Des mannequins font semblant d’avoir un travail stable et épanouissant. Photo via Getty
La plupart des articles qui traitent de la génération Y nous représentent plus ou moins comme des gens qui se promènent constamment en hoverboard, tout en envoyant des stories Snapchat et des émojis caca à la face de nos aînés. Un article récent du New York Times – qui parlait majoritairement d’un type qui a menti sur la mort d’un proche pour se construire une cabane – a défini les stéréotypes de cette génération en ces termes : « un sentiment que tout leur est dû, une tendance à trop s’épancher sur les réseaux sociaux, et une honnêteté qui flirte avec l’insubordination ».
Videos by VICE
Nous avons tous déjà beaucoup entendu parler de l’idéalisme, de l’égocentrisme et de la désinvolture que les gens plus vieux nous prêtent. Dans tous les articles de ce type – et il y en a eu –, les millenials constituent un phénomène que le monde subit plutôt que l’inverse.
J’imagine que c’est ce sentiment que tout nous est dû qui nous pousse à dénoncer l’horreur économique dont nous avons hérité. Mais il est devenu difficile d’ignorer tous les signaux outranciers qui prouvent que nos conditions de travail sont bien pires que celles de nos prédécesseurs. En atteste notamment cette étude sortie la semaine dernière, qui prouve une fois de plus que le monde du travail en Amérique est particulièrement sinistre.
Une des statistiques les moins réjouissantes a été soulignée par Quartz : Seuls 29 % des travailleurs âgés de moins de 30 ans bénéficient d’une sécurité sociale, tandis que 35 % d’entre eux reçoivent « des snacks/déjeuners gratuits » – ce qui n’est pas vraiment un acquis social, à moins que les banques ne se mettent à accepter des paquets de chips en guise de remboursement de prêts étudiants. Pendant ce temps-là, 56 % de tous les parents travailleurs n’ont jamais eu de congé parental – mais ils ont probablement pu bénéficier d’un encas gratuit ! – et parmi ceux qui l’ont fait, 87 % ont pris moins de 12 semaines.
Dans un registre plus sympathique, un communiqué de presse qui traite de cette étude précise que les missions temporaires dans des entreprises comme Uber ou Airbnb font désormais partie de la norme. Près d’un cinquième des personnes en recherche d’emploi interrogées ont eu un travail de ce type – et 56 % d’entre elles déclarent que les missions à court terme constituent leur principale source de revenus. Bien entendu, ces jobs ne sont pas vraiment des jobs. En outre, ils sont sous-payés, ne proposent aucun avantage social, et versent occasionnellement dans l’illégalité.
Mais passons à la suite – « Les gens cherchent du travail n’importe où et n’importe quand ! », poursuit le communiqué de presse. « 52 % des personnes qui ont cherché un emploi via leur téléphone l’ont fait dans le confort de leur lit – et 37 % ont consulté les petites annonces alors qu’ils étaient en train de bosser dans leur bureau actuel. » Si vous avez déjà cherché du job sur votre téléphone dans les tréfonds de votre lit, vous n’utiliseriez certainement pas un point d’exclamation pour décrire cette expérience – laquelle implique souvent de vous lever extrêmement tard, d’ignorer deux-trois textos inquiets de vos parents, d’attendre que vos colocataires tracent au boulot et de réfléchir à ce que vous allez manger parce que vous êtes tellement à découvert que vous n’êtes pas à un poulet korma près, n’est-ce pas ?
L’étude de Jobvite n’essaie même pas de s’attaquer aux chiffres salariaux, mais ça fait un moment qu’on sait que les jeunes d’aujourd’hui sont plus pauvres que les générations précédentes, et qu’ils sont souvent criblés de dettes.
On ne peut pas vraiment prendre un sondage mené par un site de recrutement comme une source fiable, mais l’enquête de Jobvite évoque brièvement les inclinations politiques des personnes interrogées. Les supporters de Bernie Sanders sont majoritairement des femmes de la génération Y, et ont également plus de chances d’être insatisfaites au travail et de changer de job fréquemment. Bien entendu, Sanders est encore loin d’espérer devenir président en 2016, et les économistes semblent penser qu’il faudra attendre longtemps avant de voir les inégalités économiques se réduire. Peut-être que dans un monde aussi sombre, il n’y a effectivement rien de mieux à faire que de s’enfuir pour construire une cabane.