À la machine à café virtuelle que sont nos réunions Zoom de boulot, le débat du moment c’est de savoir s’il vaut mieux poser une journée complète ou seulement un demi-RTT pour profiter pleinement de la potentielle ré-ouverture des terrasses. Le tout sans galérer à trouver une place et pouvoir ainsi tranquillement claquer un demi RSA en bières à moitié plates dans des gobelets en plastique. Le saint Graal version 2021.
Parce que oui, pour une fois, on est tous prêts à croire notre gouvernement quand il a -à moitié- laissé entendre que les terrasses pourraient rouvrir à la mi-mai. Et même si ce mois d’avril aura été le plus froid jamais enregistré depuis des décennies, on compte tous le nombre de dodos qui nous séparent du moment où il sera à nouveau autorisé de boire, légalement, un verre en terrasse.
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Mais est-ce qu’au fond, on ne se trompe pas complètement en pensant que le pire sera derrière nous ? Comme par exemple quand on était si heureux d’en avoir enfin terminé avec le collège ou le lycée et qu’il y avait toujours une personne pour te dire “Tu te rends pas compte que c’est tes meilleures années”. Honnêtement, après toutes ces années je méprise toujours autant les gens qui pensent que les poussées d’acné, les complexes, les profs horribles, les heures de colle et les devoirs à n’en plus finir représentaient le nirvana de ma présence sur Terre.
Mais dans le doute, autant essayer de lister dès maintenant ce qui pourrait potentiellement nous faire regretter la vie qu’on est en train de vivre, du moins ce qui pourrait au moins un peu nous manquer.
Ne plus chercher des excuses pour ne pas voir des gens
« Désolé j’ai trop peur des contrôles », alors même que la veille on était à une autre soirée appart et que là on est juste en grosse ramasse. Et qu’au fond ces gens-là on a jamais vraiment trop envie de les voir mais d’habitude on n’ose pas trop sortir d’excuses bidons. Depuis plus d’un an, tous les arguments mous et sans créativité fonctionnent du feu de dieu. « J’ai toussé trois fois, je vais attendre de faire un test avant de re-voir du monde » ou encore « ah je crois que j’ai un collègue qui a choppé la Covid, je suis surement cas-contact » Toutes ces possibilités passent crème à tous les coups : plus personne n’insiste pour que tu viennes.
Mater The Voice un samedi soir avec nos beaux-parents
Parce qu’on a enfin trouvé du temps pour aller passer plus d’une demi-journée dans la belle famille – et même si on aimerait aller ailleurs – mais qu’au fond c’est cool d’avoir un endroit où on peux mettre les pieds sous la table pour autre chose que des coquillettes knacki et sans prendre le risque d’être arrêté par la police, par exemple en allant manger un bout de comté à 40 balles chez Chalençon. Le tout en ayant la télévision allumée sur TF1. Une vraie TV, pas juste un écran d’ordi plein de traces de doigts.
Prendre une pause en plein boulot pour aller faire des courses
C’est quand même bien la première fois de nos vies que, sans scrupule, on ose dire à notre boss « désolé, je serais pas dispo dans l’heure qui vient, j’ai plus de PQ et tout ferme dans une heure. » Et de nous entendre répondre « Oh t’inquiètes, j’ai rendez-vous chez le coiffeur dans 5 minutes ». La Bella Vita.
Pouvoir débriefer Top Chef avec n’importe quel pote
Même si « c’est nul cette année » tout le monde a quand-même le temps de mater Top Chef. Puis, c’est vachement cool de pouvoir saisir au vol les conversations de collègues à qui on n’adressait jamais la parole pour leur dire que toi aussi t’es “dé-gou-té que Chloé soit partie, même si c’est vrai que ses dressages c’était pas ça” et que oui toi aussi tu rêverais qu’un héros des temps modernes remonte les épisodes sans les blagues de merde de Etchebest et les répliques mega mal jouées de Hélène Darroze, toutes dignes d’un figurant dans Plus-Belle-La-Vie. Les épisodes ne dureraient pas plus d’une heure, on pourrait enfin se coucher à 21h30 comme les autres soirs de la semaine.
Pouvoir s’assoir à tous les coups dans le métro
Aujourd’hui, il y a quasiment toujours des places assises dans le métro, et ce, même aux heures fatales de l’ancien monde, à savoir 19-20h, sur presque n’importe quelle ligne. Avant, fallait soit être en début de ligne, soit être enceinte jusqu’au coup, voire cul-de-jatte pour espérer avoir une place assise dans le métro. Maintenant, dans les grandes villes un pélo sur deux s’est inventé cycliste professionnel ou fait croire qu’en fait il “adore marcher” pour s’éviter l’angoisse de descendre dans une bouche de métro avec deux masques FFP16 superposés et une lingette désinfectante sur chaque doigt. Grâce à ces déserteurs sous-terrains, on a pu passer easy le niveau 8204 de Candy Crush. Merci à eux. Et cerise sur le gâteau : plus besoin de se taper un trajet complet à côté d’un collègue relou.
Être obligés de rester en France
Franchement, qui avant 2020 pouvait fièrement placer la Nièvre ou l’Ariège sur une carte de France sans une once d’hésitation ? Hormis bien-sûr la dizaine de personnes qui ont réussi à obtenir tous les aimants de régions françaises qu’on trouve dans des plats surgelés.
Les restrictions ponctuelles de déplacements et surtout l’angoisse des maxi cotons tiges dans nos pifs auront eu un effet bénéfique : on n’a jamais autant passé de temps dans notre pays. En plus d’être bientôt aussi calés que Stéphane Bern sur les joyaux du patrimoine français, ça nous évite aussi de devoir argumenter la mort dans l’âme, pendant des heures, avec des touristes du monde entier dans une auberge de jeunesse à Barcelone que “Non, tous les français ne sont pas anti-musulmans. C’est pas parce que les politiques français font passer des lois horribles et débiles sur le voile, que tous les français sont d’accords.” C’est vrai que c’est super démoralisant d’être assimilés pro-Macron ou Le Pen, alors autant aller à la Grande Motte.
Ne pas être à découvert dès le 15 du mois
Avouez : c’est un sentiment incroyable de ne plus avoir de mails de votre banquière paniquée de l’état de vos comptes seulement 4 jours après le versement de vos salaires, non? Autant on n’a pas grand chose à foutre en ce moment, autant ça nous évite de boire notre argent aussi vite qu’avant. C’est surement aussi pour ça que cette année, les associations et ONG ont reçu plus de gros dons que les autres années. On pourrait presque mettre des sous de côté et se sentir adultes mais, heureusement, il nous reste toujours Wish ou Vinted pour nous faire dépenser un peu de fric sans raison, ni besoin.
Ne plus être obligé de faire des efforts avec ses collègues
L’avantage avec le télétravail généralisé, c’est qu’on est plus obligé de voir des collègues qu’on peut pas blairer. Avec un peu de chance, ils sont même pas dans votre service et alors là c’est jackpot : vous ne les avez pas croisé depuis plus d’un an, même virtuellement. Vu qu’on a le droit pour notre “santé mentale” de venir au bureau une fois par semaine, mais que c’est vraiment pas conseillé, beaucoup ont même la chance de pouvoir profiter de locaux quasi vides. Sans se taper l’autre insup’ à la machine à café, ni même subir les “calls” super bruyants de l’équipe d’à côté. C’est pas tous les jours qu’on pourrait même “techniquement” faire une sieste au bureau sans jamais croiser personne. Une aubaine.
Prévoir sa défonce dès 14h
Les rares fois où on n’a pas la flemme d’aller à une fête, (comprendre : accepter de se rendre à la 8635e soirée appart de l’année), c’est devenu tout un cérémonial pour réussir à passer une soirée agréable. Impossible aujourd’hui d’y aller sur un coup de tête, passer acheter trois merdes hors-de-prix dans un commerce de nuit, y ajouter un paquet de malbac à 20€ sorti de sous le comptoir ou même de taper sur le pochon d’un inconnu. Nan, là, tout s’anticipe dès le début d’aprem pour éviter de se retrouver les mains vides à la fermetures des commerces essentiels. C’est finalement assez grisant d’imaginer la murge qu’on va se coller dans les heures à venir. C’est aussi un risque non-négligeable d’être ivre mort dès 20h42. Mais de toute façon on s’en fout : le temps n’a plus vraiment d’importance.
Ne plus réfléchir à quelle tenue porter
Nos vies d’ermite imposées ont un sacré avantage : on ne doit plus réfléchir à comment se saper pour telle ou telle occasion. Déjà, il n’y a quasi plus d’occasions de se saper et si jamais ça venait à arriver et qu’on a pas d’excuse valable pour l’éviter : aucune angoisse sociale à reporter la même tenue que la fois précédente, vu que tous les magasins de vêtements sont fermés. Alors oui, on pourrait vous dire que ASOS et H&M livrent toujours, mais comme vous savez maintenant que la fast-fashion et les livraisons c’est un désastre pour la planète : ça vous donne un super sujet de discussion à aborder directement après que vos voisins aient terminé de donner encore une fois leurs avis sur les vaccins et les lobby pharmaceutiques.
Plus d’obligation de se taper un repas de famille en gueule de bois
Les chances d’être en gueule de bois sont presque aussi minces que les chances que vos grands-parents aient déjà reçu leur deuxième dose de vaccin, alors combiner les deux relèverait clairement du miracle. Du coup, plus besoin de s’engloutir cul-sec deux Citrate de Bétaïne en essayant de changer les billets d’un train que vous êtes en train de rater pour arriver avec une heure de retard, suant à grosses gouttes et puant le cendrier froid à la fête des 15 ans de votre petite cousine que vous voyez de toute façon plus souvent sur TikTok que dans la vraie vie.
Plus aucune gène à dire que vous n’avez rien foutu
Dans le monde d’avant, quand on nous demandait “t’as fait quoi ce week-end” on se sentait toujours obligés de broder un truc, même flou, pour ne pas avoir à dire qu’on n’a juste pas bougé de notre lit pendant deux jours. Et que les gros pics d’activité se sont résumés à aller ouvrir au livreur qui apporte un McDo ou à chercher sous l’une des piles de vêtements sales à côté du lit ce satané chargeur d’ordi pour pouvoir continuer à mater une série ou un porno. 2020 aura apporté ce soulagement immense, on peut désormais dire sans honte : “J’ai rien branlé du week-end” sans se sentir jugé.
Vos potes ne postent plus leurs meilleures vies sur Instagram
À part deux trois trouducs qui ont quand-même réussi à partir aux Canaries et adorent vous montrer qu’ils boivent des Piña-Colada avec vue mer, on a vraiment la chance infinie de ne quasiment plus se taper de stories narquoises qui foutent un fomo puissance 1000. Et maintenant que les photos du « merveilleux pain qu’a fait mon mec » sont passées de mode, que toutes les personnes qui ont déménagé à Marseille pour télé-travailler ont épuisé chaque cm2 de leur balcon magnifique et que tous nos potes médecins sont vaccinés depuis plusieurs semaines : les réseaux sociaux sont redevenus tout aussi chiants que nos vies. Et c’est quand même plutôt apaisant.
Thibault lui aussi poste des trucs chiants sur Instagram.
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