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Un surfeur sous pression : Gerry Lopez

Cet article est publié en partenariat avec Surf Session Magazine.

Surf Session et VICE Sports vous présentent la colonne “Coup de pression” : des grands noms du surf vous racontent un de leurs plus grands moments de peur dans l’eau et sur leurs planches.

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L’Hawaiien Gerry Lopez est probablement l’une des plus grandes légendes que le surf ait connu. Ce pionnier de pipeline, réputé pour avoir montré la voie sur cette vague mythique dans les années 70, grâce à un engagement novateur aidé par l’évolution agressive des planches, a aussi à son actif une découverte qui pèse son poids : G-Land.

Cette fameuse gauche perdue au milieu de la jungle sur l’île de Java en Indonésie a fait fantasmer plus d’un surfeur et n’a encore aujourd’hui rien perdu de sa réputation. C’est après l’avoir repérée depuis le hublot d’un avion que Gerry et son pote Rory Russell se sont lancés à sa poursuite.

Si les sessions qui s’en suivirent valaient de l’or, l’Hawaiien en aura tout de même parfois payer le prix

« Après avoir surfé G-Land pendant de longues années, tu apprends plein de petites choses pour rester en sécurité là-bas. Parce que tu es en pleine jungle et que si tu te blesses gravement, tu peux alors avoir de sérieux problèmes. Une des choses que tu dois notamment apprendre est que si tu perds ta planche (si ton leash se casse ou quelque chose comme ça), tu dois revenir vers le bord très rapidement parce que si tu prends ton temps alors que tu nages, tu te fais entraîner par les courants de reef, et là-bas il y a très peu de profondeur et les vagues sont très grosses. Tu as donc de très fortes chances de te faire éclater sur le reef.

J’ai donc perdu ma board une fois, et je savais déjà ce qu’il fallait que je fasse. J’ai nagé, j’ai fait du bodysurf, et j’ai réussi à revenir à l’intérieur assez rapidement. J’étais toujours juste en face du pic, mais je pensais que j’étais en sécurité. Je nageais aussi loin que je le pouvais et l’eau devenait vraiment peu profonde. Je pouvais me tenir debout, et du coup je me suis mis à chercher ma planche. Je l’ai aperçue un peu plus loin, et me suis donc remis à nager mais finalement l’eau était devenue vraiment trop peu profonde. Je me suis donc à nouveau mis debout sur le reef, et j’étais vraiment loin du pic, les vagues cassaient à plus de 150 mètres de moi. C’était des vagues d’un bon 2,5m à la série. Mais là où j’étais il n’y avait rien, c’était plat. J’étais persuadé qu’aucune vague ne viendrait se briser si loin sur le reef. Mais tout d’un coup, j’ai senti quelque chose. Je me suis retourné très vite, et j’ai vu cette eau bouillonnante, qui devait être à la même hauteur que ma tête, arriver de façon très puissante. Là je me suis dit, “oh, merde”, parce qu’il n’y avait vraiment pas d’eau. J’étais piégé et j’ai tout de suite pensé : “Tu vas te faire éclater”.

Je ne savais pas trop quoi faire, la vague se rapprochait de plus en plus, toujours aussi puissante. En plus, je n’avais pas de chaussons de reef, donc je ne pouvais pas courir. Tout ce que je pouvais faire, c’était attendre. Quand cette masse blanche est arrivée sur moi, je me suis accroupi, puis j’ai sauté dedans aussi haut que je le pouvais. Mais c’était si puissant que ça m’a projeté violemment sur le reef. Mon dos s’est râpé contre le corail comme ça : “rrrrrr”. Il s’est découpé de haut en bas. Je ne pouvais pas y croire. Je me suis relevé, et bien sûr il n’y avait rien d’autre derrière. Il n’y avait eu qu’une seule vague. Une vague bizarre. C’était comme si un tigre avait ravagé mon dos, ce n’était pas très grave, mais c’était plein de coupures de reef partout sur mon dos. Lorsque je suis arrivé au bord, Peter était là, ainsi que mon frère et tous mes amis. Ils m’ont tous regardé, et mon dos saignait comme pas possible. Ils m’ont balancé : “Mais qu’est-ce qu’il t’ait arrivé ?!” Je leur ai juste répondu, “vous n’allez pas croire cette histoire.” En fait, c’est le prix que tu payes quand tu vas surfer. Spécialement quand tu vas dans un endroit comme G-Land. Tout le monde sait que lorsque la note arrive, tu dois payer. Quand tu joues, tu dois payer. »