Cet article a été initialement publié sur VICE Mexique.
« Alors, prêt pour ta transformation ? » me demande María Magdalena, avant de m’emmener chez elle pour me relooker.
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J’ai toujours été fasciné par la maîtrise technique et artistique avec laquelle certains travestis incarnent leurs personnages. Tout chez eux est admirable : leur attitude, leur démarche confiante en talons hauts, leurs cheveux qui se balancent d’avant en arrière… Combien de temps leur faut-il pour se préparer ? Où trouvent-ils des costumes aussi fabuleux ? Ne craignent-ils pas pour leur sécurité ? À quoi je ressemblerais en femme ? Autant de questions qui m’ont obsédé pendant des mois.
María Magdalena et Skanda López sont deux drag-queens qui, par le biais des réseaux sociaux, offrent la possibilité de vivre une nuit glamour à quiconque a envie d’essayer. J’ai décidé de les prendre au mot, désireux d’explorer cet aspect inconnu de ma personnalité.
Je les contacte et elles me donnent rendez-vous un jeudi soir devant le Palais des beaux-arts de Mexico. Comment vont-elles m’habiller ? Quel va être mon pseudo ? Et si je n’arrive pas à marcher en talons ? L’attente est longue et le stress monte. Heureusement, mes inquiétudes s’envolent quand je vois arriver deux nonnes carmélites d’1m95. Je suis entre de bonnes mains.
Elles m’emmènent chez elles et m’offrent une bière fraîche et de la tequila. Elles sortent aussitôt des perruques, des robes, des bijoux et des babioles religieuses. J’avale mon premier shot. « Santé ! »
Une fois que nous sommes installés, elles m’expliquent les étapes à suivre. Premièrement, le maquillage. Puis vient le moment de prendre une décision importante : perruque blonde, rousse ou brune ? Enfin, la robe et les accessoires.
Elles me lavent le visage et collent des adhésifs sur mes sourcils, ce qui me donne une sensation d’inconfort. Il est temps de masquer mes autres traits du visage à grand renfort de fond de teint. Environ une heure plus tard, je peux enfin me regarder dans un miroir. J’ai le visage blanc, sans sourcils ni traits majeurs.
« Maintenant, on va dessiner ton nouveau visage ! » me disent-elles en préparant un set de pinceaux et de fards à paupières. Elles commencent par me dessiner une nouvelle paire de sourcils qui, selon elles, va définir mon nouveau visage et ma nouvelle personnalité. Jusqu’ici, tout se passe bien. Je ne sais pas si c’est parce que je me suis habitué à rester assis sans bouger ou si ce sont les effets de la tequila.
On touche au but. « Tu es prête ! » me dit finalement María. Il est temps de choisir les vêtements et la perruque que je vais porter. Avant de continuer, María me demande si j’ai réfléchit à mon nouveau nom. À vrai dire, j’ai oublié ce détail important. Je repense à un bouquin que j’ai lu récemment et je décide de voler le nom du protagoniste.
« Virginia ! »
Je passe au crible leur énorme collection de perruques. « Je veux essayer celle-ci », dis-je en montrant une longue chevelure blonde et ondulée. À peine l’ai-je enfilée que je l’ai adoptée.
Skanda et María me présentent ensuite une robe qui semble m’être destinée. Je demande si elles ont des corsets ou des sous-vêtements à essayer, mais elles me répondent que c’est difficile à porter. « L’expérience peut être très fatigante la première fois, il vaut mieux ne pas en faire trop », m’explique Skanda.
Une heure plus tard, je me vois enfin dans le miroir pour la première fois. Un grand sourire illumine mon visage alors que je contemple le travail qu’elles ont réalisé. J’ai l’impression d’être Cendrillon et d’avoir deux fées marraines.
« Tu ressembles à Sofía Vergara », plaisante l’une d’elles.
« Bien sûr ! Je n’ai qu’à m’appeler Virginia Vergara ! »
Une fois prêtes, nous quittons l’appartement et nous dirigeons vers notre nouvelle destination : les bars LGBTQ + de la rue Republica de Cuba. J’essaye d’avancer d’un pas ferme avec mes talons hauts, mais pour être honnête, mes nerfs lâchent et mon incertitude grandit.
Premier stop : le Marrakech, un célèbre bar gay. Il est à peine 23 heures et l’endroit n’a pas encore atteint sa capacité maximale – je peux encore me déplacer dans la foule. J’ai l’impression d’être une célébrité. Des gens nous abordent pour prendre des photos avec nous. Je reçois beaucoup de compliments et ça m’emplit de joie.
La chaleur ne tarde pas à avoir raison de moi et de mon maquillage. Nous décidons de partir mais d’autres personnes nous arrêtent pour nous prendre en photos et nous complimenter. Plus le temps passe, plus je suis convaincu que je suis une vraie star, du moins le temps d’une nuit.
Nous traversons la rue et entrons à La Puri, un bar décoré par l’artiste mexicain Fabián Chairéz. Là aussi, dès l’instant où nous traversons le couloir rempli de miroirs et de néons, des gens nous abordent.
Entre la compagnie agréable, la musique, les photos et le magnifique décor, l’ambiance à La Puri est incroyable. Comme si rien ne pouvait aller de travers. Nous avons beau être dans l’une des rues les plus dangereuses du centre de Mexico, nous nous sentons en sécurité. C’est parce que toutes les personnes présentes ne sont pas là pour juger, elles sont là pour la même raison que vous : s’amuser dans un espace à 100 % exempt d’homophobie, de préjugés et de mauvais comportements.
Le travestissement est un moyen de s’explorer soi-même, de créer sa propre fiction, de se glisser dans une nouvelle peau dans laquelle on se sent à l’aise. Tout le monde devrait ressentir ce sentiment de satisfaction un jour. Heureusement qu’il existe des personnes comme María Magdalena et Skanda López, prêtes à jouer les guides à travers un processus qui peut être décourageant.
J’ai été confronté à mes propres préjugés et j’ai eu l’occasion d’explorer une autre facette de moi-même. Cette aventure a été incroyable, pleine de confiance et d’amour. Nous avons décidé de rester à La Puri un peu plus longtemps, de boire du mezcal, de danser et de porter un toast. La musique était forte et j’avais l’impression d’être la reine de la soirée. Il faut croire que parfois, le bonheur réside dans une simple paire de talons hauts.
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