceaux. Le rappeur semblait en avoir gros sur la patate : « Depuis qu’il est arrivé dans le quartier, quand il me contrôle, j’ai droit à des attouchements sur les parties. Une fois, il m’a amené au central, m’a obligé à me déshabiller et m’a dit que j’en avais une petite… », propos évidemment démentis par le policier qui s’est senti pourtant directement visé par la « diarrhé verbale » de Lapooass. La vidéo incriminée a depuis été retirée de Youtube et on n’a plus trop de nouvelles du rappeur, mais vous pouvez toujours vous délecter de « Chacun son block », juste au-dessus. C’est comme ça que ça se passe à Limoges.

LES ULTRAS GREEN
Je ne pouvais pas faire un billet sur Limoges sans en placer une pour le CSP. Spéciale dédicace donc aux Ultras Green dont les chants résonnent en l’honneur du club de basket le plus titré de France, premier club de sport collectif français sacré Champion d’Europe avant l’OM en 93 et encore cette année en finale du championnat de Pro A. TU VAS FAIRE QUOI L’ELAN BEARNAIS ?

Loïc Sellas a bien assez de Facebook, il n’a pas le temps pour Twitter.