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Une explication aux mystérieux « ronds de sorcières » des prairies namibiennes

Comme toutes les choses qui possèdent une forme parfaitement harmonieuse et rigoureusement symétrique, « les ronds de sorcière » perdus au beau milieu des prairies de Namibie ont l’air artificiels, c’est-à-dire créés intentionnellement par un être intelligent.

Évidemment, le fait qu’il soit impossible d’expliquer leur existence en ayant recours à une hypothèse simple et évidente stimule l’imagination ; le folklore leur a donc longtemps attribué une origine surnaturelle. Mais qu’est-ce qu’un rond de sorcière (aussi appelé cercle des fées) ? Il s’agit d’une partie de la prairie entièrement dépourvue d’herbe et bordée par un cercle parfait de touffes d’herbe particulièrement épaisses. Les ronds de sorcière se développent selon des cycles spécifiques : lorsque l’on commence à les remarquer dans le paysage, ils mesurent généralement 2 mètres de diamètre. Ils grossiront progressivement jusqu’à atteindre les 12 mètres de diamètre, puis se fondront dans le reste de la végétation. Un tel cycle peut s’étendre sur une soixantaine d’années au bas mot.

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Des chercheurs de l’Université Princeton dirigé par l’écologue Corina Tarnita avancent désormais une nouvelle explication à ce phénomène, après s’être appuyés sur des modèles de simulation. Les ronds, selon Tarnita et ses collègues, seraient issue des interactions complexe entre l’activité d’insectes souterrains et un phénomène d’auto-organisation chez les plantes elles-mêmes. Les ronds de sorcières sont certes l’œuvre de la nature, mais d’une nature où des ensembles désordonnés à l’échelle micro peut produire des formes d’organisation inattendues à l’échelle macro (c’est ce que l’on appelle un phénomène d’émergence).

Les travaux des chercheurs sont décrits dans le dernier numéro de la revue Nature.

Les cercles de fées sont au centre d’un vieux débat. Certains écologues attribuent leur existence au travail de petits « ingénieurs » – des termites ou fourmis dont les fouilles souterraines provoquent la disparition de la végétation. On retrouve régulièrement des patterns similaires dans des termitières, ce qui nous laisse pensser que la partie souterraine d’une termitière est elle aussi parfaitement symétrique. En outre, selon une étude de 2013 publiée dans Science, on a retrouvé des termites de sable sous 80 à 100% des ronds de sorcières.

Image : Tyler Coverdale

D’autres doutent de la pertinence de cette hypothèse en insistant sur le fait que corrélation n’implique pas causalité. La présence des termites ne prouve rien en soi, et certainement pas la variation extraordinaire du diamètre des ronds de sorcière au cours du temps. Pour aller au fond des choses, il faut examiner l’herbe elle-même. Et surtout, l’âpre compétition entre différentes espèces de végétaux.

En outre, il semble probable que les ronds consistent en réserves nutritives pour les espèces d’herbe les plus hautes que l’on trouve à leur périphérie. L’espacement entre cercles serait alors le produit de la compétition entre les différentes espèces d’herbes hautes dont la survie dépendent de chaque rond. Cette hypothèse permet d’expliquer pourquoi les cercles ne se situent que dans les régions où la pluviométrie est idéale pour les plantes, qui reçoivent alors la quantité d’éléments nutritifs dont elles ont besoin.

Tarnita et ses collègues estiment que ces deux hypothèses sont légitimes, et sans doute vérifiables. D’ailleurs, ils ont pas réussi à simuler le phénomène au sein de modèles qui ne prenaient en compte qu’une seule hypothèse sur deux. « Les patterns multi-échelles et autres propriétés émergentes que nous avons observées, comme la résistance à la sécheresse, proviennent des interactions dynamiques dans notre cadre théorique qui couple les deux mécanismes », écrivent les chercheurs.

Ainsi, quand les nutriments se font sont rares, les herbes basses meurent à cause de la compétition avec les herbes hautes, laissant au sol des cercles qui s’élargissent progressivement jusqu’à ce que le déficit en nutriments soit surmonté. Les cercles permettent en outre de conserver l’eau de pluie plus facilement, donc d’obtenir davantage de nutriments qui profiteront aussi aux termites. Le modèle est parfaitement cohérent.

Les ronds de sorcières ne sont donc pas des empreintes de divinités, comme le pense les Himbas qui vivent à proximité, mais un exemple de symbiose aux résultats particulièrement élégants.